Le grand humaniste Albert Camus a eu raison de professer dans ses Carnets que « si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout ». Les applaudissements spontanés de l’assistance lors de la prestation de serment du nouveau Président de la République Bassirou Diomaye FAYE quand il a dit qu’il veillera à une justice indépendante, en disent long sur les attentes des sénégalais. En effet s’il y a un domaine dans lequel il est certain que le Président sortant Macky SALL a échoué, c’est bien dans celui de la Justice et des Institutions en général cela, n’en déplaise à son ancien conseiller et politologue Yoro DIA qui dans une récente contribution déclare que la Justice n’a pas besoin d’assises, ni de réforme et que ce serait une perte de temps.
Pourtant c’est assurément sur ce terrain que les sénégalais attendaient le plus Macky SALL, tellement l’ancien régime de Wade avait aussi mis le curseur très bas en matière de justice, d’égalité devant la loi et du respect des libertés. Il l’avait si bien compris en le répétant au besoin qu’il ne sera pas jugé sur le nombre de kilomètres d’asphaltes mais sur sur la restauration d’un état de droit, avec sa formule choc : « la gouvernance sobre et vertueuse ». Alors la chute n’en est que plus spectaculaire parce qu’effectivement c’est sur ce point que Macky SALL a mordu la poussière. Il a rapidement dévié de son cap du début de son magistère en abandonnant la reddition des comptes avec le limogeage honteux du Procureur Alioune NDAO de la CREI ainsi que la défenestration de Nafy Ngom KEITA de l’OFNAC. Pis, Macky SALL a avoué publiquement qu’il a mis beaucoup de « dossiers sous son coude », et cela s’est poursuivi durant son second mandat avec des scandales politico-financiers mouillant ses proches et qui n’ont fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire aboutie (affaires Covid, Bougazelli, Petrotim etc.) Cette attitude n’a fait que renforcer l’impression légitime que la Justice était sous les ordres du Président. Pour finir le dernier coup de grâce a été l’instrumentalisation de la Justice contre ses adversaires politiques dont Khalifa SALL et Ousmane SONKO. Avec ce dernier la Justice sera au premier plan de cet affrontement politique, se mouillant jusqu’au cou. Jamais la Justice n’a été aussi loin dans la répression de soubresauts politiques avec des milliers de jeunes, femmes et hommes envoyés en prison pendant des mois, des responsables politiques embastillés pour de simples opinions sur les réseaux sociaux ou un mot de trop lors d’une conférence de presse. On avait l’impression de vivre dans un état policier tellement l’atmosphère était pesante. Ainsi le sentiment le mieux partagé en effet par les sénégalais après cette élection, est un sentiment de soulagement, comme un air de liberté qui a soufflé partout libérant les cœurs et les esprits ceints par des années de souffrance !
Alors oui Yoro DIA la Justice sénégalaise a besoin d’une profonde mise à jour car jamais elle n’a été aussi dévoyée que sous l’ère de votre mentor et c’est regrettable qu’un grand intellectuel comme vous qui criait partout que la justice était le maillon faible de notre démocratie centenaire n’ait pas profité de sa proximité pour le lui rappeler. Et ce n’est pas parce que des magistrats ont pris des décisions favorables à l’opposition que la Justice va se draper subitement d’une indépendance et d’une impartialité trop belles pour être vraies car c’est assurément l’arbre qui cache la forêt. La preuve est le brouhaha extraordinaire qui a accompagné ces décisions qui d’ailleurs n’ont jamais été exécutées par le pouvoir de Macky SALL. En effet la normalité sous le régime de ce dernier est une justice aux ordres qui par ses décisions fait ses affaires politiciennes et beaucoup de magistrats ont été affectés pour avoir pris des sentences qui sont allées à l’encontre de cette politique répressive. Saviez-vous Yoro DIA que des juges d’instruction ont été relevés de leurs fonctions pour n’avoir pas placé sous mandat de dépôt des présumés manifestants, car vous ignorez certainement que les magistrats instructeurs sont simplement nommés par arrêté ministériel et que du jour au lendemain un Ministre de la Justice peut les dégommer.
La Justice a besoin d’une profonde réforme puisque les pouvoirs du Procureur doivent être considérablement diminués. Sinon comment expliquer dans un état de droit que le juge d’instruction soit obligé de placer sous mandat de dépôt une personne sur réquisition motivée du procureur pour certaines infractions à connotation politique, et que toute demande de mise en liberté provisoire est automatiquement rejetée si le Procureur s’y oppose. C’est l’exemple de ces milliers de détenus dits politiques qui ont croupi pendant des mois et dont les récits glaçants sur leurs arrestations et leurs séjours en prison ont ému plus d’un sénégalais. Des vies brisées parce que le Procureur qui peut agir sur les ordres de l’Exécutif a décidé de les envoyer en information au lieu du flagrant délit et de requérir leur détention. Et quand l’Exécutif a décrété un climat d’apaisement, c’est le Procureur par des réquisitions d’office qui a décidé de les faire libérer. C’est dire que que le la de Justice est entre les mains d’une partie au procès pénal, une partie privilégiée certes !
Alors oui Yoro DIA, la Justice Sénégalaise a besoin d’une réforme décisive pour que plus jamais un régime aussi liberticide que celui de Macky SALL ne puisse pas s’en servir pour exécuter ses basses œuvres politiciennes !
Par un Magistrat anonyme