L’auto glorification de Macky Sall à travers un bilan économique reluisant, lors de son discours à la Nation le 31 décembre dernier, laisse perplexe l’économiste Meïssa Baba. Selon lui, le chef de l’Etat, en 12 ans au pouvoir, n’a pas fait mieux que son prédécesseur, Abdoulaye Wade, qui avait laissé le pays dans une pauvreté extrême, un taux de chômage élevé…
Le président de la République, Macky Sall, a délivré son dernier discours à la Nation, le 31 décembre dernier, marquant la fin de l’année 2023. Il s’est glorifié de ses réalisations sur tous les plans, pendant ses 12 ans au pouvoir. Un bilan positif qu’il a été illustré par des chiffres et des lettres, en attendant la publication d’un rapport détaillé pour chaque secteur. «Nos progrès sont réels et visibles à travers tout le pays. Les faits et chiffres parlent d’eux-mêmes. Le gouvernement publiera prochainement le bilan de nos réalisations», s’est-il félicité en citant quelques avancées sur le plan économique. Mais, ces progrès auxquels Macky Sall fait allusion sont illusoires aux yeux de l’économiste Meïssa Babou. Selon lui, les routes et les ponts, l’autoroute à péage, le grand théâtre, le monument de la renaissance, Ddd, les Tata, les écoles et les centres universitaires étaient tous nécessaires et structurants.
L’enseignant chercheur à la Faseg de l’Ucad estime queles difficultés existentielles de nos concitoyens sont loin du bilan matériel reluisant que le président décrit dans tous ses discours. «Il est regrettable, après douze années d’exercice du pouvoir, de constater une pauvreté relative des différentes couches sociales à l’exception de rares privilégiés. Rien de nouveau sous son magistère qui n’a fait que continuer la dynamique wadienne sauf qu’en 2012 ces types d’investissement étaient nécessaires», démonte Meïssa Baba.
Le coût de la vie, le chômage et les supposés détournements, rappelle-t-il, ont eu raison de ce «fabuleux bilan» de Wade dont l’échec le plus regrettable a été, selon lui, la Goana et la disponibilité de l’électricité. «Le président Macky devait apprendre de ces échecs pour engager une vision du développement autrement que dans la continuation du Btp», souligne l’économiste. «En 2024, nous sommes encore dans les mêmes travers qu’en 2012 avec un chômage massif, une faible croissance, des importations en tout, une misère accrue et des détournements. Un cercle vicieux qu’il faudra rompre avec une stratégie souverainiste qui nous fera travailler et nous aidera à vivre dignement. Une approche inclusive du développement est une nécessité pour une résilience face aux turpitudes de l’environnement international», indique-t-il en pointant un changement de paradigme pour prendre en main notre destin.
Un endettement massif
Sur un autre registre, notre interlocuteur fait savoir que cet échec du pouvoir de Macky sur le plan économique n’est pas lié à un manque de moyens financiers, mais à une mauvaise vision. L’augmentation exponentielle du budget de 2 700 milliards sous Wade à plus de 7 000 milliards en 2024, explique Meïssa Babou, en plus des 14 500 milliards d’endettement constitue «la preuve d’une disponibilité financière très large». «Toute cette manne financière n’a malheureusement pas relevé les défis sociaux de la nourriture, du chômage, de la santé et de l’éducation», regrette-t-il.
Il a également listé les péchés de Macky dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche… Selon lui, notre agriculture qui peine à nous assurer le minimum est dans une léthargie enfonçant ainsi notre dépendance plus accrue. «Si l’oignon et le poisson sont désormais importés du Maroc, le riz toujours de l’Inde, cela signifie que nous n’avons aucune capacité de résilience face aux menaces de l’écosystème mondial. L’importation tous les ans de près de 800 000 têtes de mouton pour la tabaski sans compter les bœufs lors des cérémonies religieuses est un indicateur de notre vulnérabilité. L’arrivée des camions de poissons au marché de Pikine en provenance du Maroc est inacceptable pour un pays qui a plus de 700 kilomètres de côtes poissonneuses», constate-t-il pour le regretter.
Salif KA