Voici que s’empilent sur la tête des femmes des piles de calebasses remplies de lait frais
Voici les femmes longilignes, les tresses tombantes sur les épaules, marchant vers la ville
Sous des abris sommaires, les calebasses posées sur le sol, se trouvent les femmes qui vendent le lait
Les épaules rachitiques, les femmes affairées encaissent l’argent qui nourrira leur famille le lendemain
Sur la rive, entre les pirogues qui accostent, les pieds dans l’eau, les femmes s’activent
Les grandes bassines sur la tête, suintant une eau ensanglantée, les femmes transportent le poisson
Dans la fumée étouffante, les femmes fument le poisson qui voyagera à travers le Sahel
Assises nonchalantes à même le sol, les femmes bavardes vendent les poissons répartis en petits tas
L’hivernage, esseulées au milieu des champs verts, les femmes se dressent la hilaire à la main
Dans nos campagnes désertiques, seules sont visibles les femmes qu’accompagnent les enfants
Fort heureusement, les charrues que tirent des ânes dociles, atténuent le travail champêtre fastidieux
Face à l’exil des hommes, les femmes aidées par les enfants assurent la pitance quotidienne
Debout dans la rizière, le pagne replié à hauteur des genoux, les femmes repiquent le riz
Les pieds enfoncés dans l’argile grise, les jambes couvertes d’eau, les femmes exténuées se redressent
Leurs silhouettes se réfléchissent sur la surface d’eau piquée de fines feuilles vertes
La nuit, la famille au repos, observe lâche, les femmes s’enfumer dans des cuisines suffocantes
Debout sur des charrettes, les fines nattes au vent, les femmes, la cravache à la main, conduisent leurs attelages
Lorsque l’eau est introuvable, les femmes avec leurs bidons jaunes, vont à la quête du liquide vital
Téméraires dans la savane du Ferlo, les femmes se livrent à des rodéos fantastiques pour survivre
Assis, sirotant le thé, les hommes lassifs, observent indifférents le retour des femmes de la corvée d’eau
Jadis écartées des écoles, les filles très intelligentes prennent aujourd’hui leur revanche sur les garçons
Peu d’hommes prennent le temps d’aller aux séances de remise des notes des élèves
Les femmes motivées, curieuses, se bousculent à la recherche des résultats des enfants dans les écoles
Pointe à l’horizon l’époque des femmes conquérantes face à des hommes souvent défaitistes
Les femmes aussi sont frappées par les tentations malheureuses d’identification aux autres femmes
Comment abandonner la beauté du noir-pourpre de la femme Lébou au profit d’une peau dé-pigmentée sans éclat
Lorsque la femme étrangère revendique son nom de jeune-fille, nos femmes choisissent le nom de leur mari là où nos traditions les autorisent à garder le leur.
Nos femmes déracinées vivent l’inconfort de changer de nom à chaque divorce.
Quand finira l’horrible déchéance des filles-mères face à l’irresponsabilité impunie des garçons frivoles
Quand arrivera la fin des infanticides et cessera la déchéance en prison des filles-mères qui abandonnent leur bébé
Quand finiront les mariages forcés pour que l’amour réciproque soit la base du mariage
Quand la clé du paradis des femmes détenues par les hommes se brisera-t-elle pour que les femmes se libèrent
L’accès à la connaissance, à la compétence et à la croyance religieuse constituent la voie royale de libération de la femme
Aucun métier n’est supérieur aux capacités des femmes à apprendre et à s’en approprier
Lorsque la société manque d’ambition, tue l’espoir, les femmes qui l’ont générée, en sont les premières victimes
L’école est le cœur de la libération des femmes, elle est aussi le lieu de reproduction des rapports de dépendance
Les femmes unies se libéreront !
Prof Mary Teuw Niane
Dakar, vendredi 8 mars 2024