On reprend les mêmes recettes et on avance. Notre classe politique n’est ni créative ni imaginative ni anticipative. A peu de choses près, elle ne diffère en rien de celle des années 80. Alliances, mésalliances puis ré-alliances sont les preuves qu’elle refuse de faire sa mue, dépassée par les tendances actuelles, en constante évolution. Contestation du processus électoral, boycott, fraude sont, entre autres, le vocabulaire de nos hommes politiques, depuis «les soleils des indépendances». Ceux de 1960-1970 n’auront aucun mal à se reconnaître ni dans cette musique ni dans le jeu politique de 2024 où les ennemis d’hier sont les amis d’aujourd’hui; les amis d’aujourd’hui, farouches adversaires de demain. Sinon, avec tout ce qui les a opposés en 12 années de règne de Macky Sall, on ne comprend que difficilement la nouvelle alliance en gestation entre l’Apr et le Pds. Ou entre les deux et le Rewmi. Jadis à couteaux tirés, Macky Sall, Idrissa Seck et les Wade (Abdoulaye et Karim), comme par enchantement, se trouvent des vertus réciproques. Oubliées les accusations d’anthropophagie du patriarche Wade contre les parents de son successeur, Macky Sall. A la poubelle, les condamnations pour enrichissement illicite contre Karim Wade. «Ancien spermatozoïde, futur cadavre», ça vous dit quelque chose ? Circulez, y a rien à voir ! Et que dire de cette possible alliance entre le Parti socialiste de Aminata Mbengue Ndiaye, Oser l’avenir de Aïssata Tall Sall et Nouvelle responsabilité de l’ancien candidat à la Présidentielle, Amadou Bâ ? Certes, dans ses premières années de militantisme politique, l’ancien Premier ministre et candidat malheureux à la dernière Présidentielle a flirté avec les «Verts» avant un bref passage à la «Génération du concret» de…Karim Wade puis un bail longue durée avec Macky Sall. Mais, cette dernière inclinaison libérale, à moins qu’elle ne soit juste opportuniste, le situerait logiquement dans un camp étiqueté à droite. Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Cependant, un appel vidéo de Macky Sall en pleine rencontre politique de l’Apr ne peut nous convaincre que, entre lui et son ancien Premier ministre, il n’y a pas de place pour un papier à cigarette, pour paraphraser Idy. Le plus crédule des Sénégalais sait que l’ancien président de la République a fait tout ce qui était en son pouvoir pour amoindrir les chances de son dauphin. Y compris une infâme accusation de corruption de juges constitutionnels, portée à l’Assemblée par le Groupe Benno dont le Parti socialiste est une des chevilles ouvrières. Il est vrai que, en février-mars 2024, nul ne pouvait résister à la déferlante Diomaye-Sonko. Mais, le Ps de Aminata Mbengue Ndiaye, pièce maîtresse de la forteresse Benno, n’a rien fait pour arrêter cette machine de déstabilisation mobilisée contre la candidature de Amadou Bâ. Encore moins Aïssata Tall Sall qui, chassée de la «maison du père», «oublie» tout et opère tranquillement un retour en zone. Comme si de rien n’était !
D’autres coalitions, les unes plus contre-nature que les autres, sont en train de se former pour aller à l’assaut de la Place Soweto. Oubliés les rancœurs et les ressentiments. L’impératif de survie politique et d’accès aux avantages qu’offre une présence à l’Assemblée autorise toutes les entorses au bon sens.
On pourra l’appeler comme on veut, mais la position de Sonko et de Pastef semble mieux épouser les contours d’un impératif de lisibilité du jeu politique. Procédant à une dissolution de facto de ce que fut «DiomayePrésident», le Premier ministre a prié diplomatiquement ses anciens alliés de choisir entre aller voir ailleurs et se fondre dans le Pastef. Les gros mots fusent de partout : trahison, manque de reconnaissance, etc. Mais, cette position a le mérite de clarifier les rapports et de donner à l’électeur, au lendemain du 17 novembre, le sentiment de n’avoir pas été roulé dans la farine.
Par Ibrahima ANNE