CHRONIQUE DE SIDI
L’issue de la bataille de Badr qui paraissait écrite d’avance prit une tournure surprenante. Les 313 musulmans avaient mis en déroute l’armée des Quraysh et tué ses principaux responsables. Les musulmans firent prisonniers presque autant que la moitié de leurs troupes. Abu Jahl qui avait tout fait pour que la bataille ait lieu, fut grassement servi. Et il ne fut pas le seul notable mecquois à trouver la mort à Badr. Dans sa folie belliqueuse, il avait emporté de nombreux autres notables qui n’en voulaient aux musulmans que parce que la majorité des Quraysh leur en voulait. Pourtant, par tous les moyens, le Prophète (PSL) a demandé à ses compagnons à prendre en compte cette considération. Certains étaient sur le champ de bataille que parce qu’ils sont Quraysh. « J’ai appris que certains hommes du clan de Hashim et d’autres ont été poussés à se joindre à l’armée contre leur gré. Ils n’ont pas de querelle avec nous. Si vous rencontrez un Hachémite, ne le tuez pas. Si vous rencontrez Abu al-Bakhtari ibn Hisham, ne le tuez pas. Si vous rencontrez al-Abbâs ibn Abd al-Muttalib, ne le tuez pas. Il est venu contre sa volonté», leur avait-il dit.
Nous avons vu au chapitre 27 l’histoire du Prophète Dâwôud (David) face au redoutable chef de guerre des puissants Philistins (Goliath). Le nombre tout comme la taille importait très peu. Ce que l’homme a dans le cœur est sans doute l’élément le plus déterminant. D’un coup de pierre, le Prophète Dâwôud avait abattu l’immense Goliath, avec l’effort (Jihad), 313 musulmans virent à bout de près d’un millier de soldats plus armés, mieux équipés. Le courage du Prophète Dâwôud avait convaincu Allah de lui venir en aide. La pierre qu’il avait assénée à Goliath n’était sans doute pas un quelconque caillou du désert. A Badr, la détermination des musulmans avait convaincu Allah à leur envoyer du renfort. Les anges combattirent aux côtés des musulmans. Et ensemble, sans forcément se voir, ils prirent en chasse les Quraysh provocateurs et bannisseurs des adorateurs du Tout-puissant. Bien après la bataille, de nombreux musulmans qui avaient pris part à la bataille racontèrent comment le « un contre trois » a été facilité par le soutien des anges qui ont plus qu’éprouvé les troupes mecquoises.
A Médine, les quelque bribes d’informations venant de Badr étaient accueillies par des liesses populaires. On était heureux de la victoire du Prophète. Tout comme, on était satisfait d’avoir infligé à la Mecque, perçue comme la grande rivale, une cinglante défaite. Ceux qui s’étaient déclarés forfaits au dernier moment étaient tout aussi inquiets en apprenant l’issue de la bataille. Non pas parce qu’ils craignaient des représailles, mais qu’ils avaient la preuve d’avoir manqué le train de l’histoire. Sans un miracle, les Médinois ne pouvaient revenir victorieux de leur expédition, se disaient-ils entre défaillants. Dès lors que le miracle eut lieu, leur honorabilité reçut également des coups, leur influence réduite. Un pari perdu ! Car, si les musulmans étaient tous tombés, c’est sans doute les bras ouverts qu’ils allassent accueillir leurs tombeurs. Seulement, parmi les Médinois qui n’avaient pas pris part à la bataille, certains avaient été dispensés. C’est le cas de Uthman époux de Rokhaya, fille du Prophète (PSL). Celle-ci était souffrante quand les musulmans s’apprêtaient à partir pour Badr. Le Prophète avait demandé à Uthman de rester pour s’occuper d’elle.
A la Mecque, les premiers échos de la bataille faisaient état d’une déroute des musulmans et de la mort de leur leader. La joie de ces ennemis de l’Islam ne dura que le temps d’une rose. Bientôt, les sanglots émanant des chaumières où le père et les fils ne sont pas rentrés de Badr prirent le dessus. La victoire des musulmans ne faisait l’objet d’aucun doute. Une armée était partie à leur rencontre, quelques rescapés étaient rentrés porter la mauvaise nouvelle. A l’annonce des noms des notables mecquois qui ont péri à la bataille, les Quraysh décidèrent de ne pas observer de deuil ni organiser de funérailles. Ils trouvèrent qu’à force de porter le noir, leur cœur pouvait s’en retrouver blanchi. Et pardonner ce qui s’est passé à Badr, ils ne voulaient pas en entendre parler.
A lire chaque vendredi
Par Sidi Lamine NIASS
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