A quelques jours de la fête de Tabaski, les commerçants et les marchands ambulants se livrent à une guerre sans merci sur les avenues Petersen, Emile Badiane ainsi qu’aux marchés Hlm et Sandaga. Entre ces derniers, ce n’est pas le grand amour. Ils se regardent en chien de faïence.
La fête de Tabaski est l’une des occasions pour les commerçants et les marchands ambulants de réaliser un chiffre d’affaires important. Mais, dans la rivalité. Chacun use de stratagèmes pour détourner l’attention des clients de l’autre. Pis, les marchands ambulants, qui occupent la devanture des boutiques, ne laissent aucune chance aux boutiquiers qui ont du mal à écouler leurs produits. Et, les rabatteurs ne sont pas en reste. Seulement, eux, collaborent avec tout le monde. Mais, ce sont les prix proposés qui font la différence. Car, si certains clients préfèrent les produits de luxe d’autres tablent sur la friperie, les produits chinois et ou recyclés. Pour ces dernières catégories, les marchands ambulants restent les champions. Pour cause, les produits qu’ils proposent coûtent moins cher que ceux des commerçants.
En cette période, ce sont les articles pour femmes qui se vendent le mieux. Viennent ensuite ceux des enfants. Quant aux articles pour hommes, ils viennent en dernière position. Sur l’avenue Petersen, ces articles ornent les tables, les kiosques de fortune et même les grillages des chantiers en cours. Le plus important pour les marchands ambulants, c’est d’avoir un espace où étaler ses produits.Propriétaire d’une boutique sur l’avenue Petersen, Momar Dieng assiste, impuissant, à l’occupation de la devanture de son commerce. Cela, même s’il a plusieurs fois dénoncé l’agressivité dont font montre les marchands ambulants. Après plusieurs tentatives, il s’est résigné à cohabiter avec eux.
Cette cohabitation forcée n’est pas non plus du goût de Mamadou Gaye, commerçant de son état et propriétaire, lui aussi, d’une boutique. Seulement, il se dit désarmé face à autant de personnes qui ne cherchent qu’à gagner leur vie. «On n’y peut rien. Il y a des vieilles personnes, des jeunes et des femmes. Même si cela ne m’enchante pas, je crois que quelque part, ils ont raison. La vie est devenue très difficile. Les gens ne s’en sortent plus à cause des difficultés économiques. Donc, ils sont obligés de se débrouiller», a-t-il laissé entendre.
Il faut rappeler que depuis les élections locales, les maires des différentes communes de Dakar ont tenté à maintes reprises et en vain de déguerpir les marchands ambulants qui occupent illégalement les artères et ruelles de la capitale. Mais, après chaque opération, ils reviennent en force. Si les autorités sont en droit de penser que ces commerçants sont dans l’illégalité, ces derniers aussi ne manquent pas d’arguments pour expliquer leur choix. El Hadji Ndiaye, un d’entre eux, soutient qu’il n’a pas choisi de devenir un marchand ambulant mais c’est la société qui l’aurait poussé à le devenir. Diplômé sans emploi, il dit être resté plusieurs années sans aucun emploi avant de verser dans le commerce. «Je suis obligé de vendre dans la rue pour gagner ma vie. Parce que personne ne m’aidera à construire ma vie», a-t-il soutenu.
L’Etat, seul responsable du phénomène
L’Etat n’est pas épargné dans le combat qui oppose ces autorités municipales aux marchands ambulants. De l’avis du jeune El Hadji Ndiaye, si l’Etat avait joué pleinement son rôle, il n’y aurait pas de marchands ambulants dans le pays. Ainsi, il estime que ce dernier est le seul responsable de ce «fléau». Car, relève-t-il, presque tous les jeunes sans emploi sont devenus ou sont en passe de devenir des marchands ambulants.
Le même phénomène est constaté au niveau de l’Avenue Emile Badiane et autour du marché Sandaga. Les marchands ambulants, les rabatteurs et les propriétaires de cantine ou de boutique cohabitent ensemble dans la douleur et l’incompréhension. Marchand ambulant de son état, Ibrahima Mbengue remet au goût du jour, la problématique de leur recasement. Il confie que les mairies sont incapables de trouver des sites de recasement pour eux et passent tout leur temps à leur causer du tort. «Qu’on nous laisse travailler. Nous ne sommes ni des voleurs ni des agresseurs. Nous voulons gagner notre vie dans la dignité. S’ils veulent nous aider, qu’ils nous aident à trouver des boutiques ou cantines», lance-t-il. Toutefois, il renseigne qu’il arrive parfois que les marchands ambulants s’entendent avec certains propriétaires de magasin qui les autorisent à s’installer. «Nous et les propriétaires de magasin, nous ne sommes pas des ennemis. Nous voulons tous la même chose, vendre. Même si parfois, il y a des problèmes. Mais, on fait avec», a-t-il noté. En attendant, les uns et les autres essayent de profiter de cette période de forte consommation.
Adama COULIBALY