Rupture. Continuité. Changement dans la continuité. Peu importe le concept, l’essentiel est que le dépositaire des suffrages des Sénégalais qui se nomme Bassirou Diomaye Diakhar Faye, avec 54,28 %, a choisi son équipe. D’abord, en nommant Ousmane Sonko comme Premier ministre. Et ensuite, en accord avec ce dernier, ils ont rendu publique une liste de 30 «guerriers» –25 ministres et 5 Secrétaires d’Etat- pour aller à l’assaut des problèmes des Sénégalais. Et ils sont nombreux ces problèmes qui attendent des solutions. Nos compatriotes piaffent d’impatience de voir comment les nouvelles autorités vont procéder pour (re) garnir le panier de la ménagère fortement malmené par tant d’années d’une spirale inflationniste qui a eu raison de leur maigre pouvoir d’achat. Ils attendent des nouvelles autorités des signaux forts et clairs quant à l’utilisation qui sera faite de leurs deniers et de leur foncier. Pendant les 24 années de gouvernance libérale, la dilapidation des ressources publiques et la prédation foncière ont toisé un niveau jamais atteint pendant le demi-siècle de règne des socialistes. Les nouveaux élus ont promis de mettre fin à ces dérapages criminels sur les ressources publiques. Ils y sont fortement attendus.
L’éducation nationale, malgré le fait qu’elle engloutit, à elle seule, 40 % du budget national, est dans les abysses. L’école publique, bien qu’elle a été la seule, jusque-là, à sécréter des présidents de la République perd de son attrait et de sa qualité, d’année en année. Aucun parent ayant un revenu, si maigre soit-il, n’y envoie son enfant. Conséquence : n’y vont que ceux qui n’ont pas les moyens d’aller dans le privé. Des enseignants payés sur les deniers publics décrètent des grèves cycliques et illimitées pour, au même moment, aller monnayer leurs talents dans le privé. Alors que la règle du service fait doit être de rigueur, il ne vient à l’esprit d’aucun zélé ministre de ponctionner le salaire des grévistes pour les heures ou jours non travaillés. Certes, la grève est un droit. Mais, le service fait est, également, une règle élémentaire de comptabilité publique.
Que dire des droits et libertés ? Ils sont simplement dans les égouts. Jamais la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de manifester, la liberté tout court, n’ont été autant piétinées, par les uns et par les autres, que pendant ces dernières années. La répression systématique et les convocations tous azimuts avec le triptyque garde à vue-retour de parquet-prison ont enseveli les derniers bastions de liberté. En face, il s’est développé, notamment sur les réseaux sociaux, une dictature de la pensée unique qui veut que ceux qui ne pensent pas comme nous sont fatalement destinés à être insultés, vilipendés, diffamés, menacés jusque dans leur physique. De sorte que beaucoup de citoyens, pris entre ces deux extrêmes, en sont réduits à ravaler leur propre opinion et à déserter l’espace public. La nature ayant horreur du vide, celui-ci a été occupé par les insulteurs. Adamo, Assane Diouf, Kaliphone, etc. deviennent maîtres de ces nouveaux terrains d’expression. Ils font de l’ombre à Serigne Diop, Kader Boye qu’ils envoient sous les draps. Leurs saillies font plus d’audience que n’importe quel professeur agrégé des universités ou leader religieux. C’est de ce Sénégal clivé et clivant, nivelé par le bas, qu’hérite le duo Diomaye-Sonko.
Les secteurs à redresser sont nombreux. Les défis sont énormes. Mais, il n’est pas impossible de les relever au vu de la qualité de certains profils. Le casting gouvernemental autorise l’espoir. On se limitera juste à citer le procureur Ousmane Diagne (Justice), Abdourahmane Sarr (Economie, Plan et Coopération), Général Jean Baptiste Tine (Intérieur et Sécurité publique), Général Birame Diop (Forces armées). A eux seuls, ils ne peuvent opérer les changements attendus. Mais, leur présence sur la «feuille de match» du coach Sonko permet de rêver que les lignes peuvent et vont bouger dans le bon sens. Eux, les autres ministres, le président de la République, le Premier ministre et les autres millions de Sénégalais que nous sommes devons, chacun, à l’échelle et dans la parcelle de pouvoir qui sont les siennes, œuvrer à ce que les fruits tiennent la promesse des fleurs. Leur échec sera le nôtre. Leur réussite, également.
Ibrahima ANNE