M. le Président de la République,
Il me semble opportun de vous rappeler que les théoriciens du pardon et de la réconciliation tel Vladimir Jankélévitchn’ont pas usé de leur plume pour parler de pardon de magouilles politiques d’un pouvoir qui veut vaille que vailleasseoir sa domination sur le peuple et poursuivre ses longues années de souffrance. Le pardon nécessite une reconnaissancede la faute par le coupable et une demande de pardon sincère à l’endroit de la victime (Jankélévitch, Le pardon, 1967) ; mais également, la vérité doit être rétablie. Le regret et la culpabilité sont les bases d’un processus de réconciliation.
De même, nous ne sommes pas dans une situation de crise qui puisse diviser le peuple sénégalais. Nous ne connaissons pas ces genres de violences qui nécessitent une politique de réconciliation nationale comme c’est le cas au Côte d’ivoire, au Rwanda et au Congo victimes de véritables crises politiques qui ont abouti aux guerres civiles et aux génocides.
Mais nous, le peuple sénégalais, nous n’avons pas de divergences sociopolitiques chaotiques. Nous ne sommes pas divisés en groupes ou fractions pour en venir aux armes. Alhamdoulilah !
La crise à laquelle fait allusion son excellence nous est imposée par un régime amnésique qui feint de ne voir nireconnaitre ses actes. Il convient de nous souvenir que les forces de l’ordre et de sécurité ont malmené le peuple citoyen conscient de la gravité de l’heure où se trouve le pays. En juin 2023, secondés par des nervis (miliciens), ils ont sciemment torturé de jeunes manifestants. Le monde est témoin de l’éruption de ces nervis dans l’espace politique sénégalais. Tout le monde a vu leur forfait et leur engagement à l’égard de la coalition de son excellence (Le Monde, « Sénégal : enquête sur « les nervis du pouvoir »).
Son Excellence, je croyais être en Libye ou au Soudanquand je vous ai entendu prononcer « pardon et réconciliationdu peuple », et voir même une loi d’amnistie pour la paix. Mais, M. le président, le peuple sénégalais est en paix. Nous avons notre paix, seulement nous ne pouvons plus continuer à endurer les dérives de ce régime, de ce système.
M. le président, la maturité et la sagesse du peuple vous les avez maintes fois ignorées, et je crains que ce soit ce qui vous a poussé à saboter son moment de gloire. Oui ! le soir du 25 février devait être un moment de gloire pour le peuple souverain. Vous l’avez privé de ce moment. Et aujourd’hui vous osez flatter sa maturité et sa sagesse.
Ah oui, je dois comprendre par votre discours du 26 février 2024 que vous voulez demander pardon au peuple que vous avez maltraité durant toutes ces années ; demanderpardon pour les nervis recrutés par vos compères ; demanderpardon de la misère et de la famine qui tenaillent le bas peuple à cause d’une incompétence et d’une mauvaise politique gouvernementale ; demander pardon à ces étudiants dontl’avenir est désormais hypothéqué, l’avenir de toute la jeunesse sénégalaise, particulièrement les jeunes injustement emprisonnés…Et j’en passe. Le « pardon et réconciliation » de son excellence n’est ni fiable ni opérationnel pour le peuple qui connait son mal et qui ne cherche qu’à s’en guérir.
Par Aïda Gueye Doctorante en Littérature comparée, ESHS/UGB