CHRONIQUE DE MAREME
Fusille, homme de main de Wilane : parcours d’un caïd
Je sors du bureau de mon patron, le cœur battant très vite. Si je ne retrouve pas cette sorcière d’Aicha, je ne donne pas chère de moi. Je l’appelle sorcière parce que cette petite a rendu complétement fou mon maitre. Je ne l’ai jamais vu aussi obsédé par une femme. Il est obnubilé par celle – ci au point, me dit – il, de ne plus dormir. Depuis cette fameuse nuit où elle lui a tiré dessus, elle est devenue sa plus grande convoitise. C’est peut – être parce qu’il a toujours obtenu ce qu’il voulait : argent, femme, puissance…tout. Wilane est fils unique et il est venu à un moment où ses parents n’y croyaient plus. D’après mon père qui était leur garde du corps, si Wilane est devenu ainsi c’est à cause de ses parents. Ils l’ont plus que gâté, ils l’ont presque idolâtré. Quels que soient ces caprices de gamin, ils faisaient tout pour les satisfaire. Comme il avait toujours ce qu’il demandait, il a commencé à vouloir l’inaccessible, à désirer l’interdit. Il suffisait qu’il entende « ce n’est pas bien de faire ceci ou cela » pour qu’il le fasse. Son père, au lieu d’essayer de le remettre dans l’ordre, a commencé à cacher ses méfaits. Mais plus il grandissait plus il devenait incontrôlable. Wilane a commencé à voler des millions à ses parents qui le boudaient quelque jours, à fréquenter de mauvaises personnes, à enfreindre la loi. Cela aurait pu être une sonnette d’alarme mais non, son père a continué à le protéger, à étouffer ses actions criminelles en payant des pots de vin. Je me rappelle de cette fois où il a violé la fille de Mère Soukeye (gouvernante de la maison). Elle s’appelait Coumba et venait tous les weekends voir sa mère. Wilane avait des vues sur elle mais cette dernière, avertie par sa mère, le fuyait comme la peste. Alors il a profité du voyage de ses parents et de l’absence de mère Nafi partie faire des courses, pour la violer. A cette époque, je commençais déjà à le fréquenter. J’ai essayé de l’en empêcher mais c’était plus fort que lui. Pour lui c’était un affront que la fille de la bonne refuse de sortir avec lui. Il fallait qu’elle paye, je n’étais pas d’accord. Mais, je n’avais pas envie que les petites sommes qu’il me donnait de temps en temps s’arrêtent. Mère Soukeye a fait un gros scandale et est allée porter plainte direct. Mais comme toujours, son père a réussi à étouffer l’affaire en offrant au père de la fille dix millions. Je n’ai plus jamais entendu parler d’eux. Wilane m’avouera plus tard, qu’il n’avait jamais autant pris son pied et qu’il avait envie de recommencer. Je voyais comment il prenait plaisir à faire du mal et plus les années passaient plus il allait au-delà du vice. Son père avait une société d’import – export mais pour lui c’était rien, il voulait plus. Il a commencé à fréquenter le cartel de la drogue et à se faire un nom petit à petit. Il a profité de la société de son père pour faire ses deals. Wilane Père était trop content que son fils s’intéresse enfin à ses affaires pour deviner quoi que ce soit. Rapidement mon boss s’est fait un nom, a commencé à fréquenter les plus grosses pointures de la criminalité. Il a agrandi la société de son père avec l’argent sale du cartel de drogue qu’il fréquentait. Des immeubles et des sociétés ont commencé à voir le jour et à 28 ans il devient l’homme fort de la criminalité en Afrique de l’Ouest. Quand une guerre éclatait grâce à ses armes, il était tout content et entrait en transe. Il aimait répandre le mal et faire du mal. Combien d’hommes je l’ai vu abattre de sang-froid, combien de femmes enlevées, violées et dès fois même tuées ? Pour lui tout était permis, c’est Satan en personne. C’est pourquoi j’ai en quelque sorte un peu pitié pour cette fille. En tirant sur lui, cette Aicha a plus que réveillé son côté prédateur, c’est devenu un défi, une obsession amoureuse. Quand il parle d’elle, ses yeux brillent, sa respiration s’accélère et ses pensées se brouillent. Aujourd’hui, il appelle toutes ses maitresses par son nom. Wilane idolâtre cette fille et cela me fait peur car c’est la première fois que je le vois perdre pied. Sinon comment expliquer la menace qu’il vient de me faire après tant d’années de services loyaux à ses côtés. Bour dou mbok (on ne doit jamais faire confiance à un roi), il finit toujours par vous trahir. Je me suis tellement suée pour lui, j’ai tué tant de personnes et aujourd’hui, pour une petite garce de rien du tout, il me traite comme de la merde. Je ne sais pas pourquoi mais je n’aime pas cette histoire. Tous les grands hommes sont tombés à cause d’une femme. J’entre dans ma voiture et appelle Alpha. Il décroche à la seconde sonnerie.
- Je veux que tu agresses une femme pour moi. Je t’envoie scorpion, il t’indiquera où elle habite et son emploi du temps. Je veux un travail propre, sans dégât. Ne la blesse pas sinon elle risque de porter plainte. Prends juste tout ce qu’elle a et dans le pactole c’est le portable qui m’intéresse. Tu l’envoies direct à Génie et dis-lui de me décoder le téléphone et de m’envoyer par mails tous les numéros de son répertoire. C’est noté ?
- Cinq sur cinq.
- Le temps m’est compté alors vous avez jusqu’à demain. Je raccroche et jette le portable sur le siège d’à côté. Il faut vraiment que je retrouve cette maudite fille sinon, Patron va me tuer.
Malick : face-à-face
Je me suis réveillé très tôt aujourd’hui. Après avoir fait ma prière matinale, je suis descendu à la cuisine prendre mon petit déjeuner. Il est à peine 6 heures et si je m’écoutais, j’allais partir rejoindre Aicha. C’est son tour mais je dois prendre le petit déjeuner ici. Je dois encore patienter une heure, il ne faut pas que je change mes habitudes avec Abi au contraire.
Je repense à hier, quand j’ai déposé Aicha, je ne suis même pas entré dans l’appartement. Je lui ai juste donné une bise devant la porte de l’appartement avant de tourner les talons. La petite coquine, ayant deviné le pourquoi, a éclaté de rire derrière mon dos. C’est fou comme elle me connait autant en un si laps de temps. Toute la journée, j’avais résisté à l’envie d’aller la rejoindre dans ce lit d’hôpital où j’ai failli lui faire l’amour le matin. Je retrouve Abi, comme toujours, toute pimpante m’attendant le sourire aux lèvres. Je me suis jeté sur elle, déversant toute la frustration sexuelle que j’avais depuis ce matin à cause de Aicha. Après cela, elle était toute contente et nous avons finalement passé une belle soirée avec les enfants. Au couché, je lui ai encore fait l’amour et cette fois en prenant tout mon temps. Je l’ai amenée deux fois au septième ciel mais quand mon tour est arrivé, c’était autre chose, je n’arrivais pas à décoller. Alors j’ai encore pensé à Aicha, à sa façon de gémir, de trembler, de crier mon nom quand elle jouit et j’ai explosé. Cela m’a fait mal parce que j’avais l’impression de tromper Abi mais c’était plus fort que moi. Je ne savais comment me défaire de cela. C’est qu’avec Aicha, c’est l’alchimie complète, le feu d’artifice sous la couette. Tout est multiplié par dix voire par cent : l’odeur, les sensations, le toucher. Contrairement à toutes ces femmes que j’ai connues, avec Aicha, je suis attentionné à ses moindres gestes. Je surveille son corps pour voir quelle caresse la fait gémir, quelle position elle adore le plus, tout. Quand on fait l’amour, nos corps se soudent et nos âmes se parlent. Quand elle entre en transe, elle m’emporte toujours avec elle dans une jouissance explosive. Elle n’est pas experte, ni pro comme Abi ou encore Marianne mais elle est la seule à toucher mon âme.
- Tu penses à quoi avec ce sourire béat. Je relève la tête pour voir Abi entrer. Son visage est tellement habitué au maquillage que le matin elle semble malade. A force de la voir avec tous ses artifices, je la trouve bizarre sans. Alors, demande-t-elle en s’asseyant près de moi. Ne voulant pas lui répondre, je prends un bout de pain et le mets dans sa bouche. Elle me mord le doigt avec un regard qui en dit long sur ce qu’elle pense.
- Même pas dans tes rêves, lui dis – je d’un ton taquin. Tu as assez reçu ma dose hier alors…
- Hum tu crois ? Elle glisse sa main sous mon pantalon que je retire spontanément.
- J’ai déjà pris ma douche chérie, alors s’il te plaît, finis – je, en lui donnant une bise sensuelle histoire de ne pas la vexer. Elle fait une petite moue de découragement avant de commencer à se servir.
- Au fait, je voulais qu’on parle de quelque chose. Elle a fui mon regard en disant cela, ce qui me met tout de suite sur mes gardes.
- Vas-y, dis – je en me relevant, torse bombé, le regard de braise. Cela déstabilise toujours la personne qui est devant toi.
- Heu… C’est-à-dire…
- Oui ?
- Je me demandais si Aicha allait continuer à travailler avec toi. Je fronce les sourcils.
- Bien sûr. Pourquoi cette question.
- Malick, je trouve que ce n’est pas juste pour moi. Vous vous verrez tous les jours alors que ce n’est pas le cas pour moi. Je me lève de ma chaise énervé par ces broutilles qu’elle vient de débiter.
- Ne commence pas Abi.
- Quoi ? c’est vrai, tu dois la licencier, c’est injuste.
- Ne cherche pas des problèmes là où il n’y en a pas. Là, c’est ta jalousie qui parle. Aicha fait du bon boulot et m’est très indispensable alors il est hors de question que je me sépare d’elle pour te satisfaire. Elle se lève à son tour et vient se mettre en face de moi.
- Tu peux trouver facilement un autre interprète. Malick, je ne veux pas que vous vous voyez quand c’est mon tour. Là, je sens que la moutarde commence à me monter. Le visage hyper serré, les mains sur les hanches, je prends un grand bol d’air avant de parler car je sens que la colère monte.
- Abi, regarde-moi bien dans les yeux là. Aicha est très douée comme interprète et d’une efficacité remarquable dans le travail. Il est hors de question que je me sépare d’un si bon élément surtout en ce moment. Là ce n’est pas le mari qui parle mais son boss. Elle ouvre la bouche mais je la coupe. Non non non, tes histoires de jalousie mal placée là, tu ne me les fais pas à moi. Si je te dis que je respecterais ton tour alors je le ferais. Alors arrête de te prendre la tête pour des futilités.
- Je ne me prends la tête pour rien du tout merde… je recule d’un pas pour la toiser et je tourne les talons. S’il y a une chose que je déteste ce sont les insultes. Si je reste alors, je pète un câble. Hamadi rék.
Je démarre la voiture en trombe et quitte la maison sans me retourner. Ha les femmes, il suffit d’être gentille rèk, pour qu’elles te sortent de ces problèmes. Elles cherchent toujours des histoires là où il n’y en a pas. Je sais faire la part des choses et il est hors de question, que je me sépare d’Aicha. Déjà que je dois aller en Afrique du Sud pour une séance de travail de trois jours et aussi une petite audience avec le juge pour fixer la date d’un de mes plus gros procès. C’est sûr que Aicha fera partie du voyage dans la mesure où elle a un plus par rapport aux autres interprètes. Nous avons notre propre jargon juridique et avec l’aide de Suzanne, elle s’en est vite appropriée. Contrairement aux autres interprètes qui avaient l’habitude de bégayer durant mes plaidoyers, Aicha, elle, est plus fluide dans les paroles. Je sens les problèmes venir à cent lieues d’ici. Mais quand il s’agit de mon travail, je ne fais pas compromis. Abi n’a qu’à faire la part des choses.
Dix minutes plus tard, je me gare devant notre immeuble. J’ai tellement hâte de la retrouver que j’ai couru les escaliers. Au moment où je déboule du couloir, je la vois fermer la porte à clé. Elle porte un joli ensemble tailleur bleu ciel qui épouse bien son corps. Quand elle se retourne et me voit, ses lèvres s’incurvent en un sourire qui me fait fondre littéralement. Je la laisse avancer jusqu’à moi et je me dépêche d’entourer mes mains autour de sa taille.
- Salut beau gosse, dit – elle en entourant ses petites mains autour de mon cou. Je prends sa bouche sans attendre et l’entraine dans un baiser torride jusqu’à oublier l’endroit où nous étions. C’est elle qui me repousse en premier. J’arrête de l’embrasser et pose mon front sur le tien.
- J’adore tes lèvres bébé, lui murmurais – je. Le désir est monté d’une flèche pourtant Dieu m’est témoin que je n’avais pas cela en tête en venant la chercher.
- Tu m’as manqué, répondit – elle d’une voix si sexy que je reprends encore sa bouche et la colle au mur. Cette fois je veux qu’elle sente l’effet qu’elle me fait. Le désir que j’ai pour elle est intarissable. Elle gémit quand elle voit à quel point je suis tendu.
- Malick Kane yémal (reste tranquille).
- Ma bagne (je refuse), j’ai trop envie de toi, tu me tus.
- On va être en retard.
- Je m’en fou, je veux ma dose matinale.
- Soi raisonnable toi aussi, tu…. Je la fait taire encore. Cette fois mon baiser est sauvage, dominateur. Je recule encore de deux centimètres.
- De deux choses l’une : soit tu me suis, soit je te fais l’amour ici et maintenant, lui dis – je d’un ton qui se voulait convainquant. Je respire fortement, j’ai trop envie d’elle. Elle remue la tête et me suit. Je souris grandement et avance vers la porte d’un pas rapide tout en enlevant ma veste. Elle a commencé à déboutonner ma chemise alors que j’introduisais la clé dans la serrure. Je me suis rué vers elle dès qu’on s’est engouffré dans l’appartement. Contrairement à elle, j’ai fait sauter les boutons de sa chemise, ce qui lui a fait pousser un cri. J’étais en transe. Je lui ai fait l’amour près de la porte, contre le mur avec nos habits et chaussures. C’était grisant, extase. Après que je sois revenu sur terre, j’ai commencé à avoir peur qu’elle le prenne mal. Même si je l’ai sentie décoller dans mes bras, j’ai peur que le fait de lui avoir fait l’amour aussi sauvagement lui rappelle de mauvais souvenirs.
- Ça va ? Lui chuchotais – je à l’oreille. Elle acquiesce la tête. Excuse-moi d’avoir été si brutal. Elle éclate de rire ce qui me fait pousser un grand ouf de soulagement.
- Hum j’aime bien le Malick brutal.
- Ah bon ? J’ai eu peur que…
- J’ai adoré au contraire. N’hésite jamais à me faire découvrir des choses, je te fais confiance.
- Intéressant. C’est noté, répondis – je en souriant.
Nous avons quitté l’appartement une demi-heure plus tard. Dans la voiture, je sens Aicha tendue.
- Quelque chose te tracasse ?
- Il y a que je n’ai toujours pas de nouvelles de mon frère depuis que je lui ai demandé de faire une enquête sur Papa.
- Je ne veux pas que tu te stresses pour ça, ce n’est pas bien dans ton état. J’ai déjà contacté un ami et il est en train de voir avec vos identités. Du temps où j’étais chef de cabinet, il travaillait pour moi et c’est lui qui m’a remplacé quand j’ai démissionné puisque je l’ai recommandé personnellement au ministre. Donc il me doit une fière chandelle. Tout sera rétabli dans l’ordre avant la fin de la semaine et dès lundi on passe à la mairie pour notre mariage civil.
- Magnifique, dit – elle en applaudissant.
- Quant à ton père, j’ai déjà mis mon meilleur enquêteur sur lui.
- J’ai très peur Malick.
- Ne t’inquiète pas, quoi que cela puisse être, on l’affrontera.
- Inchallah, dit – elle avec une voix tintée d’espoir.
Nous avons continué le reste du trajet en silence. Je prie au plus profond de moi que ça ne soit pas quelque chose de criminel. Dès que l’ascenseur s’est ouvert, Suzanne a couru vers moi comme une folle.
- Enfin te voilà. Pourquoi tu ne décroches pas à ton portable ? Je tâte mon costume, ma poche, rien.
- J’ai dû l’oublier à la maison. Appelle le chauffeur pour qu’il me le ramène. Que se passe t – il ?
- Tu ne vas pas aimer. Jack vient d’appeler, l’avocat de Golden Corporation a réussi à faire avancer le procès.
- Pour ça, il faudrait qu’il ait audience. Elle lève les mains en acquiesçant de la tête. Non, il n’a pas osé. Quand ? Les battements de mon cœur commencent à s’accélérer.
- Jack dit qu’on l’a convoqué hier matin même pour une audience à 16 heures. Donc sachant que tu ne pourrais pas y être, il est allé là-bas dans l’intention de dire…
- Quel menteur, le salaud. Donc il va à l’abattoir sans aviser le concerné. Qu’est – ce qui l’a empêché de m’appeler. J’aurai pu faire une audience par inter-conférence. Et c’est quand le procès.
- Lundi, dit – elle à voix basse. J’ai failli tomber car mes pieds se sont entremêlés.
- Pas ce lundi Suzanne. Elle fait juste oui de la tête. Je me prends la bouche. Non de Dieu, tu es sûre. Non ce n’est pas possible. Elle ne dit rien. Je crie encore : C’est une blague.
- J’ai déjà réservé ton billet d’avion pour ce soir.
- Ma main à couper que ce salaud est de mèche avec la partie adverse. Appelle Sonko, Ami, Dimitri et Guirassi. Je les veux dans mon bureau tout de suite.
- Jack a demandé que tu l’appelles dés…
- Qu’il aille se faire foutre, quand j’en aurai fini avec lui, il n’exercera plus le métier d’avocat.
- Tu crois vraiment qu’il est de mèche avec la partie adverse ? Il avait l’air si bouleversé au phone.
- Quel juge oserait avancer si rapidement un procès d’une si haute importance sans la présence de l’avocat général. Il a été soudoyé Suzanne alors appelle le et demande lui le nom du juge qui a cautionné cela. J’ai claqué la porte avec colère en desserrant ma cravate. C’est vraiment dur de travailler en Afrique avec ces nombreux juges et avocats véreux. Ici seul l’argent compte, il suffit d’une mallette pour les faire capituler et on compte ceux qui sont arrivés à garder leurs intégrités. C’est pour cela que j’ai installé au sein de mon cabinet un département spécial d’enquêteur avec à leur tête un ancien commissaire. Dimitri est sans contexte l’un des hommes les plus efficaces quand il s’agit d’enquêter sur une affaire. Je lui dois pratiquement le succès de toutes mes affaires. Lundi, ça veut dire dans quatre jours, je ne serais jamais prêt.
Cinq minutes plus tard, ils sont tous là, je lance la réunion en faisant les cents pas. S’il y a une chose que je déteste le plus c’est qu’on me le fasse à l’envers.
- Suzanne vous a briffé, demande-je. Ils acquiescent tous de la tête. Golden Corporation est une société ermite qui profite de la fragilité des entreprises pour leur mettre la main dessus. Nous avons réussi le plus dur c’est-à-dire mettre la main sur tous leurs dossiers surtout fiscaux. Ils savaient que si nous allions en procès, ils seront foutus. Normalement si le juge avait respecté les normes, le procès aurait dû démarrer au minimum dans cinq mois. Avec un dossier aussi gros, il croit que c’est impossible de tout boucler en quatre jours. Mais c’est mal me connaitre. Je veux que vous mettez en suspend tous vos dossiers et que vous concentrez toutes vos équipes sur ça. Ami, avocate spécialiste en droit fiscale, lève la main avec un sourire.
- Si tu veux savoir, j’ai déjà épluché la moitié des dossiers et je peux te dire qu’il y a du lourd.
- C’est vrai ? Magnifique. J’ai envie de te prendre dans mes bras. Rappelle-moi de t’augmenter cette année, dis-je. Tout le monde éclate de rire. Tu penses que tu pourras finir le reste avant samedi. Ce qui me permettrait de faire mon plaidoyer.
- Oui, mais il faudra que j’amène avec moi un ami, il est à la retraite depuis deux ans mais c’est le meilleur quand il s’agit de fiscalité.
J’acquiesce de la tête et me tourne vers les deux autres
- Et vous ?
- J’avais déjà mis un détective privé de là-bas. Il ne m’a pas encore fait de compte rendu global mais il dit avoir trouvé beaucoup d’actions pas catholiques de leur part, explique Dimitri.
- Appel le pour une réunion demain à 15H, lui demande-je.
- J’ai découvert que trois grosses sociétés internationales avaient résilié leur contrat avec eux, explique Sonko, avocat en droit international. La raison évoquée, poursuit-il, est le non-respect de certaines normes internationales. Comme Ami l’a dit, Golden Corporation est plus dans les magouilles fiscales et ces sociétés ont dû le découvrir. J’avais rendez – vous avec eux le mois prochain mais….
- Pas de mais, appelle les et dis leur que c’est urgent. Je veux juste des preuves et s’ils refusent de t’en fournir tu leur dit que notre cabinet est prêt à défendre une de leurs affaires avec seulement 50 % de rémunération. Quant à toi Guirrassi, ex-agent de la DIC, je veux tout savoir sur ce juge, tout. Je tape les mains avant de continuer. Allez ranger vos dossiers et faire vos bagages. Une longue et pénible semaine nous attend.
Notre plus grand avantage est que nos adversaires pensent que nous ne serons jamais prêts pour clôturer ce dossier en quatre jours. Mais avec la petite réunion que je viens de faire, je me rends compte que la moitié du boulot est déjà effectuée. Ce n’est pas pour rien que ce cabinet est devenu en un si laps de temps ce qu’il est. Je me suis entouré de passionnés, des gens comme moi, qui travaillent plus par plaisir que par gain. C’est pourquoi nous avons toujours une longueur d’avance dans toutes nos affaires. Nous allons profiter de cet effet de surprise pour les pousser à régler le problème à l’amiable. Je suis tout excité avec ce nouveau challenge qui m’attend.
Aicha : découverte
Je suis dans le bureau de Suzanne depuis que nous sommes arrivés. Elle est en train de sortir les dossiers que l’on doit amener avec nous. Elle vient de m’annoncer que je vais faire partie du voyage en Afrique du Sud et je suis toute excitée. Je vais prendre l’avion pour la première fois de ma vie et je vais servir d’interprète à Malick dans ce procès. Je ne sais pas si je suis capable de parler devant autant de personnes. Le téléphone de Suzanne sonne, elle décroche.
- Oui elle est là, répond-elle en me regardant. Répond à ton mari.
Quand j’arrive à son bureau, il est au téléphone.
- Merci beaucoup mon cher, je te l’envoie tout de suite. Ok à tout de suite. On doit te faire une nouvelle carte d’identité et un passeport, me lance t’il dès qu’il raccroche. Mais pas avec ton faux nom. On va te faire un passeport diplomatique pour que tu puisses voyager comme moi sans encombre. Tu y vas avec Daouda, mon ami t’attend. Après tu vas à la maison pour faire nos valises. J’enverrai le chauffeur chez Abi car j’ai plus de costumes là-bas. Tu en prends cinq, deux grands boubous et quelques habits décontractés.
- On sera là-bas pour combien de jours.
- Je ne sais vraiment pas. Un mois peut – être ou une semaine. Cela dépend de la partie adverse qui peut demander de régler l’affaire à l’amiable si elle voit que c’est perdu pour eux. Vas – y le temps presse.
Je regarde une dernière fois mon mari avant de sortir. C’est la première fois que je le vois aussi concentré, si froid. Je sens que les jours à venir vont être plus que contraignants. Le reste de la journée annonce déjà la couleur ; elle a été plus que mouvementée. Je suis retournée au bureau vers 16 h avec passeport et valise en main. Suzanne m’attendait avec une pile de dossiers que je devais emporter. Elle m’a remis aussi un ordinateur portable dernier cri et mon billet d’avion. Quelques minutes plus tard, nous quittons le bureau direction l’aéroport. Avant cela Malick devait d’abord passer chez lui pour dire au revoir à Abi et à ses enfants. Mais je sens qu’il y a une forte tension entre eux ; Abi avait refusé de remettre les cinq costumes au chauffeur. Comme j’étais concentrée sur mon nouvel ordinateur, je n’ai pas remarqué le stress de mon mari jusqu’à ce qu’il me dit.
- Souhaite-moi bonne chance, dit-il.
- Pourquoi ?
- Ce matin, nous avons eu une petite conversation qui s’est mal terminée. En fait, elle me demandait, plutôt elle m’exigeait de te renvoyer parce qu’elle ne voulait pas que l’on se voit durant ses tours.
- C’est quoi ces bêtises, elle est si jalouse que ça ?
- Imagine maintenant que je dois faire ce voyage avec toi. Elle ne va pas aimer mais je n’ai pas le choix.
- Parle calmement avec elle et explique-lui l’urgence de la situation. Je suis sûre qu’elle comprendra.
- Je ne pense pas mais je vais essayer, répond-il faisant une petite moue.
Il sort de la voiture et entre chez lui d’un pas décidé. Cinq minutes plus tard, les éclats de voix commencent à me parvenir jusqu’à la voiture. Mon cœur a commencé à battre très fort. Malick sort de la maison, le visage en feu suivi par Abi complétement en furie. Je fais comme les tortues quand elles voient un danger. Je glisse sous la chaise afin de mieux me cacher. Je sais, je suis une peureuse et alors. Déjà elle fait peur avec sa forte gabarie alors imaginez la en colère.
- Tu n’es qu’un traitre, je te jure que si tu pars avec elle, tu vas le regretter, vocifère Abi, tirant avec force le bras de Malick.
- Arrête de te comporter comme une gamine. Tu es avec moi depuis assez longtemps donc tu connais ces urgences, se défend Malick haussant le ton. Les jours à venir seront très difficiles, je serais plus que débordé et…
- Je n’en ai rien à cirer de ce que tu vas faire. Tu as toujours payé des interprètes pour tes procès alors….
- Oui mais….
- Je ne veux rien entendre Malick, débrouille toi comme tu as toujours fait, martelait-elle en larmes.
- La jalousie t’aveugle et c’est vraiment dommage. On se parlera quand tu te seras calmée. Il faut que j’y aille. Il tourne les talons, Abi essaye de l’en empêcher mais se rétracte face au regard noir de Malick. J’ai eu vraiment pitié d’elle avec son visage dévasté par les larmes. Il entre dans la voiture et se dépêche de démarrer en regardant autour de lui. Quand il me voit, il incline la tête et sourit. Je ne sors de ma cachette que quand il s’éloigne de la maison.
- Comprends là, elle t’aime, lui dis-je en lui massant le bras.
- J’en doute, elle connait les conditions dans lesquelles je suis quand je suis en plein procès.
- Les conditions ?
- Disons que je vais être complétement déconnecté de la réalité. Tu peux être dans la même pièce que moi et je ne m’en rendrais même pas compte. J’ai déjà voyagé avec Abi et depuis elle m’a juré qu’elle n’irait plus jamais avec moi en voyage d’affaires.
- C’est bon à savoir, d’ailleurs tu annonces déjà la couleur. Ce matin tu étais plus que froid.
- Donc ne m’en veux pas les jours à venir si je me comporte comme un zombi, dit-il en me caressant le bras.
- C’est noté.
Nous avons appelé nos parents respectifs à l’aéroport. J’ai d’abord parlé avec Papa qui a tout de suite pris bien la chose. Quant – à Menoumbé, il était plus excité que moi. Ma mère par contre, c’est autre chose. Vous connaissez les mamans avec leurs phobies. J’ai eu droit à toute sorte de remontrance genre ce n’est pas sûr dans mon état, je devais faire un bain d’eau bénite avant de voyager, bla bla bla. J’ai vite fait de raccrocher avant qu’elle n’enlève ma joie de prendre l’avion pour la première fois. Par contre quand l’hôtesse de l’air a annoncé le départ du vol, j’ai commencé à avoir des palpitations. Quand l’avion a commencé à avancer sur le tarmac, tachycardie à 100, quand il a pris le vol, mon cœur a failli exploser. J’ai pratiquement tordu le bras le Malick tellement je le tenais très fort. Il n’arrêtait pas de rire, le mec, jusqu’à ce que je vomis sur lui. Kèh kèh kèh, bien fait pour lui.
Nous avons atterri à l’aéroport international de Johannesburg vers quatre heures du matin. Malgré la fatigue, j’ai été séduite par la beauté et l’immensité de l’aéroport. Mon émerveillement sera plus grand durant le trajet nous menant à l’hôtel.
- Wawe c’est très jolie ici, dis-je toute excitée :
- Bienvenue à Johannesburg, me répondit-il souriant
Par Madame Ndèye Marème DIOP