Le Président Macky SALL a annoncé, le samedi 3 février 2024, dans son discours à la Nation, avoir abrogé le décret n° 2024-106 du 3 février 2024 abrogeant le décret n° 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Par cet acte, ou plutôt déclaration car le décret n’est toujours pas publié au journal officiel, Macky Sall a suspendu la campagne électorale qui devait débuter le lendemain alors même que les effets d’un acte administratif commencent à la date de sa publication. Ce qui constitue une violation de la loi car en l’absence de publication du décret, les candidats doivent pouvoir poursuivre leurs opérations électorales.
En parallèle, avec la complicité de ses députés godillots, Macky Sall a créé une commission parlementaire chargée d’enquêter sur une prétendue corruption de certains juges du Conseil constitutionnel par le candidat Amadou Ba, actuel 1er Ministre. Commission d’enquête visant 2 magistrats du Conseil qui se trouvent être les plus intègres et unanimement reconnus par leurs pairs. Certainement pour les punir d’avoir validé la candidature des opposants proches de Ousmane Sonko.
Initialement convoquée pour statuer sur la mission d’enquête parlementaire, à notre grande surprise, l’Assemblée nationale a examiné une proposition de loi portant modification de l’article 31 de la Constitution en vue de reporter la date de l’élection présidentielle et de prolonger le mandat en cours du Président Macky SALL.
Exit l’excuse de la corruption, aucune action n’est menée contre le corrupteur et les corrompus. Toute la session parlementaire a été consacrée à acter cette « dérogation » (SIC) à la Constitution (ce qui est en soi une hérésie juridique). Preuve que tout ceci n’était que prétexte pour s’en prendre au Conseil constitutionnel et justifier l’arrêt du processus électoral.
Mais c’est oublier qu’au regard des dispositions de la Constitution de la République du Sénégal, ces initiatives, présidentielle et parlementaire, ne peuvent aboutir, juridiquement, à prolonger le mandat du Président Macky SALL qui, quoi qu’il advienne, arrive à terme le 2 avril 2024.
En effet, au risque de violer de façon flagrante les dispositions de l’article 103 de la Constitution, les députés ne peuvent voter une loi nouvelle pour prolonger le mandat du Président Macky SALL après le 2 février 2024. L’article 103 dispose simplement que « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. »
« La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. » (article 27 de la Constitution) L’Assemblée nationale ne peut, au regard des dispositions de l’article 103 de la Constitution, voter aucune modification, dérogation ou exception pour ramener cette durée à cinq ans + un jour, cinq ans + six mois, ou six, sept…ans.
Par ailleurs, cette loi nouvelle adoptée par l’Assemblée nationale est inapplicable au mandat en cours du Président Macky SALL. En effet, dans sa Décision n°1-C-2016 du 12 février 2016, le Conseil constitutionnel avait définitivement fixé sur du marbre le principe constitutionnel selon lequel « le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle ».
Le juge constitutionnel a précisé à cette occasion que « ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée ».
Au regard de ces règles constitutionnelles indiscutables, il apparait manifestement que le report, voire l’annulation de l’élection présidentielle du 25 février 2024 (car c’est le véritable but poursuivi) ne peut permettre à Macky SALL de « garder le pouvoir », et de « rester à son poste » au-delà du 2 février 2024, terme de son dernier mandat. La Constitution du Sénégal, actuellement en vigueur, ne permet pas, absolument pas, de réduire ou de prolonger le mandat du président de la République, quel que soit au demeurant l’objectif recherché !
D’ailleurs, la communauté internationale et les chancelleries présentes à Dakar l’ont compris et commencent, les USA en tête, à demander le respect de la constitution et de la loi électorale. Même ses amis du gang des présidents de la CEDEAO (ou ce qu’il en reste) ont sorti un communiqué plus conforme aux textes régissant cette organisation. La réprobation est devenue mondiale et Macky Sall se trouve de plus en plus isolé sur la scène nationale et internationale.
Alors qu’adviendra-t-il le 2 avril terme du mandat de Macky Sall dès lors qu’a été unilatéralement rompu le processus électoral qui devait permettre de désigner le successeur de Macky SALL ?
La réponse est à trouver dans les dispositions des articles 31, 39 et 41 de la Constitution.
A la date du 2 avril 2024, le second et dernier mandat de Macky SALL prend définitivement fin. Le Sénégal se trouvera dans une situation de vacance de la Présidence par empêchement du président de la République en fonction.
Cette vacance est constatée par le Conseil constitutionnel (article 31 de la Constitution). Le Président Macky SALL sera suppléé par le Président de l’Assemblée nationale (article 39 et 41 de la Constitution).
Dans les soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus, le Président de l’Assemblée nationale, assurant la suppléance, organise le scrutin pour l’élection d’un nouveau président de la République (article 31 de la Constitution).
Si le Président de l’Assemblée nationale est lui-même empêché, la suppléance est assurée par l’un des vice-présidents de l’Assemblée nationale dans l’ordre de préséance (article 39 de la Constitution).
Voilà le schéma clairement tracé par la Constitution de la République du Sénégal.
Au terme de son second mandat, le président de la République en exercice doit impérativement quitter le pouvoir. Aucune forme d’arrangement, y compris un dialogue national, ne saurait, sans violation de la Constitution, aboutir à le maintenir à son poste à l’échéance de son dernier mandat. L’appel au dialogue est encore une ruse de Macky Sall et toute personne physique ou morale qui participerait à un dialogue violant la constitution sera poursuivie après le départ de Macky Sall car il partira d’une manière ou d’une autre. Toute autre solution serait une négation de la démocratie et de l’Etat de droit et un véritable Coup d’état.
En conclusion, aucune révision de la Constitution, aucun dialogue national ou international ne peut prolonger le mandat du Président de la République. Le 2 avril 2024 le Président Macky SALL devra partir, de gré ou de force car la souveraineté appartient au Peuple.
Oumar Ndiaye
Ex socialisme et républiqu