Avouez qu’il n’est quand-même pas gai, pour un organisme, quel qu’il soit, de connaître, de son vivant, la date de sa mort. Et c’est d’autant plus désagréable, pour les députés sénégalais de 2024, de savoir que, à partir du jeudi 12 septembre prochain à 00 heure, le Président Diomaye Faye a toutes les facultés constitutionnelles de prononcer leur «oraison funèbre». Ils devraient même remercier le Ciel et le Conseil constitutionnel que la date de leur «décès» soit décalée de quelques jours, face à un Exécutif pour qui le compte à rebours est trop lent pour le temps devant mener à l’exécution de la peine capitale. Certes, dès l’accession au pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye, le 24 mars dernier, cette législature savait son pronostic vital engagé. Mais, ses membres croyaient trouver dans l’arsenal juridique encadrant la vie parlementaire de quoi prolonger, même de quelques semaines, leur existence. Eh bien, les mêmes armes leur permettant d’échapper à la mort sont celles qui peuvent, également, être utilisées pour leur requiem. Ainsi, le peuple se retrouve, sans l’avoir demandé, au centre d’un Mortal Kombat entre un pouvoir qui a hâte de voir l’actuelle assemblée débarrasser le plancher pour pouvoir dérouler tranquillement son «Projet» et une majorité parlementaire hostile qui ne lâche rien et n’entend pas se laisser mener à l’abattoir aussi facilement. Le tout sur fond d’une surenchère autour de dates, délais, motion de censure, déclaration de politique générale, machins, chouettes dont la seule finalité demeure la dissolution ou non de l’Assemblée nationale.
Il est clair que celle-ci, comme la Guerre de Troie, aura bien lieu. Le Premier ministre ayant déjà annoncé la couleur. «Je puis vous assurer qu’il n’y aura pas de motion de censure d’ici le 12 (septembre) et que le 12, s’il plait à Dieu, ces gens auront autre chose à faire que d’être députés». Avis de décès ne saurait être plus clair ! Le décor est donc définitivement campé, l’autel installé et les tireurs prêts à appuyer sur la gâchette. Le processus de mise à mort ainsi enclenché, il ne reste plus qu’à attendre la date fatidique du 12 pour voir le président de la République prononcer la sentence à travers la signature d’un décret de dissolution dont le projet serait déjà rédigé.
D’ores et déjà, la Rts a annoncé que le chef de l’Etat fera une adresse à la Nation, probablement cette semaine. Il est clair que ce ne sera pas pour nous faire un long compte-rendu de sa visite d’Etat comme du temps de l’ancien Président Abdou Diouf et ses périples. Non! Le nouveau locataire du Palais devrait annoncer la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation, par voie de conséquence, du corps électoral pour des législatives anticipées. Un acte prévu de longue date et inscrit dans l’agenda institutionnel. Mais, également, une réponse, dans la doctrine du «gatsa-gatsa» après «le camouflet» de Benno réservé aux projets de lois de dissolution du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales. Faute de grives, Diomaye ne se sera pas contenté de merles. En effet, outre la décapitation des deux institutions dont les présidents ont été limogés, Ousmane Sonko qui ne parle pas pour parler et qui a l’art de communiquer par avance sur les décisions présidentielles, annonce le blocage des crédits destinés au fonctionnement des deux institutions. On le sait, la meilleure manière de tuer quelqu’un, c’est de lui couper les vivres ou l’oxygène. Et sur ce, le duo Diomaye-Sonko n’entend pas y aller avec le dos de la cuiller.
Et pour ne rien arranger chez Benno Bokk Yakaar, Macky Sall, son chef de file, a annoncé sa dissolution. Les alliés ont été diplomatiquement priés d’aller voir ailleurs pendant que l’Apr -son Apr qu’il a fondée en 2008- cherchera de nouveaux partenaires pour s’adapter et s’ajuster aux défis du moment.
On le voit donc tout ne brille pas pour la future ex-majorité parlementaire dont le maintien en vie artificielle demeure une question de jours. En attendant, elle peut bien s’agripper à la bouée de la dernière chance : tirer le Pm par la manche de la chemise et l’amener à faire sa Déclaration de politique générale…le 13 septembre ( ?), date fixée par décret du président de la République. Si elle réussit cette prouesse, la 14ème législature pourra mourir de sa belle mort, dormir du sommeil du juste et ne pas regretter d’avoir vécu.
Par Ibrahima ANNE