Depuis le samedi 03 mai 2025, le Togo a basculé dans sa 5ème République avec la désignation de Faure Gnassingbé Eyadema comme Président du Conseil et l’élection, par le Congrès, d’un nouveau président de la République. Selon la Constitution de la 5ème République, le président de la République symbolise l’unité nationale, accrédite et reçoit les ambassadeurs, reçoit, au moins, deux fois par an, le Président du Conseil -Faure Gnassingbé donc- et décerne les décorations. Comme on le voit, son rôle est plutôt symbolique et honorifique face à l’étendue des pouvoirs exécutifs du Président du Conseil. L’homme qui dirige le Togo depuis vingt ans est désormais à une «station» qui lui confère tous les pouvoirs dont celui de chef suprême des armées. Cette entourloupe constitutionnelle permet à Faure Eyadema de contourner la disposition communautaire qui prône la limitation des mandats.
A côté, les Etats de l’AES ont fini d’enterrer, six pieds sous terre, toute aspiration de leurs peuples à la démocratie. Au Mali, les partis politiques (ou leurs activités) sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. Chacun des trois Présidents de l’AES a convoqué un simulacre de dialogue national d’où est sortie l’«ingénieuse» idée de conférer un mandat de cinq ans au chef de la junte, chef de ce qui s’appelait transition. Ainsi, si les Maliens, les Nigériens ou les Burkinabè ont créé les conditions d’un départ précipité de leurs présidents démocratiquement élus (IBK, Mohamed Bazoum, Roch Kaboré) parce qu’ils seraient tentés par le troisième mandat, ils ont installé, sans le savoir, des hommes en treillis aux mandats illimités, avec leur complicité passive voire active.
En Côte d’Ivoire où les démons ne dorment que d’un seul œil, Ouattara s’apprête à briguer un quatrième mandat. Même s’il n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature, tous les actes qu’il pose accréditent cette volonté de casser la barrière. S’y ajoute le narratif de ses soutiens selon qui la candidature de leur «champion» est, à la limite, une demande sociale. Le candidat du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, susceptible de contrecarrer ses plans, a vu son inscription sur la liste électorale radiée.
La Guinée de Doumbiya ne se porte guère mieux avec les arrestations systématiques des opposants. En Guinée-Bissau, le Président Emballo a, d’un coup de stylo, reporté la présidentielle.
Le Ghana qui vient d’installer démocratiquement son Président, le Nigéria, bien qu’empêtré dans ses convulsions sécuritaires, le Cap-Vert, le Bénin et le Sénégal font figures d’îlots démocratiques dans un océan de régimes à tendance autoritaire.
La Cedeao, déjà en mal dans les opinions publiques du fait d’une certaine tolérance envers ceux qui cherchent à se maintenir au pouvoir par tous les moyens et envers l’ancien colon, pourrait voir cette mauvaise étiquette continuer de lui coller à la peau si la tendance se confirme. Ce qui pourrait donner des idées à d’autres Etats qui, déjà, voient en elle l’espace d’expérimentation des «démocratures».
Ibrahima ANNE