CHRONIQUE DE MAREME
“Dans la vie, les épreuves ne sont jamais destinées à te briser, mais à te rendre plus fort… On doit être blessé pour grandir, on doit perdre pour gagner, car les plus importantes leçons de vie, on les apprend à travers la douleur “
L’offensive : Mamadou Wade, maire de Fatick
Dès que je l’ai vue, je suis tombé sous le charme de cette petite. Quand elle nous a fait cette présentation exceptionnelle devant tous ces hommes d’affaires alors j’ai su qu’il me la fallait coûte que coûte. Aicha est naturellement belle et quand elle captive ton regard, tu ne peux plus te détourner d’elle. Ajoutez à cela, cette intelligence débordante. À 16 ans, elle parle couramment deux langues avec, en plus, une capacité de mémorisation extraordinaire, je me demande comment elle sera avec un bon encadrement. Avec cette fille dans ma cour, je gagnerai plusieurs marchés. Je sens et je sais qu’elle va beaucoup m’apporter donc j’ai décidé de l’avoir par tous les moyens. Et des moyens, j’en ai usé plus qu’il en a fallu.
D’abord, j’ai dû payer cette ménagère pour qu’elle fasse croire à tout l’hôtel qu’elle avait couché avec M. Kane. Ce con a failli gâcher mon plan en s’amourachant avec mon trésor. J’ai dû inventer cette histoire de rendez-vous à la chambre 37 et ils sont tombés tous les deux dans mon piège. Il faut dire que la chance était de mon côté car il suffisait que Malick se pointe devant la chambre, dix minutes avant pour y voir entrer le frère de Aicha et le gérant Badou.
Les jours suivants, j’ai voulu profiter de la déception d’Aicha pour m’approcher davantage d’elle, mais je butais contre un mur. Et, plus elle me rejetait, plus mon obsession de l’avoir augmentait. Je me suis alors tourné vers son père qui, après avoir parlé avec sa fille, m’a dit que ce n’était pas possible. Il disait qu’il ne forcerait jamais cette dernière à se marier. Pour qui il se prend ce pauvre, il devrait sauter au plafond en voyant un homme de ma trempe s’intéresser à sa fille. Déjà que mon orgueil en avait pris un sacré coup avec le refus de Aicha. Pff, une simple fille de paysan. Mais quand son père m’a rejeté, moi, le maire, c’était alors devenu une question d’honneur. J’ai demandé alors à Niangue, mon homme de main, d’enquêter sur ce dernier. Une semaine plus tard, j’apprenais qu’il croulait sous les dettes et qu’il avait des retards de paiement à la banque. En fait, il comptait sur la vente d’un appartement pour avoir assez de temps de manœuvre. Malheureusement pour lui, la vente n’a pas pu se faire à cause de ses frères qui lui mettaient des bâtons dans les roues avec la paperasse. Il a ainsi été obligé d’amener l’affaire en justice, ce qui peut prendre des années. Or tout le monde sait bien que les banques ne font pas de compromis et aujourd’hui ce paysan ne compte que sur la recette de son champ pour payer les trois mois d’arriérés dus à la banque. La solution pour moi était de détruire la seule chose qui lui restait. Oui, je sais, je suis, comme qui dirait, le représentant de Satan sur terre. Quand je veux quelque chose, je l’obtiens sinon je ne m’appelle plus Mamadou Wade. Et cette fille, je la veux.
Donc, après avoir demandé à Niangue de brûler son champ, je suis allé là-bas en bon samaritain. Ngoor fait partie de ces hommes d’honneur qui serait capable de refuser mon argent, alors il fallait que je sois assez malin pour conquérir son cœur. Sous mon influence, la banque l’a appelé une semaine après le drame pour lui faire savoir qu’il allait saisir la maison dès le mois prochain s’il ne payait pas sous quinzaine. A la suite, je payais l’intégralité de sa dette et la banque n’a pas manqué de lui annoncer la nouvelle. Monsieur Ndiaye est venu me voir au bureau en pleurs et je ne me suis même pas donné la peine de lui redemander la main de sa fille. Il m’a dit que je venais de sauver son honneur et que pour cette raison, il ne saurait refuser de me la donner en mariage. Exactement, ce que j’avais prédit. Pour qu’il ne change pas d’avis, j’ai précipité les choses et quelques jours plus tard, Aicha était devenue mienne. J’avais le diamant brut, il ne me restait plus qu’à la polir. Il faut dire que j’ai bien bossé et maintenant à moi la gloire. Steve, un des investisseurs du directeur de cabinet Malick, m’avait juré d’acheter un de mes plus grands terrains si je lui arrangeais un coup avec elle ; décidément, il n’y a pas que moi que cette fille obsède. Mais, ce qui est sûr, c’est qu’avant de la mettre sur le marché, je serai le premier à goûter au miel. Ha ha ha ha ha…..
Dans les filets, Aicha
Ils sont là, heureux autour de moi comme des vautours. Peut-être est-ce juste un cauchemar ? Vais-je me réveiller d’une minute à l’autre ? Pourtant ce devrait être le plus beau jour de ma vie, mon jour de consécration. Toutes les femmes en rêvent, y aspirent ; sauf moi. En tout cas pas maintenant et pas avec cet homme. Tout ce que je veux, c’est continuer mes études, avoir un diplôme honorable, réussir professionnellement. Tout cela est bien loin, très loin.
Après le départ de Malick, je suis tombée dans une grande et sourde colère. Et, le pire est que je ne pouvais me confier à personne. Qui pouvait d’ailleurs bien comprendre que je sois tombée follement amoureuse d’un homme en l’espace de deux jours seulement. Pourtant je l’étais et cette brusque séparation a été un choc. En me réveillant ce matin-là, rien ne me prédisait que j’allais au-devant de cette rupture. Mais, si d’un côté j’étais soulagée de ne pas être tombée dans son piège de coureur de jupon, j’avais pour coup sûr le cœur en mille morceaux. Un sentiment inexplicable qui te plonge dans une déprime profonde. Mon frère essayait de me remonter le moral mais n’y parvenait jamais. Dès fois il tentait de me faire parler pour me soulager. Mais comment peut-on donner la parole à la douleur quand on ne peut la comprendre encore moins la soulager?
Une semaine après, j’ai recommencé à sourire et à oublier cet homme qui était entré dans ma vie comme un mirage, une illusion. Le maire venait de temps en temps à la maison et on me forçait à venir lui faire la conversation. Au début, je n’y prêtais pas attention, me disant qu’il allait finir par laisser tomber vu que je lui montrais un dédain total mais Menoumbé me fit comprendre que si je n’arrêtais pas de bouder, je risquais de me retrouver mariée du jour au lendemain. Alors le soir même, je suis allée voir mon père pour lui dire qu’il était hors de question que je me marie avec cet homme. Au début, il a essayé de me convaincre mais me voyant fondre en larmes, il m’avait juré qu’il n’allait jamais me marier de force. Mais c’était sans compter sur le destin s’acharnant sur nous.
La vie reprenait son cours et moi j’essayais tant bien que mal d’oublier Malick. Un soir, alors que nous étions tous assis dans la cour en train de prendre l’air, oncle Mocodou, un ami de papa, entra dans la maison comme une fusée en criant.
- Viens vite, ton champ est en feu, vite. Le sang de mon père a fait un tour et il est resté dix secondes sans réagir.
Nous avons couru comme des fous et à notre arrivée, c’était le chao, la désolation totale. Personne ne disait mot face à ce spectacle horrible. Tout le champ était décimé, complétement brulé. Je n’avais jamais vu mon père dans un tel état. Il était complétement dévasté.
Toute sa récolte avait été détruite, le travail de toute une année. Pourtant durant le Xoy (divination pré-hivernale des Sérères), aucun des « saltigués » (divin et guérisseurs sérères) n’avait prédit cette catastrophe qui avait fini de détruire tout le champ de papa. Le choc passé, il n’arrêtait pas de répéter : je suis fini, je suis maudit…
Le lendemain, les gens sont venus de tous bords pour manifester leur compassion et partager la douleur. Certains ont amené de la nourriture, un peu d’argent et d’autres, des mots de réconforts. C’était peu, mais ça donnait du baume au cœur. Le troisième jour, le maire vint avec un ravitaillement impressionnant. Mon père avait été ému de son geste. J’ai vraiment commencé à avoir peur ce soir-là mais je me disais que mon père m’avait promis …
Papa s’emmurait dans un silence total. Lui d’habitude si jovial, a commencé à s’énerver pour un rien, à hurler des fois et le pire il désertait la maison. Connaissant l’amour des cultivateurs pour leurs récoltes, je croyais qu’il était juste affecté par ce qui lui était arrivé. Mais plus les jours passaient, plus les choses s’empiraient. Mes parents ont commencé à se disputer. Ce couple exemplaire, qui ne se disait jamais un mot de travers, n’arrêtait pas de se crier dessus. Il m’arrivait dès fois d’entendre prononcer mon nom mais je ne savais pas exactement de quoi il était question. La seule chose que je voyais c’était que mon idéal de vie se décimait devant moi. Dans la maison, la tension était palpable, au dîner, personne ne parlait. Mon père ne restait plus à la maison et ma mère rentrait très tard. Il y avait quelque chose qui n’allait pas, mais quoi ; personne ne voulait me le dire. Je me disais juste que ça allait passer, que nous avons vu pire dans le passé et que la vie allait reprendre le dessus. Seulement, c’était juste l’arbre qui cachait la forêt.
Ils ne m’ont même pas avertie, mes propres parents m’ont vendue comme un mouton. Pourquoi ? Ils ne me le diront jamais. La nouvelle est tombée comme un coup de poignard dans le dos. Je me suis sentie trompée, trahie ! Je n’oublierai jamais ce jour-là. A notre descente de travail, nous avons rencontré devant la maison des hommes habillés en grand boubou traditionnel, sortir de chez nous. Ils ont commencé à me féliciter. J’ai regardé mon frère qui, comme moi, se posait la même question. Puis un des hommes d’âge mûr a prononcé le nom du maire disant : « Mamadou a de la chance d’épouser une femme si belle ». Alors, je n’arrivais plus à tenir sur mes jambes. Le choc passé, s’en est suivi une dispute d’une rare violence. Mon père finit par me donner une retentissante gifle. Mon frère prit ma défense, traitant mes parents d’arrivistes. Il ne dormit pas à la maison ce soir-là. J’étais anéantie et pour la première fois, j’eus envie de mourir. Les jours suivants ont été les pires de ma vie. On m’a forcé à arrêter mon boulot, à recevoir des gens qui venaient pour me féliciter et surtout à recevoir des cadeaux dont je ne voulais pas. Le pire est que je n’ai même pas eu droit à un mariage sérère car mon mari était wolof.
Après mon cœur meurtri par la désillusion avec Malick, c’est autour de ma vie elle-même. Au début, je ressentais de la colère envers mes parents, le destin…pourquoi moi ? Je ne rate jamais mes cinq prières, je travaille honnêtement, je suis une bonne élève et surtout un enfant modèle ? Alors pourquoi moi ? Qu’ai-je fait au bon Dieu pour mériter ça.
Au début je piquais des crises, pleurais comme une madeleine, et détestais tout le monde. En voyant que je n’avais pas le choix, aucune issue, alors la colère a laissé place à la mélancolie. De toutes nos émotions, la tristesse est la plus difficile à nommer et à identifier : ce n’est pas une douleur vive, aussitôt reconnaissable, comme un éclat de colère, un sursaut de peur. C’est un mal languissant, pesant et qui nous rend las, comme écrit Spinoza, elle « diminue notre puissance d’agir». J’aurais voulu fuir, exploser, mais je suis comme un mort-vivant, impuissante, et à défaut d’éclater mes sentiments, je me suis repliée sur moi-même. J’avais l’impression d’être au bout de ma vie. Je suis condamnée alors j’agis comme une automate et je reste là, à regarder sans pouvoir réagir. Que s’est-il passé en si peu de temps pour qu’en moins d’un mois, ma vie qui était si prometteuses, se transforme en cauchemar ?
Aicha ? Lève-toi vite, ils sont là, dit une voix, près de moi, me ramenant à la réalité. Je commence à trembler de tout mon corps cherchant encore du regard ma mère qui avait disparu. Mes larmes coulent à flots sans que je ne puisse les retenir. Ça y est, je dois me rendre à l’autel du sacrifice où à jamais je vais perdre le peu qui me reste de ma dignité : ma virginité.
- Arrêtes de pleurer ma fille, nous sommes tous passés par là. Tu verras que tout se passera bien, dit ma tante d’une voix si douce que je pleurais encore de plus belle. Ma douleur est profonde et le pire est que tous ces gens autour de moi ne savent pas ce qui se passe. Ils croient que je suis envahie par l’émotion des adieux. J’aurai voulu faire un scandale, fuir pendant qu’il en était encore temps mais je repense à ma mère, à ce qu’elle m’a dit : « si tu fais un scandale devant toute la famille en refusant d’aller rejoindre ton époux alors je me tuerai, je le jure ma fille ». Elle avait dit cela en me regardant droit dans les yeux sans sourciller. C’est là que j’ai su que je n’avais plus le choix. J’entends de loin la voix de ma grand-mère maternelle :
- « qu’est-ce que ta fille va faire si elle te voit dans cet état, efface ces larmes et viens lui dire au revoir. »
A cet instant, j’étais devant la porte de la voiture pour aller chez ce type. Une minute plus tard, je la vois s’approcher de moi avec cette démarche digne d’une Linguère du Saloum, la tête haute malgré les larmes qui coulent abondamment sur sa joue. Elle me prend dans ses bras et nous pleurons ensemble. Seule une mère comprend la douleur de son enfant et je sais du plus profond de moi que cela ne se passerait jamais ainsi si cela dépendait d’elle. Elle me murmure :
- Dieu dit dans le Coran « Il se peut que vous détestiez une chose qui est bon pour vous ». Alors accepte le destin qu’il a choisi pour toi et tu verras combien il te récompensera dans le futur. Ne doutes pas de mon amour pour toi, n’arrêtes pas de croire en toi. Je n’oublierai jamais ton sacrifice. Diokondial (merci).
A ces derniers mots, elle se retourne comme elle est venue mais cette fois avec moins d’assurance, comme si elle avait tout le poids du monde sur ses épaules. Je pleurais de plus belle et j’avais de plus en plus de mal à respirer, mon cœur se comprimait, j’avais une boule à la gorge. Je fais un tour d’œil, à la recherche d’une issue, de mon frère qui n’a pas supporté la situation et qui est parti me laissant à mon propre sort.
Il y a trois voitures qui forment le cortège avec mes tantes, cousines et autres. Une des voitures avait été remplie d’ustensiles de cuisine, de valises contenant mes habits et que sais-je encore. J’étais trop stressée pour me soucier des détails. Il est dix heures quand nous sommes arrivés à la maison du maire, il y avait plus de monde que chez moi. On me présenta à plusieurs personnes comme étant les membres de ma nouvelle famille. J’entendais des compliments par-ci, par-là : « elle est belle » ; « Mamadou a de la chance » ; « elle est très jeune »…La tête baissée, je préférais ne pas participer à la fête ; ma cousine me donne un coup de coude me poussant à lever la tête. Là, une femme extravagante entra en trombe avec une délégation impressionnante. Elle attire tous les regards avec sa beauté et son habillement. On aurait pu la confondre avec la mariée.
- C’est ta coépouse, la deuxième, dit Fatou ma cousine. Elle s’appelle Sokhna Binta Faye, la plus grande commerçante de la ville et en même temps une fervente défenseuse du maire. Il vaudrait mieux pour toi de faire d’elle une alliée.
Après avoir fait un spectacle digne d’une princesse en se présentant devant tout le monde avec un faux sourire. Elle vint vers moi, me regardant de la tête au pied.
- Alors c’est toi ma nouvelle rivale, dit-elle avec dédain sans me saluer. Ça commence bien, pensais-je. Quel âge as-tu fillette ? renchérit-elle en riant.
Puisqu’elle est venue en guerre alors je préfère ne pas lui répondre. Le silence est le meilleur des mépris.
- Tu n’as pas de langue, shim.
Waw elle est vraiment en colère celle-là et tout ça pour ce crapaud de maire. A cet instant, ma tante se lève et vient se pointer devant elle.
- Si vous êtes venues voir votre nouvelle petite sœur alors soit, par contre si vous êtes là pour autre chose….
Elle croisa ses bras sur sa grosse poitrine en écartant les jambes. Il faut dire que Yaye Daro a une stature impressionnante. Quand elle était jeune, elle est restée championne de lutte traditionnelle pendant plus de dix ans. Cela avait fini par lui donner un corps d’homme. Finalement ma coépouse fit un grand chipatou avant de tourner les talons accompagnée de sa cour. C’est cet instant que choisit le maire pour entrer dans le grand salon avec son grand boubou blanc qui trainait par terre.
- Alors où est ma bien-aimée ? dit-il en levant les bras avec un grand sourire. Et que fait tout ce monde encore là ? Allez oust. Tout le monde dans la salle éclata de rire, sauf moi. J’avais plutôt une envie de meurtre. Le reste de la soirée se déroula avec beaucoup de bruits, les griots n’arrêtaient pas de chanter les louanges du maire et ce dernier distribuait l’argent à flots. Ah ces politiciens, je me demande où est-ce qu’ils puisent leur argent. En tout cas, ce n’est pas grâce à leur salaire qu’ils sont si riches et généreux. Quand il vint s’assoir à côté de moi, je me suis poussée sans le faire exprès. Son eau de Cologne sentait tellement fort que j’eus envie de vomir. Il s’approcha de mon oreille.
- J’obtiens toujours ce que je veux, dit-il en éclatant de rire, un rire si fort qui raisonnait dans toute la salle.
La festivité continua de plus belle, moi j’étais déconnectée, complétement à l’ouest, je n’écoutais rien, ne regardais personne. J’avais juste envie de fuir ce cauchemar. Et soudain, ma tante me prit la main, c’était l’heure. Mon cœur repris ces battements frénétiques. On me fit entrer dans une chambre où le maire me rejoint une minute plus tard. Il n’arrêtait pas d’éclater de rire et de faire des plaisanteries de mauvais goût. J’ai encore droit à des protocoles, ces trucs traditionnels que l’on faisait pour la fertilité, le bonheur et que sais-je encore dans le couple. On nous installa tous les deux dans un grand lit avec un bol de lakh (bouilli de mil avec du lait caillé). Le premier à manger dominera le foyer. Je ne me suis pas prêtée au jeu, je n’y ai même pas gouté. Finalement, c’est le maire qui me donna un cuillérée que je pris comme une automate. Je n’avais pas encore levé mes yeux sur lui, cela m’était trop dur.
Je ne me suis pas rendue compte que nous étions seuls dans la chambre que quand le maire me dit.
- Allez viens, on va prendre une douche. Je sursaute et regarde autour de moi, ce qui le fit éclater de rire. Ce soir on va bien s’amuser tous les deux. J’espère que tu es vierge, car j’ai payé beaucoup pour toi, plus qu’avec mes autres femmes.
Il jette son grand boubou à côté de moi et le reste ne tarda pas. Je respire à peine, dans ma tête il était hors de question qu’il me touche.
- Hé tu m’écoutes ? Je n’ai pas toute la nuit alors lève tes fesses et viens ici.
C’est quoi cette façon de parler, pensais-je. Finalement je fais non de la tête et me retourne lui tournant le dos.
- Hum, on fait la difficile, j’adore les filles qui résistent, je sens qu’on va bien s’amuser cette nuit. Ha ha ha.
Quand j’entends la porte se refermer, je me lève et regarde autour de moi apeurée. Qu’est-ce que je cherche, je ne saurais le dire ? Mon Dieu, aidez-moi, je ne peux pas, chuchotais-je, les yeux emboués de larmes. Ma vision est brouillée, il n’est pas trop tard pour fuir. Je regarde encore autour de moi, remarque une fenêtre que je m’empresse d’aller ouvrir. C’est trop haut, nous sommes au troisième étage. Je cours vers le balcon, elle est moins haute et si je m’agrippe à une balustrade….
- Qu’est-ce que tu fais ?
Je sursaute en me tournant et c’est là que je le vois presque nu avec une serviette autour de la taille. Il est encore plus dégoûtant que dans mes souvenirs avec son sourire de diable. Il doit faire à peu près 1m60. Seulement quand tu le regardes, tu crois qu’il en fait beaucoup moins à cause de son surpoids. Je n’ai jamais vu un homme avec un si gros ventre. Il me tend la main me faisant signe d’approcher mais je reste sur place, figée comme une glace.
- La première fois, ça fait toujours un peu mal mais tu verras, après tu vas m’en redemander.
Beurk ! Voyant que je ne bouge pas, il s’approche de moi et me prend la main. Je me dégage avec hargne et m’empresse d’aller m’assoir dans un coin du lit. Je l’entends ricaner, comme je déteste cet homme.
- N’aies pas peur mon chaton, je vais faire doucement. J’aurai voulu attendre jusqu’à demain ou quand tu seras prête, seulement ta tante m’a dit tout à l’heure qu’elle viendra à 7h pour prendre le pagne. Je ne pouvais pas refuser puisque j’ai déjà dit non à votre cérémonie sérère.
Cette fois il s’assoit à côté de moi et quand je me lève pour le fuir de nouveau, il attrape ma main, en tirant si fort que j’en perds l’équilibre, et m’affale sur le lit. Les choses se sont passées très vite après. Je n’ai rien vu venir, il a été si rapide, je l’ai sous-estimé. Au moment où je me relevais, il agrippa ma robe au niveau de la poitrine et la déchira d’un coup. C’était une robe blanche en dentelle et broderie très fines. Je ne pensais pas qu’il avait autant de force, mais à le regarder, on aurait dit un lion affamé. Ces yeux lançaient des éclairs et il respirait très fort. Sous le choc de tant de violences, j’essaie encore de me lever et c’est là qu’il se mit sur moi, m’écrasant de tout son poids. Apeurée, je tente de me dégager mais n’y arrive pas, il est trop lourd. Je me sentais piégée, il se penche et essaye de m’embrasser, ce que je refuse en déclinant la tête vers le côté. Il essaye à plusieurs reprises et dans ce combat, ma coiffure se détache. Etouffant sous le poids de son corps, je lui donnais un coup de genou sur ses parties intimes, ce qui lui arracha un cri si fort que quelques secondes plus tard, quelqu’un frappa à la porte pour savoir ce qui se passait. Avec des grimaces et en boitant, il alla ouvrir et renvoya rapidement la personne disant que ce n’était rien. Il revient vers moi, je n’ai pas vu le coup venir, la gifle a été si forte qu’elle m’a propulsée au milieu du lit. Etourdie, j’eus du mal à me lever. Je l’entends ricaner et s’approcher alors je me recroqueville sur moi-même, sachant que cela ne me protègerait pas assez.
- Fini les plaisanteries, espèce de salope, qu’est-ce que tu crois ? Je vais te montrer que je suis ton mari, que tu le veuilles ou non. J’ai payé cher pour t’avoir alors restes tranquille sinon dès demain ton père croupira en prison avec tout ce qu’il me doit.
Les yeux en larmes, je le regarde horrifiée.
- Oui tu m’as bien entendu, mis à part le million que j’ai donné pour la dot, j’ai aussi payé cinq millions à la banque pour empêcher la saisie de votre maison. Maintenant tu as deux choix : soit tu m’écartes ses belles jambes et me donnes mon dû, soit je dis que tu n’es pas vierge et te répudie tout de suite. Ensuite dès demain, ton père sera arrêté ; cria-t-il pour finir.
Donc c’était ça le fond de l’histoire, le pourquoi on m’a forcé à me marier avec un homme si ignoble. Si je risque de prendre la deuxième option, ma famille sera détruite pour toujours. Je serais déshonorée et mon père mis en prison. Je n’ai pas le choix et dans les deux cas, ma vie est anéantie. Résignée, je me tourne et me laisse faire. Je ne vais pas en mourir, toutes les femmes sont passées par là.
- Sage décision, murmure-t-il en se couchant sur moi.
La douleur a été si forte que j’ai poussé un cri strident. Il mit sa main sur ma bouche avant de continuer sa sale besogne. C’était pire que ce que je croyais, j’étais perdue entre la douleur physique et la douleur psychique. La nausée me monta, je n’arrivais plus à respirer, je me suis évanouie avant qu’il ne finisse.
Une odeur très forte me ramène à la réalité. Je recule avant de voir une femme de l’âge de ma mère.
- Comment tu vas ? Je n’arrive pas à parler, je regarde autour de moi et vois le maire prêt de la fenêtre, croisant les bras.
- Ha mon chaton, j’ai cru un instant que tu étais morte, dit-il, en allant aux toilettes avec une telle désinvolture comme si ce qu’il venait de faire ne lui faisait ni chaud ni froid.
Moi, je me sentais souillée, dépouillée, violée… durant une semaine je me suis préparée mentalement à ce qui allait se passer mais jamais dans mes pensées les plus cauchemardesques, je ne m’attendais à une telle violence, une telle cruauté.
Je commençais à crier sans m’arrêter, je voulais mourir, disparaître, pourquoi moi ? La femme tente tant bien que mal de me calmer mais je n’arrivais pas à arrêter mes cris, c’était plus fort que moi, il fallait que toute cette douleur sorte. Cette souffrance physique et même psychologique ne m’était plus supportable. Le maire est sorti en courant de la douche et m’a encore fermé la bouche avec sa main, me forçant à me taire en me tenant très fort.
- Elle fait une crise de nerf, mon Dieu, c’est une enfant Mamadou, tu aurais pu faire doucement. Regarde tout ce sang.
- Va te faire foutre et amènes moi une de tes piqures calmantes, vite, cria-t-il à la femme.
Cette dernière sortit en trombe et revient quelques minutes plus tard avec une piqure qu’elle m’injecta. Je perdis connaissance en moins de cinq minutes.
J’entends quelqu’un s’approcher, s’assoupir à côté de moi et commencer à pleurer, sans que je n’arrive à ouvrir les yeux. J’ai tellement mal à la tête que je crois qu’elle va exploser d’une minute à l’autre. Et cette odeur forte de je ne sais quoi. Mais, ce qui me fait encore plus mal, c’est mon corps, comme s’il avait été percuté par un camion. J’essaye de bouger mais reste terrassée par la douleur déchirante de mon entrejambe. Mon Dieu ! Que s’est-il passé ? Je me force à ouvrir finalement les yeux. Et c’est ma mère que je vois, le visage complétement dévasté. Je n’arrive pas à parler, je crois que je suis en état de choc. Les larmes de ma mère coulent à flots et elle tremble de tout son corps. Elle murmure : Wassanam (pardon).
Suite lundi prochain…
Par Madame Ndeye Marième DIOP
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