Les choses sont maintenant claires : Amadou BA va porter le flambeau de Benno, à la présidentielle de 2024. Mais le dauphin de Macky doit surmonter beaucoup d’obstacles, même si son statut de candidat du président sortant peut lui valoir quelques avantages.
Amadou BA seul face au Sénégal, serait-on tenté de dire. Le candidat désigné par le président Macky SALL – sans grande surprise d’ailleurs comme nous l’annoncions il y a quatre jours – a des atouts à faire prévaloir. Ses statuts d’ancien ministre des Finances, d’ancien chef de la diplomatie sénégalaise et d’actuel Premier ministre sont, sans doute, ses premières forces. Il a un carnet d’adresses très bien fourni et qui peut lui ouvrir beaucoup de portes au Sénégal et à l’étranger.
Contrairement à ses potentiels adversaires de l’opposition comme au sein de sa propre coalition, Amadou BA aura l’avantage d’être soutenu par le Président sortant qui va mettre tous les moyens matériels, humains et financiers pour le faire triompher au soir du 24 février 2024.
Le candidat de Benno qui n’a pas été du tout surpris par sa désignation a une longueur d’avance sur ses futurs adversaires. En effet, le poulain de Macky SALL balise le terrain depuis plusieurs mois. Aux Parcelles-Assainies, son fief électoral, il multiplie les rencontres secrètes pour arrondir les angles avec tous les responsables apéristes qui le combattent. Sa désignation comme candidat du Président SALL pourrait ramener certains d’entre eux à de meilleurs sentiments. Il aura l’avantage également d’être une sorte de prolongement d’un Président sortant qui, il faut le reconnaître, a un bilan à présenter aux Sénégalais. Ce n’est pas rien. Ses concurrents ne vont y aller qu’avec des promesses et autres vœux pieux pour convaincre l’électorat.
Un autre bon point et pas des moindres, est que Amadou BA est présenté très proche des chefs religieux. On l’a vu récemment à Touba en plein ziar chez le khalif général des Mourides à l’occasion du grand Magal de Touba, sans chercher à entrer dans la délégation du président de la République.
Un signe qui avait annoncé la couleur. L’homme, bien que très réseauté, est très avare en paroles. Ce qui fait de lui une sorte de mythe. Ajoutez à tous ces bons points sa force de frappe financière qu’on lui prête à tort ou à raison.
Mais. Disons bien mais, le candidat de Benno Bokk Yaakar ne fera pas de sa candidature une promenade de santé. Loin de là. Amadou BA a de grands talons d’Achille. Le premier est qu’il devra assumer tous les péchés de son mentor. Du recul démocratique (persécution des opposants, des journalistes et dse voix discordantes, interdiction systématique de manifestations, dissolution de Pastef) à la gestion clanique ou familiale des affaires de l’Etat, en passant par les nombreux scandales financiers, de 2012 à 2023.
Amadou BA devra supporter tout. Pas besoin de faire un sondage pour connaître la position des Sénégalais sur ce qu’ils pensent du régime finissant. La baisse de l’électorat de Benno Bokk Yaakar aux dernières compétitions électorales en 2017, 2019 et 2022 est assez révélatrice. Le score de Benno ne fait que chuter : Aux dernières élections locales, Amadou BA et ses camarades ont perdu de grandes villes comme Dakar, Thiès, Mbacké et Ziguinchor.
Pire, les dernières élections législatives de 2022 ont vu l’opposition créer des sueurs froides à Macky SALL, avec l’entrée en force de l’opposition qui a failli créer la cohabitation à l’Assemblée nationale. Une grande première au Sénégal. Avec de tels résultats à la présidentielle de 2024, Amadou BA serait contraint à un second tour qui équivaudrait à une défaite comme DIOUF en 2000 et WADE en 2012.
L’autre grand handicap du candidat de Macky, c’est le fait d’être vu comme celui de la France au moment où l’Afrique se rebelle contre l’ancien colonisateur. Il aura fort à faire pour convaincre ceux-là qui veulent s’émanciper de la puissance coloniale.
Mais son plus grand souci sera de faire face à la rébellion qui a vu le jour au sein de Benno et qui va grandissant. La vérité est que tous les candidats à la candidature de la majorité présidentielle recalés vont se liguer contre lui. Abdoulaye Daouda DIALLO, Aly Ngouille NDIAYE, Mame Boye DIAO, Bounn Abdallah DIONN, Abdoulaye Diouf SARR et Moustapha DIOP ne lui faciliteront pas l’affaire. Malgré les négociations en cours engagées par son patron Macky SALL pour calmer les «rebelle» qui n’ont plus rien à perdre. La preuve par Aly Ngouille NDIAYE et Youssou NDOUR qui ont jeté l’éponge pour reprendre leur liberté de penser et d’agir.
Amadou BA et ses partisans devraient plutôt broyer du noir plutôt que de jubiler. L’affaire ne sera pas facile.
Georges Nesta DIOP