Critiqué de toute part par les observateurs, Aliou Cissé a pris sa revanche sur ses nombreux détracteurs. Le sélectionneur national a enfin permis au Sénégal de décrocher sa première étoile continentale. Alors qu’on a loué les services de plusieurs entraîneurs étrangers, c’est un enfant du pays qui permet enfin au Sénégal d’inscrire son nom au palmarès des vainqueurs de la Coupe d’Afrique des nations.
Il l’a cherché en tant que joueur et en tant qu’entraîneur. Mais jamais Aliou Cissé n’avait réussi à poser la main sur Dame Coupe. Cissé a essayé, tenté, recommencé. Il n’a jamais abandonné. Certes, il savait qu’étant joueur, il ne pouvait plus être champion d’Afrique en perdant la finale de 2022, il fallait trouver un autre moyen de vivre ces émotions uniques dans la vie d’un footballeur ou d’un joueur. C’est avec la première posture qu’il va réussir une telle prouesse. Là où beaucoup de «sorciers blancs» ont échoué, il a écrit son nom en lettres d’or. C’est 2015 que l’équipe du président Augustin Senghor a fait confiance à un produit du cru. Il n’avait aucune expérience sur un banc à part son statut d’entraineur adjoint de Louhans-Cuiseaux qui évoluait en National (D3). Mais le président de la Fédération a cru à cet homme. Cissé n’a jamais fléchi. Il est resté têtu comme une m… et resté droit dans ses convictions.
Les critiques n’ont pas manqué. On a décrié son projet de jeu et ses errements dès fois dans son coaching. Il a toujours pris acte et corriger sa copie. Six ans qu’il chemine avec un groupe qu’il a façonné, formaté, poli à son image de gagneur qui ne lâche rien comme ce qu’il fut comme étant joueur. Il n’était pas le talent certes, seulement Cissé était teigneux, audacieux, téméraire qui n’hésitait pas de marcher sur l’adversaire, quitte à faire la faute hallucinante. Aujourd’hui, il a réussi son pari. Et depuis dimanche, l’ancien capitaine des Lions est entré dans la postérité. À 45 ans, Aliou Cissé est le deuxième entraîneur de l’histoire du foot sénégalais à qualifier les Lions en finale de la Can après Bruno Metsu en 2002. Il offre ainsi à son pays, son premier trophée continental qui échappait au Sénégal depuis sa première participation à des joutes continentales en 1965. «Gagner la Can au Cameroun, qui est une terre de football, c’est un symbole. Mais le gagner également face à l’Égypte, qui a remporté ce trophée à 7 reprises, est un autre symbole. Je l’avais dit à mes joueurs il y a quelques jours. Aujourd’hui, ils ont écrit l’histoire en remportant cette Coupe d’Afrique devant l’équipe la plus titrée du continent, et sur les terres d’un grand pays de football, qui est le Cameroun», dira Cissé à la fin du match.
Aliou Cissé solide en Can
C’est en 2017, qu’il découvre la Coupe d’Afrique des nations. Eliminé en quarts de finale par le Cameroun, Cissé a appris de ses erreurs pour vivre sa première finale en 2019. Les Lions se sont inclinés contre l’Algérie mais Cissé et ses hommes connaissaient déjà le chemin. Pour cette édition de 2021, ils ont alors fait l’économie de ce qui n’a pas marché pour ensuite décrocher la première étoile de l’histoire du football sénégalais. Cissé a disputé 18 matchs de Can pour 11 victoires, 5 nuls et 2 défaites. Lors de la Can 2021, c’est 7 matchs, 4 victoires, 3 nuls, 9 buts marqués, 2 buts encaissés. En 2019, c’est 7 matchs, 5 victoires, 2 défaites, 8 buts marqués, 2 buts encaissés. En 2017, c’est 4 matchs, 2 victoires, 2 nuls, 6 buts marqués, 2 buts encaissés.
La revanche sur ses anciens coéquipiers
Aliou Cissé n’a pas seulement fait face à la presse. Très critique d’ailleurs à son encontre à chacune de ses prestations. Et les journalistes n’étaient pas les seuls à le mettre sur le bûcher. Ses anciens coéquipiers ont aussi été très acerbes à son égard. «Tant que cette équipe aura comme sélectionneur Aliou Cissé, elle n’ira nulle part», dégainait El hadji Diouf. «Cissé cumule les erreurs», enchaîne Henri Camara. «Il doit quitter s’il ne gagne pas la Can», dézingue Khalilou Fadiga. «Je me suis levé chaque matin en pensant à comment donner le maximum à ma Nation, à mon pays. C’est sur ça que je suis concentré. Je laisse les autres parler de mon avenir», répondait Cissé. Meneur d’hommes comme quand il fût joueur et actuellement, il n’a jamais renoncé à ses convictions. Il a tout fait pour réussir la situation en sa faveur. Car, dimanche, au stade Olembé, il a communié avec ses anciens détracteurs, Diouf, Fadiga, comme trois larrons, ils ont brandi le drapeau national et faisant le tour du stade. Comme la victoire est belle. On tait les querelles et opte pour la devise «l’Union fait la force».
Sadio Mané et Edouard Mendy les boucliers de Cissé
Son nom était le plus prononcé au début de la Coupe d’Afrique des nations. A cause des débuts poussifs de son équipe, Aliou Cissé a entendu des vertes et pas des mûres. Le sélectionneur national a été «lynché» sur les réseaux sociaux et certains inconditionnels allant même jusqu’à demander sa démission. Mais contre vents et marées, Cissé a tenu bon, il est resté focus sur son objectif.
Aujourd’hui, il a réussi à renverser la tendance et tout le monde y va avec ses félicitations après la finale gagnée contre l’Egypte (0-0, 4tab2). Le seul à l’avoir fait depuis que le Sénégal a commencé à participer aux compétitions de la Confédération africaine de football (Caf).
Au plus fort des critiques, ses joueurs n’ont jamais douté sur ses capacités à se relever. «Je crois que cet homme (Aliou Cissé) mérite tout parce qu’il est l’entraîneur le plus critiqué que j’ai jamais vu dans ma vie, mais il n’abandonne jamais», confie Sadio Mané dans Bbc. «L’entraîneur (Aliou Cissé) est un Sénégalais comme nous. Quand il parle, il sait ce qu’il dit et c’est un gros avantage pour nous. Quelqu’un qui a suivi le même chemin et le même parcours footballistique», embraye le gardien Edouard Mendy. «Il a confiance en lui, il a confiance dans le groupe. Il a des critiques à l’extérieur, mais ici même, il fait son travail», poursuit l’attaquant de Liverpool en Premier League anglaise. «Nous avons encore une étape importante à franchir et nous espérons pouvoir le faire pour le Sénégal, l’entraîneur et bien sûr nous-mêmes», renchérit le gardien de Chelsea. «Le plus important, c’est que nous aimerions gagner pour lui et pour notre pays parce qu’il le mérite après tout ce qu’il a vécu en tant que joueur pour le Sénégal et maintenant en tant qu’entraîneur. Ce sera une grande récompense pour tout ce qu’il a donné à son pays», conclut Sadio Mané
Des déclarations qui devraient réconforter Aliou Cissé qui sait qu’il peut compter sur ses joueurs, quelle que soit la situation.
Papa Lamine NDOUR