L’acharnement du régime envers le leader de Pastef et son parti va crescendo. Maintenant, le pouvoir ne s’en cache plus. Les brimades et les emprisonnements des militants de Pastef sont devenus son jeu favori.
Les dénonciations des associations de défense des droits de l’homme ou de la société civile n’y font rien. L’Etat qui a avec lui la police et la gendarmerie ne se prive plus de mater de l’opposant. Le leader de Pastef semble payer le plus lourd tribut. Le pouvoir ne lui fait aucun cadeau. Ses droits sont violés au vu et au su de tout le monde. Contrairement à certains opposants comme Khalifa Sall qui déroule tranquillement sa tournée Motali Yéné ou Benno avec la tournée nationale de ses femmes, ce droit est prohibé à Pastef. Son Nemekku Tour a, à chaque fois, été dispersé à coup de grenades lacrymogènes. Le week-end dernier, ils se sont encore prêtés à leur jeu favori. Celui de violer les droits du leader de Pastef. Certainement impressionné par les foules que draine le leader de Pastef dans sa caravane de la Liberté qui a démarré dans la capitale du sud et fait carton plein à Kolda et Vélingara, Sonko a été interpellé en violation flagrante de ses droits.
«Kidnappé», il sera par la suite mis dans un véhicule blindé du corps d’élite du Gign et acheminé à Dakar sous bonne escorte, dans sa résidence sise à Cité Gorgui. Sans aucune notification de la justice, il sera placé sous résidence surveillée. En effet, les entrées de personnes extérieures sont interdites. L’équipe de communication de Pastef qui devait diffuser la déclaration annoncée de Sonko sera éconduite par les Fds. Idem pour les responsables de Pastef et de Yewwi qui ont voulu s’y rendre. Le quartier de Cité Keur Gorgui est bunkerisé par les forces de défense et de sécurité prêts à mater et à casser de l’opposant. Le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a justifié cette mesure par le respect de règles dans un Etat de droit. Le ministre Diome trouve que cette interpellation est bien motivée. Il précise «lors de la première étape, il y a bien mort d’homme à Kolda. La responsabilité de l’Etat étant engagée. Dans ce qui est garantie de l’ordre public nous ne pouvons pas laisser des personnes pour quelles que raisons que ce soient ou l’expression de quels que opinions que ce soient faire des rassemblements sans pour autant que les règles minimales d’encadrement soient respectées».
Les forces de défense et de sécurité n’en sont pas à leur premier coup d’essai. Dans l’affaire de diffamation l’opposant au ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko s’est fait agressé, à deux reprises, par les Fds qui sont allées jusqu’à briser les vitres de son véhicule pour l’extirper et le conduire de force vers une destination. La dernière fois sur la corniche, cette violence a atteint son paroxysme lorsqu’il a été aspergé avec une substance inconnue qu’il qualifiera par la suite de «tentative d’empoisonnement».
«Le Sénégal vers des lendemains incertains», selon Dr Charles Biagui
Enseignant en sciences politiques à l’Ucad, Dr Jean Charles Biagui estime que le gouvernement de Macky Sall montre de plus en plus qu’il n’a aucune intention de répondre sur le terrain politique au défi posé par Sonko en termes de communication politique et même en termes de leadership. «Il a choisi de neutraliser Ousmane Sonko en instrumentalisant la justice et les forces de défense et de sécurité au mépris de l’Etat de droit et des libertés les plus élémentaires dans un système qui se réclame de la démocratie libérale. Macky Sall, ses ministres et l’administration ont choisi de défendre leurs privilèges et leurs strapontins au détriment de nos libertés et de notre sécurité», explique l’analyste politique. «Au-delà de l’acharnement sur Ousmane Sonko, la situation politique actuelle est un recul démocratique considérable. Les arrestations arbitraires se multiplient. Les forces de l’ordre sont partout, en état d’alerte, illustrant ainsi le contexte crisogène», poursuit Jean Charles Biagui. Selon lui, l’Etat de droit est actuellement «illusoire», une partie considérable de la presse est dans la peur ou dans la retenue si elle n’a pas abandonné sa mission. Les organisations qui se réclament de la société civile et qui sont les plus en vue sont soit complices soit ne font pas grand-chose alors que l’Etat sombre dans la «dérive autoritaire». Face à cette réalité, prédit Dr Biagui, il faut malheureusement craindre des lendemains incertains pour le pays si on n’arrête pas cette dérive autoritaire.
Magib GAYE