La nouvelle opposition, théoriquement incarnée par Amadou Bâ -classé 2ème à la dernière Présidentielle avec 35,79% des suffrages- se relève difficilement de sa défaite. L’ancien Premier ministre a du mal à occuper l’espace qui lui a été désigné par le peuple souverain. Il est si sonné et si chloroformé que, même pour la dernière «Journée sans presse» décrétée par le Cdeps, Amadou Bâ a tenté de jouer les équilibristes. Un opposant boutefeu, du même tonneau que Wade des années 1988, ou Ousmane Sonko, il y a quelques mois, aurait foncé tête baissée dans la chose pour charger le pouvoir de tous les péchés d’Israël et absoudre ses adversaires du moment. Mais, n’est pas opposant qui veut. Et Amadou Bâ n’est pas de la race des têtes de mule qui cognent à tout va. L’Alliance pour la République -ou ce qui en reste- est devenu un bien vacant et sans maître. Le candidat malheureux qui devait en assurer la garde la joue opposition républicaine. Ses fidèles quittent, un à un, la barque marron-beige pour une destination qui n’est pas éloignée des Parcelles assainies, fief de leur mentor. Les autres qui, paradoxalement, se sont investis à fond à sa perte, cherchent leurs repères voire leur nouvelle destination, faute de leader. D’aucuns butent sur les tirs de barrage du camp vainqueur qui, pour le moment, n’encourage pas la transhumance. Ceux qui s’y étaient essayé à travers des appels de phares bien suggestifs se sont heurtés à des portes et volets hermétiquement fermés et cadenassés à plusieurs tours.
Aussi, Pastef se retrouve être sa propre opposition au travers des sorties fracassantes de son leader. L’esplanade du Grand Théâtre avec les jeunes de son parti, sa sortie sur une homosexualité «tolérée» aux côtés du tonitruant leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, celle sur le voile islamique constituent, entre autres, les preuves que, faute d’opposant à sa taille, Sonko s’en fabrique lui-même. Bougane Guèye Dany et Thierno Bocoum, vêtus de leurs tuniques d’opposants et bien taillés pour la contradiction et, à peu près de la même génération que le duo au pouvoir, crachent du feu sur tout ce qui bouge du coté dudit duo. Madiambal Diagne, patron de presse présenté comme proche de Amadou Bâ, sans être encarté politiquement, ne laisse nul pouce de terrain où Sonko et Diomaye passent et trépassent. C’est même peut-être pour lui faire payer cette outrecuidance que les avocats du Président de Pastef ont ficelé un dossier pour l’attraire devant la barre.
En tous les cas, le nouveau pouvoir doit faire attention à taper sur toute tête qui dépasse et à anéantir toute velléité d’opposition. Ce qui se sent à travers les actes posés en direction de la presse, notamment. Macky Sall, qui s’était juré de «réduire l’opposition à sa plus simple expression» en mettant toute son énergie et celle de l’Etat au service de l’élimination politique de Karim Wade, Khalifa Sall puis Ousmane Sonko, apprit à ses dépens, sur le tard certes, que, dans une démocratie, l’opposition, ce n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale pour tout pouvoir qui cherche à rester sur ses appuis. A défaut, le risque est de se voir doubler à droite par des protagonistes, encagoulés ou identifiables, dont nul géomancien ne pouvait prédire l’avènement. Ce fut ainsi au Mali où, Amadou Toumani Touré, chantre du «consensualisme» n’a rien vu venir d’attentatoire à son pouvoir et à la souveraineté de son pays. Ce fut ainsi, plus récemment et plus près de chez nous, avec Bassirou Diomaye Faye sur qui aucun parieur de jeux de hasard n’aurait misé un copek, il y a juste un an.