Même s’ils ne l’ont pas déclaré persona non grata dans la banlieue, les populations attendent le chef de l’Etat avec un concert de doléances en lieu et place de celui que devra tenir Youssou Ndour. Entre inondations, chômage, mal vivre et promesses électorales non tenues, Macky Sall aura fort à faire pour se faire applaudir dans la banlieue ce samedi.
Sauf report de dernière minute, le chef de l’Etat Macky Sall sera ce samedi à Pikine pour les besoins de la clôture des vacances citoyennes qui vont s’achever par un concert de Youssou Ndour le lead vocal du Super-étoile et non moins ministre-conseiller. Mais d’ores et déjà, des risques planent sur la visite du président de la République avec les vagues de protestations qui fusent de tous bords.
«La banlieue n’a pas la tête à ça, les préoccupations des banlieusardes, c’est comment faire face aux inondations, au chômage, aux délestages et au mal vivre », avertit Babacar Mbaye Ngaraf du mouvement «Alliance pour sauver le Sénégal». Aujourd’hui, ajoute-t-il, «le Président Sall devrait plutôt organiser une rencontre avec les populations de la banlieue pour présenter un bilan à mi-parcours au lieu de tenir un concert. C’est pourquoi nous estimons que le Président doit respect et égards aux populations de la banlieue. Les vacances citoyennes, ce n’est pas que la danse».
Cette alerte de Babacar Mbaye Ngaraf résume les maux et les mots qui attendent Macky Sall dans la banlieue. Il y a d’abord les sinistrés victimes des inondations qui depuis quelques jours ne cessent de démultiplier leurs sorties pour dénoncer le manque d’assistance de l’Etat dans leurs difficultés.
Ainsi, les sinistrés des communes de Djidah Thiaroye Kao, Guinaw rails Sud, Pikine-Est, Pikine-Ouest, Thiaroye gare entre autres n’ont cessé de faire des sorties intempestives pour crier leur mal vivre par rapport aux eaux pluviales qui les empêchent de dormir et qui sont à l’origine de beaucoup de maladies.
Pire encore, au niveau du village de Boune Keur Massar, les populations sont sorties récemment pour brûler des pneus en signe de mécontentement populaire contre l’Etat pour avoir, selon eux, «fui ses responsabilités dans la prise en charge des inondations et pour n’avoir pas tenu ses engagements dans la question des ouvrages».
Un des jeunes responsables du Collectif des inondations du nom de Ablaye Ba rumine sa colère : «C’est le ministre Fatou Tambédou qui était venue ici à Boune en promettant qu’il y aura des travaux de canalisation. Mais jusqu’à nos jours, on n’a rien vu. Pire, Madame le Ministre a disparu de la circulation».
Au niveau de la Commune de Djidah Tharoye Kao, c’est aussi la colère noire chez des sinistrés au niveau des quartiers Léona et Mésséré. Ces derniers n’ont pas vu leurs ouvrages de canalisations du fait, selon eux, des lenteurs de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). Dans cette localité de Djidah Thiaroye kao, plus d’une quarantaine de familles ont été relogées à l’école élémentaire publique Salif Ndongo.
Dans les autres communes comme Thiaroye gare et Guinaw rails Sud, certaines familles sinistrées qui risquent d’immoler leurs moutons de Tabaski sous les eaux s’en prennent aussi au pouvoir de Macky Sall . «On dirait que ce pouvoir n’a de considération que pour ses proches. Car ici à Guinaw rails Sud comme il y a un maire libéral, l’Etat n’a fait aucune action concrète pour assister les populations. Il en est de même pour la Ville de Pikine qui, n’a à ce jour déployé qu’un seul hydro-cureur».
Pour ces inondations, même les édifices publics sont affectés. C’est le cas du Commissariat de Thiaroye où les bureaux sont inondés. Ce qui fait que les populations peinent à obtenir certains papiers.
Autre foyer de tension dormant, ce sont les travailleurs des Collectivités locales du Département de Pikine victimes de l’acte 03 de la décentralisation. Certains d’entre eux comme ceux du Centre de santé Dominique de Pikine-ouest sont restés 4 mois sans percevoir leurs salaires.
Ce qui a poussé hier encore ces agents municipaux à tenir un sit-in au niveau de ce centre de santé pour dénoncer les impairs de l’acte 03 de la décentralisation. Il y a aussi d’autres agents des autres communes qui courent derrière deux mois d’arriérés de salaires ou qui connaissent chaque mois des retards de paiement de salaires. Il y a également une quarantaine d’agents municipaux de cette ville de Pikine recrutés au mois d’avril 2014 qui ont été aussi licenciés par l’actuel maire Abdoulaye Thimbo,
Ces licenciements jugés abusifs et ces cas de salaires impayés des agents du centre de santé Dominique ont poussé les conseillers municipaux de la Commune de Pikine-Ouest à sortir de leurs gonds lors d’une rencontre avec la presse pour tirer à boulets rouges sur le maire de la Ville de Pikine, Abdoulaye Thimbo pour avoir fui ses administrés.
«Abdoulaye Thimbo n’a rien fait pour aider ses agents municipaux à percevoir leurs salaires. En tant que maire de la ville, il devrait être aux côtés du maire de Pikine-Ouest Pape Gorgui Ndong pour l’aider à payer ses agents municipaux que le budget de la Commune ne peut supporter. Abdoulaye Thimbo a préféré s’emmurer dans le silence. C’est irresponsable de sa part pour quelqu’un qui se dit responsable. Abdoulaye Thimbo nous a déçus».
Cette colère des populations est aussi palpable chez les déflatés des agences en charge de l’emploi des jeunes que sont Anej, Ofejban, Anama qui sont choqués par leur non-redéploiement dans la fonction publique. Ces déflatés comptent même organiser une rencontre avec la presse pour exprimer leur colère.
Autres doléances qui attendent Macky Sall, ce sont les questions éducatives. La Fédération des élèves et étudiants de Pikine (Feep) a fait une sortie pour réclamer au chef de l’Etat l’érection d’un lycée pour l’arrondissement de Pikine-Dagoudane tout en exprimant leur opposition à la tenue de concert pour clôturer les vacances citoyennes. Selon ces potaches, l’urgence est ailleurs à Pikine. Car avec les inondations, la houle de Thiaroye sur mer et le chômage endémique des jeunes de la banlieue, il serait mieux que l’Etat se penche sur ces problèmes au lieu de faire «du folklore et du tintamarre» avec un concert de Youssou Ndour.
Théodore SEMEDO
et Georges Nesta DIOP