La perte du pouvoir est passée par là. Entre partisans de l’ancien président de la République, Macky Sall, on ne se fait plus de cadeaux. Chez la famille et la belle-famille, c’est encore pire. On y est passé de simples jets de pierres à des attaques au mortier. Dans un entretien accordé à L’Observateur, le maire de Saint-Louis, Mansour Faye, a été le premier à ouvrir les hostilités avec le frère du président de la République lorsque celui-ci a décidé de quitter l’Apr. «Quelqu’un d’autre peut avoir cette position, mais j’estime que Aliou Sall ne devrait pas avoir cette posture. Je ne connais pas les raisons qui sont à l’origine de son départ, mais le Président du parti est son frère. […] Il n’y a pas autre chose qui vaille. Ce que je dis, ce n’est peut-être pas la politique, mais il y a des choses qui ne doivent pas provenir du cercle restreint. On ne doit pas trahir son frère», a-t-il confié au quotidien du Groupe Futurs Médias. «Trahison» ! Et le gros mot est lâché. Il n’en fallait pas davantage pour titiller l’amour-propre de celui dont le frère disait, le 3 juillet 2023, annonçant sa renonciation à un problématique 3ème mandat, tenir à un «code d’honneur». L’ancien maire de Guédiawaye, génétiquement lié par le même code, de sonner la réplique. «Visitant ma généalogie, j’ai été heureux de constater qu’aucun de mes aïeuls n’a été pris en défaut de traitrise ou de trahison. Je doute que Mansour Faye puisse en dire autant», cogne le frère cadet du président de la République sur les ondes de la Rfm. Puis d’en rajouter une couche à forte dose d’acide sulfurique : «Mansour Faye, c’est l’âne qui braie. Il a habitué les Sénégalais à pire : chaque fois qu’il ouvre la bouche, c’est pour sortir des énormités et des propos sans épaisseur qui, de surcroit, puent l’arrogance.» On entend les balles siffler ! Et là, on est loin des sentiers de la politique. On est dans les égouts. Aliou Sall pousse le bouchon jusqu’à accuser la belle-famille du Président Sall d’avoir été à la manœuvre pour pousser son frère à tenter une troisième candidature. Parce que, selon lui, la fratrie de l’ex-première dame n’a pas de compétences intrinsèques lui permettant de se réaliser hors du pouvoir de Macky Sall et des avantages qu’il offre. Ça vole en dessous de la ceinture !
C’est un secret de polichinelle qu’entre la famille de l’ex-Président et sa belle-famille, les relations n’ont jamais été un long fleuve tranquille. La gestion du pouvoir a juste été un moment de cessez-le-feu. Celle-ci se conjuguant désormais au passé, les démons reprennent du service. Un parti fraichement battu et qui rêve de reconquérir le pouvoir aurait trouvé mieux à faire que d’arbitrer ces combats d’égos. Mais, là, c’est mal parti. Surtout que, depuis son «exil», le toujours patron de l’Apr ne fait rien pour maintenir l’unité de ce qui reste des troupes. Les tournées de remobilisation qu’il téléguide sont confiées à deux pelés et trois tondus du parti qui, seuls, ont accès à lui et aux moyens. Ce noyau tourne autour de Amadou Mame Diop, Président de l’Assemblée nationale, Abdoulaye Daouda Diallo, Président du Cese et Abdou Mbow, Président du Groupe parlementaire Benno à l’Assemblée. Les autres sont priés de s’abonner aux médias pour s’informer des activités du parti. Même Amadou Bâ, candidat du pouvoir, pourtant arrivé deuxième, est mis hors-jeu. Ses sorties sont scrutées, toujours annoncées par ses lieutenants mais jamais effectives. A part quelques-unes où l’on se demande si on est en face d’une copie de philo ou d’une véritable déclaration d’intention de quelqu’un qui en veut. Cheikh Oumar Anne, Latif Coulibaly, Zahra Iyane Thiam et autres membres du cercle restreint ont beau le pousser dans le dos mais rien n’y fait. On sent un retard à l’allumage de la part de celui qui devrait naturellement porter le flambeau de la remobilisation.
Conséquence de ce charivari : au lieu de s’unir pour se battre contre le tandem Diomaye-Sonko qui leur a ravi le pouvoir, les apéristes se chamaillent entre eux. Ce, sans que l’on puisse savoir ce qu’est devenue la coalition Benno Bokk Yakaar. Les alliés d’hier que sont le Ps, l’Afp, le Pit ou la Ld qui, paradoxalement, ont davantage mouillé le maillot que les Apr de souche lors de la campagne présidentielle, regardent ces derniers se donner en spectacle et attendent peut-être le prochain arrêt pour descendre du brinquebalant et désormais très risqué navire marron-beige.