Après le Mali en février dernier, c’est au tour du Burkina Faso de suspendre la diffusion des programmes de Rfi sur son territoire. Ouagadougou reproche à la «Radio mondiale» de faire le jeu des groupes terroristes et de verser dans la désinformation.
Le gouvernement burkinabè a suspendu «jusqu’à nouvel ordre» les programmes de Radio France internationale (Rfi) sur toute l’étendue du territoire. Il reproche également à la radio de faire le jeu des groupes terroristes en diffusant les propos d’un chef djihadiste qui menace les personnes qui s’enrôleraient dans le corps des Volontaires pour la défense de la patrie (Vdp). «Ce média (Rfi, Ndlr) contribue ainsi à une manœuvre désespérée des groupes terroristes en vue de dissuader les milliers de Burkinabè mobilisés pour la défense de la patrie, ramant à contre-courant des actions en cours pour la restauration de l’intégrité de notre territoire», a déclaré le ministre de la Communication, Jean Emmanuel Ouédraogo, dans un communiqué. La mesure prise samedi a été précédée d’une annonce faite la veille par Rfi d’une tentative de coup d’Etat contre le colonel Ibrahim Keïta, arrivé au pouvoir le 30 septembre dernier à la suite d’une mutinerie. Le gouvernement avait aussitôt démenti cette information «mensongère». Toutefois, il réaffirme son attachement à la liberté de presse et d’opinion mais aussi au droit du public à l’information. «Il invite cependant au respect des règles et principes édictés en la matière dans son pays», a ajouté M. Ouédraogo.
La direction de Rfi déplore «vivement» et condamne cette décision prise sans préavis et sans que soient mises en œuvre les procédures prévues par la convention de diffusion de Rfi établie par le Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso. «Le groupe France médias monde explorera toutes les voies pour parvenir au rétablissement de la diffusion de Rfi et rappelle son attachement sans faille à la liberté d’informer comme au travail professionnel de ses journalistes», ajoute-elle dans un communiqué.
Depuis plusieurs semaines, le pouvoir burkinabè nourrissait des ressentiments à l’égard de la radio française dont il mettait en doute l’objectivité et la crédibilité des informations sur le pays. Le 3 novembre, il avait exprimé son mécontentement à ses responsables en l’accusant d’avoir déclaré dans une revue de presse que «les terroristes recrutent majoritairement dans X communauté et les Vdp dans Y communauté». Depuis le début de l’année, le Burkina Faso est le deuxième pays de l’Afrique de l’Ouest à suspendre Rfi. Le 17 février dernier, le gouvernement malien avait mis fin «jusqu’à nouvel ordre» la diffusion de Rfi et de France 24 sur son territoire. Il accuse les deux organes de presse de diffusion de fausses nouvelles et de «fausses allégations» concernant des exactions qu’aurait commises l’armée malienne contre des civils. Les informations incriminées étaient contenues dans des reportages diffusés les 14 et 15 mars par Rfi. «Les agissements de Rfi et de France 24 ressemblent, dans un passé récent, aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio Mille Collines», avait alors déclaré le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, dans un communiqué lu à la télévision nationale. La radio nationale du Rwanda, surnommée «Radio Mille collines», avait joué un grand rôle dans le génocide de 1994 en encourageant les massacres de la communauté Tutsi qu’elle présentait comme «la plaie» du pays.
Mamadou CISSE