Au moment où doit se tenir à Dakar, au Sénégal, la 8e conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), les récentes critiques du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, ne passent pas du tout. Surtout, elles interviennent après la tournée africaine du secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, qui avait lui aussi ciblé les investissements chinois en Afrique lors de son passage au Kenya, au Nigeria et au Sénégal.
« Nos concurrents n’ont ni tabous ni limites »
Dans une interview au journal Le Monde, publiée le 19 novembre, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères fustigeait la politique chinoise sur le continent africain, où l’ex-puissance coloniale française est désormais dépassée par Pékin en matière d’investissements et d’import-export. « La nouveauté en Afrique, c’est qu’il commence à y avoir une déception très claire à l’égard des Chinois. Les responsables africains se sont rendu compte qu’il s’agit d’un marché de dupes », affirmait le ministre français. « Certes, ils ont pu bénéficier dans l’immédiat d’infrastructures, parfois spectaculaires, construites par des Chinois avec l’argent des Africains dans le but affiché du développement, mais, à la fin, ils mettent leur pays sous tutelle en raison de l’endettement majeur qu’ils sont obligés de contracter pour financer ces infrastructures. »
« La France devrait faire davantage de choses pour l’Afrique »
Interrogé sur ces propos, Pékin a fait part jeudi de sa surprise. « La Chine exprime sa stupéfaction quant aux propos du ministre français des Affaires étrangères, qui ne sont pas conformes à la réalité », a déclaré lors d’un point presse Zhao Lijian, porte-parole de la diplomatie chinoise.
La France « devrait juger la coopération sino-africaine de manière objective et impartiale, prêter une oreille attentive à ce que disent les Africains et faire davantage de choses positives et concrètes pour l’Afrique », a-t-il souligné.
La Chine a beaucoup investi en Afrique durant la dernière décennie, notamment dans les infrastructures et dans l’exploitation de ses matières premières. « Les entreprises chinoises ont construit et modernisé plus de 10 000 kilomètres de chemins de fer et près de 100 000 kilomètres de routes en Afrique, créant ainsi plus de 4,5 millions d’emplois », a déclaré Zhao Lijian. « Les Africains sont les mieux placés pour juger cette coopération », a-t-il ajouté, citant une étude publiée en novembre 2021 par l’institut panafricain Afrobaromètre, selon laquelle 63 % d’Africains estimaient « quelque peu » ou « très » positive l’influence chinoise dans leur pays. En vingt ans, les échanges commerciaux ont explosé, passant de 10 milliards de dollars en 2000 à plus de 200 milliards en 2019. Pékin est ainsi devenu, à son grand avantage, le premier partenaire commercial de l’Afrique. Et surtout, le premier créancier des pays africains, dont la dette explose depuis la pandémie. Il détient aujourd’hui près de 20 % de la dette africaine.
LePoint