Ils sont nombreux ceux qui, chrétiens ou non, sont intéressés par la question posée ci-haut. L’interrogation est d’autant plus légitime au Sénégal qu’elle est d’actualité avec l’affectation de Mgr André Guèye, évêque de Thiès au siège épiscopal de Dakar. Dans les lignes qui suivent, l’auteur donne quelques points de repères pour éclairer la lanterne des uns et des autres et donner des arguments. Et pour tirer le maximum de profit de cette contribution, l’auteur lui-même suggère fortement au lecteur d’aller lire directement les références indiquées.
Avant de parler des critères de nomination d’un évêque, il est bon de définir celui-ci dans l’Eglise catholique sur la base de ses principales responsabilités. Ailleurs, cela s’appelle la «description des tâches» ou le «Job description» d’un évêque catholique. En la matière, les sources d’informations sont nombreuses et variées. Nous nous appesantirons principalement sur les sources bibliques, la Tradition et le Magistère de l’Eglise catholique à travers quelques-uns de ses documents doctrinaux et disciplinaires.
Basé sur la sainte Bible, nous constatons que l’évêque est un des successeurs des disciples de Jésus-Christ, appelés apôtres. Pour certains de ceux-ci, la sélection par Jésus fut directe comme Simon devenu Pierre et André son frère, Jacques et Jean, deux autres frères : Mt4, 18-22. C’est le cas d’un douanier appelé Lévi dans son ethnie et connu à ce jour sous le Prénom de Matthieu : Mt 9, 9 ; Mc 2, 13-14. L’appel de Philippe de Bethsaïde et du même ordre : Jn 1, 43-44. Parfois, cependant, Jésus a confirmé dans la sélection des candidats qui lui ont été présentés par de tierces personnes. Tel est le cas de Nathanaël identifié comme Barthélémy. Il a été amené à Jésus par Philipe : 1 Jn 1, 45 – 51 : La mission principale qui leur est confiée est de continuer celle du Christ, par délégation. A l’instar de Jésus, ils doivent révéler Dieu le Père aux nations, leur apprenant à observer tout ce qu’il leur a enseigné : Mt 28, 16-20. Si Dieu seul est habilité à pardonner les péchés, le Christ a fait montre de sa possession et de sa capacité à exercer un tel pouvoir : Lc 7, 36. Parmi ces 12 proches collaborateurs, Jésus donna à Pierre un honneur et une charge conséquente, ceux de la primauté parmi ses frères : Lc 222, 31-32 ; Jn 21, 15-17.
C’est parce que encrée dans le temps, que l’Eglise, qui dépasse néanmoins le temps et les peuples, s’est organisée peu à peu autour des trois pivots correspondant à sa triple mission : Gouvernement ou administration, sanctification et enseignement. Le dernier corpus des lois normatives et positives réglementant tout cela est le Code du Droit canonique. Sa dernière mouture fut promulguée sous l’autorité du pape Jean-Paul II le 25 janvier 1983. Chacun de ses articles porte le non de canon. Naturellement, beaucoup parmi eux parlent des évêques et des diocèses et constituent pour nous des références précieuses.
Dans ces canons, nous lirons volontiers ceux qui suivent.
Ils ont l’avantage d’être explicites.
Et ils nous permettent de bien saisir la réalité dont il est question ;
Canon 368 : «Le diocèse est la portion du peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu’il en soit, avec la coopération du presbyterium, le pasteur, de sorte que dans l’adhésion à son pasteur et rassemblés par lui dans l’Esprit Saint par le moyen de l’Evangile et de l’Eucharistie, elle constitue une Eglise particulière dans laquelle se trouve vraiment présente et agissante l’Eglise du Christ, une sainte, catholique et apostolique».
Canon 375 : «Les évêques qui, d’institution divine succèdent aux apôtres par l’Esprit saint qui leur est donné sont constitués pasteurs dans l’Eglise pour être, eux-mêmes, maîtres de doctrine, prêtres du culte sacré et ministre de gouvernement».
Et à ces dispositions sont liés beaucoup de faits dans l’Eglise catholique. Et son organisation spatiale et humaine, ses œuvres caritatives ou d’éducation sont des moyens d’expression de cet ordre reçu de Jésus de rétablir tout être humain et tout l’être humain dans sa dignité d’enfant de Dieu. C’est bien le développement intégral élevé au rang d’hymne par le pape Paul VI dans son encyclique pupulorum progressio, particulièrement au n° 14.
Finalement, au nom de Jésus, l’évêque aura donc à enseigner et protéger l’orthodoxie de la Bonne Nouvelle «l’Evangile» ; il veillera au mieux à une bonne organisation du territoire de sa juridiction en en présidant et fortifiant la communion et il s’attèlera à promouvoir la sainteté en tant qu’instrument de sanctification pour le peuple qui lui est confié. Et de cette triple mission découlent les critères qui seront les plus observés pour la sélection de tout évêque. Naturellement, comme pour toutes les fonctions sérieuses, la procédure passe inexorablement par «une enquête de moralité». Ici, les capacités et les dispositions sont généralement recherchées dans le Curriculum vitae (CV) des «épiscopables» ainsi que par de discrètes interrogations parmi le peuple. Les études suivies et les succès y obtenus, ainsi que les expériences pastorales vont de la sorte être confrontées à l’exemplarité des candidats. A cela rien d’étonnant surtout quand nous nous référons aux orientations de l’apôtre Saint-Paul en la matière, dans la sainte Bible. Même s’il faut remettre son texte dans son contexte où les évêques pouvaient êtres des mariés, cela vaut la peine d’une halte fort instructive :
1 Tm 3, 1 – 7 : «Elle est sûre cette parole : celui qui aspire à la charge d’épiscope désire une noble fonction. Aussi, faut-il que l’épiscope soit irréprochable, mari d’une seule femme, qu’il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l’enseignement, ni buveur, ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l’argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d’une manière parfaitement digne. Car celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-il prendre soin de l’Eglise de Dieu ? Que ce ne soit pas un converti de fraîche date, de peur que, l’orgueil lui tournant la tête, il ne vienne à encourir la même condamnation que le diable. Il faut en outre que ceux du dehors rendent de lui un bon témoignage de peur qu’il ne tombe dans l’opprobre et dans les filets du diables».
Le lecteur de cette contribution comprend dès lors que les palmes académiques des candidats soient visitées ainsi que les universités fréquentées. En sus de cela certaines expériences seraient très favorables : la direction des séminaires (petits moyens ou grands séminaires), les directions d’ouvres ou centrales diocésaines, la lourde responsabilité de Vicaire Général (1er ministre de l’évêque) etc. Le poids de l’avis du peuple a varié dans l’histoire de l’Eglise. Nous avons eu par le passé, un évêque nommé par acclamation du peuple. Ce fut Ambroise. Né à Trèves en 340, il été évêque de Milan de 374 à 397. Sa contribution dans la défense et l’explicitation de la doctrine chrétienne fut telle qu’il a été nommé Docteur de l’Eglise, Et c’est l’un des quatre Pères de l’Eglise d’Occident, avec saint Augustin, saint Jérôme et Grégoire Ier. Dieu passa par lui pour convertir le grand Augustin d’Hippone au christianisme. En réalité, l’Eglise catholique dans sa grande sagesse cherchant le meilleur candidat possible tient compte de tous ces paramètres. Ainsi, quand un des fils du terroir remplit les conditions» et ne court point la difficulté qui consisterait pour lui à ne pouvoir rassembler le peuple aux destinées duquel il devra veiller, le décideur ultime le choisira volontiers, le nommera et enverra «une bulle» pour dire «après les consultations d’usage, et exprès examen minutieux des dossiers des candidats», il nomme un tel évêque de telle territoire. Nous parlons ici d’un évêque diocésain. En effet, c’est au Saint-Père qu’il revient de nommer un évêque parmi au moins trois candidats qui lui sont proposés.
Le besoin ou la nécessité de nommer un nouvel évêque arrive dans des cas précis tels que ceux qui suivent.
- Quand un siège épiscopal est vacant à la suite du décès ou de la démission de l’évêque titulaire des lieux.
- Quand un évêque exprime le besoin d’avoir un évêque auxiliaire ;
- Quand un évêque accepte que le territoire de sa juridiction soit redimensionné en donnant naissance à un ou plusieurs autres nouveaux diocèses.
A ce jour, plusieurs des diocèses du Sénégal sont dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus. Dans la législation en vigueur, l’âge de retraite d’un évêque est de 75 ans. Les intéressés peuvent demander au Saint-Père de les décharger. Si la demande est acceptée, l’ancien évêque est alors appelé évêque émérite. Le Sénégal en a déjà eu 3 : NNSS Augustin Sagna de Ziguinchor et Pierre Sagna de St-Louis et son Eminence, Mgr cardinal Hyacinthe Thiandoum
Gravissime, au sens de sérieux, est donc le pourvoi d’un épiscope. Tout le peuple des chrétiens et tous les croyants monothéistes et hommes de bonne volonté sont donc conviés à prier pour les territoires en attente d’un pasteur au rang d’évêque. Prier pour ceux qui sont ciblés, implorer l’éclairage de l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint, pour tous ceux qui interviennent dans le processus, voilà de nobles devoirs.
Honneur, pour finir et inviter à la lire, à cette édifiante «Exhortation Apostolique» PASTORES GREGIS, sur l’Évêque, serviteur de l’ Évangile de Jésus-Christ pour l’Espérance du Monde » Plaisir et culture sont assurés à ceux-là qui auront le courage et la patience d’aller voir…(sur le site du Vatican).
François Ngor NDIAYE
Consultant en Education et sociologie du développement