Suite à la récente déclaration de notre Premier ministre concernant l’interdiction d’interdire le port du voile dans les écoles, une polémique est née, suscitant de nombreuses réactions sur une prétendue atteinte à la laïcité. Pourtant, il me semble crucial de rappeler que les propos du Premier ministre ne constituent rien de tel.
Pour comprendre cete perspective, il est essentiel de distinguer deux modèles de laïcité : le modèle français et le modèle sénégalais. Le modèle français, né d’une histoire de séparation entre l’Église et l’État, prône une neutralité stricte de l’espace public. En revanche, le modèle sénégalais de laïcité se caractérise par une approche plus inclusive. Ancré dans un contexte où l’islam et le christianisme coexistent pacifiquement, le Sénégal a développé une laïcité qui permet à chacun de pratiquer sa religion (ou de ne pas en pratiquer) librement, tout en respectant les croyances des autres. Cette approche est en adéquation avec l’article 1 de la Constitution sénégalaise, qui affirme le caractère laïque de l’État tout en garantissant la liberté de culte.
Dès lors, et comme je l’avais souligné déjà en 2019, un règlement intérieur scolaire ne peut pas aller à l’encontre de la loi ni de l’esprit de celle-ci en interdisant le port de signes religieux, tels que le voile, dans les établissements. En effet, la Constitution sénégalaise et les principes de laïcité qui en découlent ne restreignent pas la visibilité des pratiques religieuses dans l’espace public comme indiqué plus haut. Au contraire, ils les encadrent de manière à promouvoir la tolérance et le respect mutuel.
Il est donc essentiel de comprendre que les propos du Premier ministre s’inscrivent dans cette tradition de laïcité inclusive qui vise à encourager une coexistence harmonieuse des différentes croyances au sein de la société sénégalaise. La laïcité, dans ce contexte, n’est pas synonyme de rejet des signes religieux dans les écoles, mais plutôt de respect et de reconnaissance de la diversité religieuse. Il n’y aurait d’ailleurs aucun sens à permettre l’interdiction du port du voile dans certaines écoles alors qu’il est présent dans l’espace public. Ou alors, cela reviendrait à donner à des écoles une sorte de statut d’extra-territorialité tel qu’il existe pour les ambassades, ce qui n’est bien entendu ni permis ni souhaitable.
En conclusion, il est important de préserver le modèle sénégalais de laïcité, en s’assurant notamment que des établissements scolaires n’interdisent pas, dans le cas qui nous occupe, le port du voile. Il faut nous garder d’importer des orientations philosophiques ou polémiques qui n’appartiennent pas à la culture sénégalaise. La co-existence des religions au Sénégal est un modèle de réussite, il serait paradoxal de s’inspirer d’une quelconque façon de ce qui ne fonctionne pas ou fonctionne mal ailleurs.
Par Dr BONARDI