Il y a comme une symphonie de mauvaises nouvelles. Du Port au Grand Théâtre, de la Caisse des dépôts et consignations à l’Anaser, il ne se passe pas un jour sans que l’on ne nous annonce des licenciements ou des plans sociaux. Et c’est dans ce contexte qu’est publié le rapport de la Cour des comptes. Si l’acte relève de l’ordinaire de l’institution de contrôle des finances publiques, son exploitation, par les uns et par les autres, révèle des desseins cyniques parfois difficilement avouables. Invité de l’émission «Point de vue» sur la Rts, le ministre-Secrétaire général du gouvernement a annoncé une cure d’austérité dont l’aspect le plus notable parce que le plus sensible est la baisse des salaires, même s’il s’empresse de dire que les bas salaires ne seront pas concernés, sans nous en toucher un mot sur les privilèges plus qu’exorbitants des hauts d’en haut. Si le proche collaborateur a pris le risque d’aller au charbon pour annoncer les mauvaises nouvelles, il reste, toutefois, à savoir, dans les calculs de l’ancien banquier central, à partir de quel seuil un salaire peut être considéré comme petit, moyen ou gros. Al Aminou Lô annonce, par ailleurs, une levée des subventions voire un ciblage plus pointu. On n’a pas besoin d’être diplômé de la London School of economics pour savoir qu’une levée, même partielle, sur les subventions des prix de l’énergie entraîne forcément une inflation des prix (transport, carburants, électricité, denrées de première nécessité). Et ce, au moment où les revenus d’une bonne partie des citoyens sont appelés à être revus à la baisse.
Tout compte fait, on s’achemine vers un plan d’ajustement. Ce qui n’est quand même pas nouveau, concédons-le. Dans le milieu des années 80, sachant que la pirogue Sénégal tanguait dangereusement sous l’effet combiné de la grande sécheresse et de la baisse des revenus tirés de ses matières premières, Abdou Diouf a initié un Plan d’ajustement structurel. En plus clair, il s’agissait d’ajuster le train de vie de l’Etat à ses capacités réelles. Conséquence: une cure d’amaigrissement du mammouth avec des départs volontaires ; le désengagement de l’Etat de beaucoup de secteurs (industrie, agriculture, etc.), l’Etat se recentrant sur ses fonctions régaliennes et de régulation ; l’arrêt des recrutements de fonctionnaires notamment au niveau de l’Education nationale avec l’introduction de volontaires de l’Education puis de vacataires, la privatisation des entreprises publiques, etc. Sauf que là, c’était plus assumé et donc plus lisible parce que mieux coordonné entre les différents échelons du public (central et déconcentré). Là, on nage dans un véritable brouillard avec une cacophonie qui en rajoute davantage à la pénombre. Quand le Premier ministre et son Secrétaire général peignent tout en rouge, le ministre de l’Economie relativise et soutient mordicus la soutenabilité de la dette. Au final, on est même tenté de croire que toute la communication autour du rapport de la Cour des comptes ne visait qu’un seul et unique objectif: celui de nous convaincre que l’ajustement structurel est le passage obligé pour sortir de la mauvaise passe actuelle. Il reste maintenant à dire aux Sénégalais, de manière claire, nette et précise, à quelle sauce ils vont être marinés pour les années à venir.
En tous les cas, si, au niveau central, on cherche le taureau de cet ajustement pour lui prendre les cornes, dans les agences, sociétés du secteur public et parapublic, on n’a pas attendu le signal pour se mettre au régime sec. Ce qui donne un avant-goût de ce qu’il en sera quand le gouvernement prendra son courage à deux mains pour annoncer la thérapie de choc. Et ça, c’est une autre paire de manches !
(Par Ibrahima ANNE)