CHRONIQUE DE MAREME
Vous est-il déjà arrivé de vous demander si vous aviez fait le bon choix ? Je pense que oui car il y a des moments où on ne sait quoi faire ni comment le faire. Nous sommes tous appelés un jour ou l’autre à prendre une décision qui déterminera notre vie. Les miennes ont été plus que décisives, elles ont complétement changé ma vie. Voici mon histoire.
Sept ans en arrière
- Mati, Mati, lève-toi ma fille, c’est l’heure de prendre ta douche.
- De toute façon je ne dormais pas maman.
- N’empêche, si tu restes couchée, elle va vouloir te réveiller. Toi-même tu sais. A ces mots je m’asseye de suite sachant à qui elle fait allusion.
- Shhiiiipppp fit Oumy, ma grande sœur ou devrais – je dire demi – sœur et même ça, elle ne l’accepte pas, tellement elle me déteste. Cette haine, c’est la daronne (sa mère et coépouse de la mienne) qui le lui a transmise.
- L’impolitesse va t’étouffer un jour. Je ne suis pas ton égal dit ma mère à l’encontre d’Oumy qui lui lance un autre chipatou. Ma mère se lève furieuse et je la retiens par la main.
- S’il te plait maman, la nuit a été déjà assez dure comme ça dis – je sentant les larmes me revenir.
- Ne t’inquiètes pas ma fille, Kiné va revenir, je te le promets.
- Maintenant que Papa a confisqué nos phones, je ne sais même pas ou est- ce qu’elle est. Ou a- t- elle put dormir ?
- Shhiiiipppp, ne nous fatigué pas waye et sortez pleurnicher ailleurs avec vos larmes d’hypocrites. Je me suis dépêchée de me lever et de tirer ma mère hors de la chambre avant que cela ne dégénère en dispute, encore une fois.
Je me dirige à pas de tortue vers la douche, pensant à ma Kiné adorée, snif, ma grande sœur et meilleure amie dans cette maison snif. Nous somme comme des jumelles et dès fois sa maman lui reproche cette complicité excessive. Elle et Oumy sont toujours en guerre car cette dernière est jalouse d’elle. Comment peut – ont être jalouse de son sang ? Je ne comprendrais jamais cet état d’esprit d’Oumy.
Malgré le fait que j’ai pleuré toute la nuit, je ne peux empêcher ces larmes de sortir encore. Mon père l’a chassé comme une male propre hier de la maison. Pour cause, elle est tombée enceinte d’un de ses multiples copains. Il a fait un grand scandale, traitant ses femmes de tous les noms d’oiseaux. On ment à qui ici. Ou croyait – il qu’elle ramassait l’argent qu’elle ramenait. A t – il, ne serais – ce qu’un jour, protesté auprès d’elle ou de sa mère de tous ces hommes qui la déposaient avec leurs belles voitures devant la maison. C’est aujourd’hui, qu’il se sent souiller, insulté alors qu’hier quand ma sœur ramenait de l’argent et des ravitaillements, elle était la plus choyée. Il la jette à la rue car, dit – il, il veut sauver l’honneur de la famille, shim mon œil.
Qu’est-ce qu’il croyait ? Que ces hommes se contentaient de quelque bises et autres avec toutes les sommes colossales qu’ils lui ont données. La prostitution déguisée est tolérée et est tellement rependue dans nos villes que l’on a finies par s’y habituer et trouver cela normal. Comme beaucoup de père de famille, il a préféré rester aveugle jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.
Dans ce quartier de la banlieue de Guédiawaye ou on compte des milliers de foyer, mon père n’est pas le seul à avoir démissionné de son rôle de père de famille depuis belle lurette. Aujourd’hui, à part le loyer, l’eau et l’électricité, papa ne donne plus à manger. Ici c’est chacun pour soi Dieu pour tous. La raison avancée est que nous sommes assez grands pour subvenir à nos besoins et qu’il n’a plus les moyens de tout prendre en charge puisque la famille s’est considérablement agrandie. A qui la faute ? Il y a deux ans qu’il s’est permit de prendre une troisième épouse qui a l’âge de sa fille Kiné. Tu dis que tu n’as pas les moyens de nourrir ta famille et tu te permets de prendre une autre femme.
Ma famille se compose comme telle : d’abord mon père, suivi de la daronne tante Rokhaya avec ses six enfants dont deux garçons et quatre filles ; ma mère avec moi comme fille unique et trois garçons et enfin la dernière femme de mon père, Aïssatou qui a déjà une fille d’un an et est presque à terme d’un autre. Ma badiène (sœur de mon père) vit aussi avec nous depuis son divorce en ramenant ces gosses. Donc nous somme une famille de dix- neuf personnes dans une maison de cinq chambres seulement, un salon, une cuisine. L’exiguïté de cette proximité étouffante a pour conséquence de mettre tout le temps la maison en tension bouillante. Pour un rien, les disputes éclatent. Quand je regarde mon père, je me demande comment un intellectuel, professeur de math de surcroit peu vivre comme au moyen âge. Pourquoi avoir autant de femmes et d’enfants alors qu’on a seulement un pauvre salaire de prof. Inconscience ou insouciance, je ne sais pas quel mot je pourrais le qualifier.
Aujourd’hui presque tous mes frères et sœurs sont devenus des enfants de rue. Ils ont arrêté leurs études pour subvenir au besoin de leurs mamans. Il ne reste que quatre à continuer les études et j’en fais partie. Il y a deux ans, je voulais moi aussi arrêté et suivre ma sœur Kiné, mon idole, en travaillant dans un salon de coiffure. Mais ma mère m’a fait une de ses crises que je n’oublierais jamais. C’était la première fois que je la voyais sortir de ses gongs, elle qui d’habitude est si douce. Je n’ai plus jamais osé lui en parler. Aujourd’hui je suis en classe de terminale S2 et je dois dire que c’est grâce à mon père, si je suis arrivée à ce niveau. Il commence à regretter de ne pas avoir été si exigent avec ces ainés et il essaye de se rattraper avec les plus jeunes en nous encadrant dans les études surtout dans les matières scientifiques dont il excelle.
Dung dung dung…. Tu sors merde crie la daronne me faisant sursauter. Y’a d’autre qui attendent ici. Tu as oublié que tu n’as que dix minutes. Sort tout de suite dung dung dung…. Je finis ma douche en catimini, tire sur le pagne qui me sert de serviette et l’entoure solidement autour de moi. Quand je sors de la douche, je rase le mur pour que la daronne ne me surprenne pas avec son légendaire heute (coup de poing sur le dos). A chaque fois qu’elle m’en donne, je me retiens de vomir tellement ça fait mal. Avec les bras de lutteur qu’elle a, c’est normal. Si elle était méchante avec moi seulement j’aurais compris que c’est parce que c’est la coépouse de ma mère mais elle l’est encore plus avec ses enfants. Un vrai tyran. Quand elle les frappes avec sa ceinture c’est effroyable. Je remercie Dieu de m’avoir donné une mère si douce et gentille.
Avant que je ne finisse de m’habiller, maman vient me dire au revoir, il est à peine 6 heures du matin. Elle est vendeuse de poisson et quitte toujours à cette heure pour être parmi les premières à accueillir les bateaux de fortune qui accostent sur la plage. Je la regarde à la dérobé réveiller mon petit frère qui dort sur un matelas de fortune à côté de moi. Elle est tellement brave. Je ne l’ai jamais vu se plaindre malgré la vie dure qu’elle mène. Elle se réveille toujours à 5 h du matin pour quitter à 6h et revient à 12 h pour préparer le repas. Nous quittons ensemble l’après-midi avec elle. Rebelote, elle retourne au marché pour finir sa vente. Il m’est arrivé de l’accompagner durant les vacances afin de l’aider dans sa tâche. Dans cette expérience, le moment que j’ai retenu le plus est le début du marchandage entre les pêcheurs et les vendeuses de poissons. Ces dernières ont une manière extraordinaire de changer de visage et de comportement. Amies il y a une minute, elles deviennent ennemies le temps d’une demie heure. Mines figées, regard menaçants, elles s’affrontaient silencieusement avant d’attaquer. La, tu as l’impression que tu es dans la cour de Wall Streets en direct. Bref j’ai adoré découvrir ce milieux palpitant des vendeuses de poissons même si les écailles de poissons ont failli me tuer.
Sans regarder ce qu’elle m’a donné, je fourre cela dans mon sac et me dépêche de m’habiller. J’ai une composition de math dans une semaine et papa m’a donné rendez-vous tous les matins à 6H30 pour une heure de séance de travail. Je suis toujours première dans les matières scientifiques. J’aurai voulu ne pas le voir aujourd’hui, je suis tellement en colère contre lui. Je traine dans la chambre faisant semblant de chercher quelque chose. Deux fois Youssouf est venu me dire que Papa m’attendait dans le salon mais j’ai continué de faire la sourde.
Papa (crie) : Mati Dieng Dieng Sonko, walaahi, si tu ne viens pas tout de suite, tu vas voire de quel bois je me chauffe. La phrase ne sait pas répétée deux fois. Dès que je suis entrée dans le salon, on m’accueille avec reuk reuk surnom donné à sa cravache légendaire. Un seul coup te fait danser le lambada.
Moi (criant) : Pardon, pardon….
Papa (voix colérique) : Tu as vu l’heure ? Han tu veux jouer les rebelles parce que cette pute est partie. Ta sœur Ami a déshonoré la famille, j’ai même honte d’aller à l’école. Ne me cherche même pas ?
Je m’assoie en regardant sa main qui tient toujours reuk reuk farouchement. Je n’ai rien compris à la séance d’explication qui s’en est suivie, les conditions n’étant pas réuni pour. J’ai quitté la maison en pleurant silencieusement.
Youssouf (mon petit frère) : Combien maman t’a donné ? Je regarde mon petit frère Youssouf qui ne semble pas être content. Ça doit être 100 f vue sa mine d’enterrement. Avec ça, on doit acheter le petit déjeuner. Quand le marché est bon c’est 200 Fr. Le petit, comme il est encore jeune, il ne connait pas les difficultés de maman et passe tout son temps à critiquer surtout le soir quand on fait du bouillon pour le diner. C’est le dernier de maman et vraiment dès fois j’ai juste envie de l’étriper tellement il est impoli et d’un égoïsme extraordinaire.
Moi (fronçant le visage) : Yaw da nga rèw té hamady (tu es impolie et arrogant). Walay, un jour je vais te botter les fesses comme ça tu vas arrêter de faire le pourri, shiiiiiipppp.
Youssouf (tirant la langue) : Lila nahari tégoumalako (ce qui t’arrive n’est pas de ma faute) ; maintenant plus de hamburger ou chawarma. Tous dans le même panier. Là il fait allusion à Kiné qui avait l’habitude de me ramener quelques fois ces délices la nuit en revenant d’un rendez-vous au restaurant. Une larme tombe encore. J’entends ce souillon ricaner et je le poursuis histoire de lui arranger son portrait. Il faut que je déverse ma colère quelque part et tant pis si c’est sur ce morveux. Malgré le fait que Youssouf n’a que 10 ans, ce chérubin court comme un athlète. . Nous étions dans une poursuite folle et bang. Vous vouliez voir une collusion, j’ai atterris par terre les jambes en premier, aie !!! Ouye aie !!!, laa ilaha ilalah !!! Le choc est tellement fort que j’ai mal partout : à la tête, au bras, oh les fesses. J’ai fermé les yeux un instant mais le fait d’entendre l’éclat de rire de mon frère, je me suis relevé d’un coup. Là, ma tête tourne et je reperds l’équilibre mais cette fois je suis retenu par quelqu’un, surement le gars qui m’a atomisé comme ça. Je me retourne avec un grand élan histoire de lui faire la guerre et badaboum. Wouye sama NDéye !!! (Oh mon Dieu). Une souna mie d’émotion m’envahie quand je vois que c’est l’homme de ma vie, mon univers, ma raison d’être, celui qui hante mes rêves : Ibou Diop…
– Salut ! Sa voix est si douce que je déchante encore plus. Je crois que je rêve, il faut que je me pince. Ça va ? Excuse-moi, je ne t’avais pas vue continue-t-il en me tâtant le bras. Mon Dieu, il me touche.
Youssouf (s’approchant) : Elle est amoureuse, elle est amoureuse chantonne- t-il en dansant. Je n’ai jamais eu aussi honte de ma vie. Il a signé son arrêt de mort Walaahi. Je lui ai donné une gifle tellement forte qu’il a perdu l’équilibre, celui-là je l’ai sorti de mes tripes. Il a commencé à pleurer et s’est dépêché de s’éloigner bien loin de moi. Niaw !!! Je me retourne encore vers Brad Pitt (c’est comme ça qu’on l’appelle ici) et lui fait mon plus grand sourire. C’est la première fois depuis que je le connais que l’on soit face à face et qu’il m’adresse la parole. Il répond à mon sourire et je fonds comme une glace sous le soleil ardent de Matam.
Moi (reculant) : Je suis en retard. Je me tourne et m’éloigne en courant.
Hé Allah, qu’est-ce que ‘ panique ’ vient de me faire faire là.
Ibou Diop de son vrai nom Iboulaye Mahtar Diop, fils de Mouhamed Lamine Diop ancien ministre du développement et de l’artisanat, aujourd’hui à la retraite. Sa mère s’appelle Diéynaba Tounkara, la plus grande commerçante de la ville. Elle a trois boutiques hyper grandes qui font que pratiquement tous les petits commerçants de la ville viennent s’approvisionner chez elle. Par contre je ne l’aime pas trop car elle est hyper snobant. Mais à cause de son fils, je suis prête à aller dans la lune pour lui chercher un caillou. Ibou est le plus beau, le plus grand, le plus gentille, le plus adorable…. Ne nous égarons pas, bref c’est l’homme dont toutes les femmes de Guédiawaye rêvent, surtout les minettes comme moi. Il est le troisième de quatre fratries avec deux sœurs (Fatou et Astou). Il a fait ces études en France et est rentré au bercail il y a un an de cela. Il a 28 ans, sans femme ni enfant. Il vit toujours dans la demeure familiale mais il parait qu’il a son propre appartement dans l’immeuble. Vous vous demandez surement comment je sais tout cela ? C’est parce que je suis complétement, définitivement et exagérément amoureuse de lui. Je sais tout ce cet homme et pourtant il ne sait même pas que j’existe. La première fois que je l’ai vu, il portait un jean bleu assorti d’un polo blanc qui rehaussé avec éclat la beauté de son teint clair. Juché sur ses 1,80 mètre, Ibou est sculpté comme un athlète. C’est un homme dans toute la force et dans toute la fleur de la jeunesse. Je peux le dessiner les yeux fermés car je connais chaque parcelle de son corps, la vigueur assez dégagée de ses formes, la netteté de ses sourcils noirs, la blancheur polie de son sourire, le calme de ses yeux limpides ou encore la finesse de ces traits. Son visage a la distinction des lignes de la beauté antique et est empreint d’une suavité divine.
Il pouvait être beau mais pas charismatique, avoir la finesse mais pas le feeling mais non. Il a préféré garder le tout : un mélange de douceur et de virilité excessive. Aujourd’hui que j’entends pour la première fois sa voix, je suis Kao. J’ai la grande chance qu’il m’adresse la parole et qu’est – ce que je fais ? Je fuis. Non, non, non, je n’arrive pas à croire que j’ai fait ça.
Bang, encore une collision, non deux, trois….. Je regarde étonné mes copines qui se bouscule autour de moi parlant en même temps.
Coumbis (sourire) : Il t’a dit quoi ?
Matou (me tirant la main) : Comment est sa voix ?
Rokhaya (béate) : Ay waye gné naala !!! (Je t’envie trop).
Je vois au loin mon petit frère se tenant le ventre, surement lui qui les a avertis. Je suis foutue. Pendant une minute, wiw wiw wiw wiw…. Elles sont comme des abeilles dans une niche. Déjà que je suis énervée et frustrée d’avoir raté l’occasion de ma vie.
Sans un regard vers ces goupilles, je me dirige dans ma classe en repensant à ce sourire qui j’en suis sure restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Victor Hugo disait que « Le dehors ne dépendait pas du dedans » mais moi je me dis que Dieu ne peut pas créer une beauté pareille avec un cœur noir. Hé Allah, donné moi la chance de le revoir une fois, juste une fois…..
A lire chaque LUNDI…
Par Madame Ndèye Marème DIOP
Chronique précédente, cliquez ICI