L’élection de Donald Trump est en train de reconfigurer la face déjà hideuse des relations internationales. Au pas de course, le locataire de la Maison Blanche impose son propre rythme que les autres pays, même puissants, sont obligés de suivre. Comme on dit, avec Trump, à chaque jour, suffit sa peine. Chaque fois que le soleil se lève, l’élu de 78 ans pose un nouvel acte qui sera une pièce de plus dans le puzzle géopolitique qu’il veut façonner à sa manière. Des circonstances intérieures favorables (une légitimité électorale incontestée et une majorité au Congrès) lui donnent des coudées franches et lui ouvrent large le boulevard où, à coups de décrets, il légifère pour le «bien» du monde. Aujourd’hui, le seul rempart à la toute-puissance trumpienne demeure la justice américaine. Sinon, rien ni personne n’est en capacité de contrer ses velléités de puissance.
Dans la tête de l’homme à la mèche blonde et à la faconde déroutante, le monde est conçu pour être à ses pieds. Le Canada, le Groenland, le Canal de Panama (euh, pardon Canal d’Amérique !) doivent revenir à l’Amérique. Pour l’anecdote, un journaliste de Associated Press qui a osé parler de Canal de Panama a été interdit des points de presse du porte-parole de la Maison Blanche, et il a vu son siège dans Air Force One retiré. Sous Trump Saison 2, on ne rame pas à contre-courant sans conséquences.
C’est dans ces circonstances que, fort de tous ses atouts (internes et externes), l’apôtre du Make America great again ! a reçu le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Une rencontre qui restera gravée dans les mémoires pour son caractère violent et inédit. Comme dans une corrida, la stratégie de mise à mort était programmée. Jamais un chef d’Etat n’a osé traiter un autre chef d’Etat de la sorte. Fût-il ancien danseur de cabaret ! Face caméras, Trump et son vice-président J. D. Vance ainsi que leurs journalistes triés sur le volet se sont livrés à un lynchage en règle du leader et chef de guerre ukrainien. Allant jusqu’à critiquer son code vestimentaire. Chez Trump, l’objectif est clair. Il fallait toucher l’ex-metteur en scène dans son amour-propre, le mettre dans une situation où il n’aura d’autre choix que de se mettre à ses pieds et, au final, s’imposer en sauveur, faire la paix avec le tsar du Kremlin. Ce qui commence, d’ailleurs, à produire ses effets avec la dernière correspondance que Zelensky a adressée à Trump. Il est désormais clair que le Président Us, qui a coupé l’aide militaire américaine à Kiev, peut tranquillement dérouler la seconde phase de son scénario : contraindre Zelensky à signer l’accord sur l’accès aux terres rares mais aussi accepter la Pax Americana qui n’en a cure des intérêts de Kiev. Seuls ceux des Etats-Unis comptent dans la vision des stratèges du Pentagone. Poutine, le veinard à qui profite tout ce charivari, intensifie les bombardements sur un ennemi affaibli à qui il ne reste qu’une cartouche à tirer : la capitulation. L’Europe des 27, sur qui l’Ukraine pouvait compter comme grand-frère de substitution, multiplie les rencontres et les palabres. Ses deux têtes de pont que sont la France et l’Allemagne ont des préalables à régler. Il s’agit, pour la première, de trancher le débat sur l’opportunité de partager la dissuasion nucléaire et, pour la seconde, de la nécessaire réorientation des dépenses militaires dans le sens de réarmer la Bundeswehr, l’armée allemande.
Pendant ce temps, l’Afrique, elle, regarde, en spectateur blasé, le train de l’histoire passer. Pouvait-il, d’ailleurs, en être autrement vu son incapacité à faire face à ses propres convulsions (Soudan, Rd Congo, djihadisme au Sahel, etc.) ?
Ibrahima ANNE