A quelques mois de l’élection présidentielle de 2024, le régime en place fait face à une tempête de revirement. En effet, après avoir été de fervents défenseurs du principe de deux mandats pour l’actuel chef de l’Etat, des responsables du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr), et certains de leurs alliés de Benno Bokk Yakaar ont opéré un véritable virage à 360°
Le leader du mouvement Gueum Sa bopp Bougane Guèye Dany a-t-il raison en invoquant la possibilité de traduire devant la Haute cour de justice pour haute trahison certaines autorités du régime en place sur la question du troisième mandat ? Cette question mérite bien d’être posée. Pour cause, après avoir été en première ligne dans la lutte contre la 3e candidature du président Abdoulaye Wade, des responsables du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr), et certains de leurs alliés de Benno Bokk Yakaar ont opéré un véritable retournement de veste. Nonobstant leur position ferme en 2016 sur cette question de troisième candidature qu’ils accusaient l’opposition à l’époque d’avoir agitée pour faire triompher le non lors du référendum, force est de constater que ces partisans de l’actuel chef de l’Etat ont ravalé leur vomi. Il s’agit entre autres, des ministres Mame Mbaye Niang, Mbaye Ndiaye, Cheikh Kanté, Aliou Sow, Ismaïla Madior Fall et l’honorable député Abdou Mbow pour ne citer que ceux-là puisque la liste est loin d’être exhaustive.
De fervents défenseurs du principe de deux mandats pour le président Sall entre le référendum de 2016 et la présidentielle de 2019, ces personnalités ont changé de discours et de position depuis la réélection de leur mentor en se transformant en promoteurs de cette troisième candidature. Sur le terrain, ils multiplient de plus en plus des actions politico-médiatiques sous le regard complice du président Sall qui avait pourtant juré après la présidentielle de 2019, d’avoir entamé son deuxième et dernier mandat.
Pour rappel, s’exprimant sur cette question de 3e candidature lors d’une visite de proximité à Thiaroye et Diamaguène en mars 2016, Mame Mbaye Niang alors ministre de la Jeunesse avait accusé les opposants de « jouer au plus fin en annonçant que Macky Sall veut briguer un troisième mandat ». Sous ce rapport, il avait ainsi non seulement soutenu que « le président Macky Sall n’est même pas ce genre de personne » à revenir sur sa parole. Mais aussi que ce dernier « ne pourra jamais compter sur son soutien lorsqu’il s’agira de briguer un troisième mandat».
Outre le ministre Mame Mbaye Niang, nous pouvons également citer le ministre d’Etat et Directeur des structures de l’APR, Mbaye Ndiaye. Ce dernier, après avoir été au premier plan dans la campagne de forte médiatisation de la réduction du septennat en quinquennat entre 2012 et 2016, Mbaye Ndiaye a surpris plus d’un Sénégalais en déclarant sur le plateau de l’émission « jakarlo » de la Tfm, que le président Macky Sall exerçait son premier mandat, après sa réélection en février 2019. Mais quelques jours après cette sortie malheureuse, il est revenu pour présenter ses «excuses auprès des Sénégalais qui ont mal compris ce que j’ai dit. Je n’ai pas parlé de 3ème mandat, j’interprétais l’article qui parlait des mandats mais je ne suis pas pour le troisième mandat ».
Le revirement le plus spectaculaire sur cette question de mandat au-delà de celui du président Macky Sall sur cette question de 3e candidature est certainement celui de l’actuel ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Éminent professeur de droit constitutionnel qui avait invalidé la candidature de Wade sous le prétexte que la parole du président de la République a une valeur juridique, Ismaïla Madior Fall s’était fait remarquer quand il a traité Amadou Moctar Mbow et les membres de la Cnri (Commission nationale de réforme des institutions) de tous les noms pour dit-il avoir outrepassé leurs prérogatives.
Mis à la baguette par l’actuel chef de l’Etat qui n’avait pas apprécié le projet de Constitution qu’avait préparé le doyen Amadou Moctar Mbow et les membres de la CNRI pour préparer les points de reformes constitutionnelles à adopter lors du référendum, Ismaïla Madior Fall vantant son projet de réforme a toujours soutenu que Macky Sall ne peut se représenter en 2024 pour un troisième mandat en insistant sur le fait que « nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs ». Seulement, aujourd’hui, c’est le même, Ismaïla Madior Fall qui descend sur le terrain pour mobiliser ses partisans en perspective d’un second quinquennat du président Macky Sall.