On ne sait quelle mouche a bien pu piquer Emmanuel Macron pour que, au soir des élections européennes du 17 juin, il dissolve, sans y être contraint, l’Assemblée nationale. Chez nous, la doxa aurait décrété que «daniou ko ligguey» (il a été marabouté, Ndlr). Avec le décret, le Président français de 47 ans a pris l’habitude de se comporter comme avec un jouet. Sauf que, cette fois-ci, le jeu a tourné au fiasco avec une élection qui le place, lui et son camp, au rang de bon dernier dans la catégorie des grands favoris que sont le Rassemblement national (34 %), le Nouveau front populaire (28 %) et Ensemble pour la République (20 %). Interpellé par une citoyenne anonyme, alors qu’il était en déplacement en région, Emmanuel Macron dira avoir agi en toute responsabilité. Qu’il permette d’en douter. Il a plutôt agi en kamikaze. Le passé servant à déterminer les comportements présents, il devait savoir que, sous la 5ème République française, aucune législative anticipée ou de mi-mandat ne s’est soldée par la victoire du camp au pouvoir. En 1986 et 1993, François Mitterrand dû subir une cohabitation forcée avec la droite incarnée par Jacques Chirac puis par Edouard Balladur. Chirac, lui-même, a été contraint de faire chambre commune avec Lionel Jospin comme Premier ministre jusqu’à la fin de son premier mandat. Que ce fut difficile pour un Président de Gauche de se voir flanquer une majorité de droite ou vice-versa.
Macron qui n’a visiblement pas appris des erreurs de ses prédécesseurs a foncé sur son stylo pour signer le requiem de l’Assemblée nationale et, de ce fait, provoquer des législatives anticipées dans un délai de trois semaines. Maintenant que le vin est tiré, le plus jeune Président français de la 5ème République (47 ans) devra le boire jusqu’à la lie. Sa Majorité – relative depuis les dernières législatives – va se retrouver dans l’opposition et laisser la place à ce que lui-même appelle «les extrêmes» c’est-à-dire l’extrême droite de Jordan Bardella et l’extrême gauche du trublion Jean-Luc Mélenchon. D’aucuns ont cru comprendre que Macron voulait renvoyer aux Français la responsabilité d’arbitrer entre lui et ces deux extrêmes pour, naturellement, tirer la couverture vers son camp. Il pointe du doigt les «deux extrêmes» en les renvoyant dos à dos. Emmanuel Macron qui s’est exprimé dans un podcast diffusé lundi 24 juin, est revenu sur les enjeux des législatives et fustige le Rassemblement national, La France insoumise et «ceux qui les suivent». Selon lui, les programmes des «deux extrêmes» mèneraient tout simplement le pays vers «la guerre civile». Une manière d’agiter le chiffon rouge pour alerter sur un «danger» qu’il aura contribué à installer au pouvoir. De l’avis de Macron, «par rapport à ceux qui sont tentés par les deux extrêmes, ce qu’on doit faire dans les deux ou trois ans qui viennent, c’est dire “on doit être beaucoup plus ferme, beaucoup plus fort partout où la République n’est pas au rendez-vous de la sécurité et de l’impunité” ». De même, il dit vouloir être «beaucoup plus ferme, beaucoup plus efficace partout où la République n’est pas au rendez-vous de l’égalité des chances». Mais, ce qu’il n’a pu faire après sept ans de présidence, Emmanuel Macron aurait-il pu le faire dans les trois années qui lui restent ? Visiblement, l’appât n’a pas pris. Visiblement, son message n’a pas été entendu. En attendant, il se cramponne à son «appel à un large rassemblement» pour barrer la route aux extrêmes. Mince comme bouée de sauvetage !
Par Ibrahima ANNE