Le président de la République, Macky Sall, a annoncé, hier à l’ouverture du dialogue national, un projet de loi d’amnistie des faits survenus lors des manifestations entre 2021 et 2024. De la loi d’amnistie, il faut comprendre l’effacement des infractions commises dans un intervalle de temps bien défini. Docteur en droit et en Sciences criminelles, Babacar Niass soutient que la politique criminelle commande parfois que l’on emprunte la clémence après des temps troublés. «L’amnistie est une mesure d’oubli qui efface rétroactivement le caractère délictueux des faits auxquels elle s’applique. Elle entraîne une disparition de l’élément légal. Elle est en réalité présentée comme une mesure qui permet de neutraliser les incriminations et de faire obstacle à l’action publique, mais elle doit encore être évoquée car elle permet aussi d’effacer les condamnations», fait savoir Dr Babacar Niass.
Selon lui, les effets de la loi d’amnistie sont «radicaux au plan pénal car la condamnation est, à titre d’exemple, supprimée, ce qui a pour conséquence son effacement du casier judiciaire et l’interdiction d’en rappeler l’existence». «Puisque la matérialité des faits subsiste, les réparations dues aux victimes peuvent être exécutées», dit-il. La loi d’amnistie est différente de la grâce présidentielle. Quand on gracie, on pardonne. «Quand on amnistie, on oublie. C’est-à-dire qu’on oublie les faits, les infractions visées. On ne veut plus y revenir. Pour bénéficier de la grâce, il faut nécessairement l’épuisement des voies de recours. On n’amnistie pas des personnes, mais des faits délictuels ou criminels. Comme c’est une loi, l’amnistie peut émaner du président de la République ou des députés. Si c’est le président de la République qui l’initie, il présente un projet de loi. Si c’est un député, on parle de proposition de loi», explique notre interlocuteur.
Dr Niass ajoute que l’amnistie est accordée par l’Assemblée nationale conformément à l’article 67 de la constitution. «Si le législateur accorde l’amnistie en énumérant les infractions concernées sans désigner les personnes qui en bénéficient, on dit que l’amnistie est un caractère réel. Elle doit à ce titre être distinguée de la grâce amnistiante», précise-t-il.
Pour l’enseignant-chercheur à l’Ucad, Serigne Thiam, si éventuellement la loi d’amnistie passe par l’Assemblée nationale et elle est votée, puis promulguée, elle effacera tous les faits concernés. «A l’avenir, aucun autre Président ne pourra l’abroger car les faits visés seront censés ne jamais exister», précise-t-il.
Salif KA