Alors que des pays comme le Niger, le Burkina Faso, le Bénin sont dans une phase ascendante au concours Cames, l’élite universitaire sénégalaise, elle, est en décadence. Mais, la plus grande peur pour l’université sénégalaise, c’est dans les sciences juridiques et politiques où les résultats ont été des plus catastrophiques. Un haut ‘’ndëp’’ national s’impose, selon certains acteurs.
C’est une véritable douche froide pour la recherche et l’enseignement au Sénégal, particulièrement pour l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et les sciences juridiques et politiques. Au concours Cames 2021, les résultats ont été tout simplement ‘’catastrophiques’’, selon nombre de chercheurs qui n’ont pas voulu commenter à haute et intelligible voix ces contre-performances. Mais, dans les couloirs et autres salles de profs des différentes facultés, les langues ne cessent de se délier. Certains allant jusqu’à préconiser un ‘’ndëp’’ pour l’université sénégalaise, en particulier l’UCAD et la FSJP.
Au niveau des facultés des sciences juridiques et politiques, les choses sont encore plus alarmantes. Sur tous les candidats présentés, seuls deux ont été déclarés admis : 01 en Droit privé, la Rufisquoise Fatimatou Bineta Dia (UCAD) ; 01 en science politique, le professeur Maurice Soudieck Dione de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. En droit public, c’est un gros zéro pointé pour les universités sénégalaises, loin derrière des pays comme le Cameroun, le Burkina…
Pendant ce temps, dans les facultés des sciences économiques et de gestion, les choses vont un peu mieux. Sauf à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, serait-on tenté de dire. Sur les six candidats présentés, seuls deux ont réussi l’épreuve. Un en Gestion et un en Economie. Ici, c’est l’université Alioune Diop de Bambey qui a été en quelque sorte la surprise du chef. Aussi bien en Economie qu’en Gestion, ladite université publique s’est taillée la prestigieuse place de major. Avec comme cerise sur le gâteau la major de toutes les disciplines, en l’occurrence la gestionnaire Angélique Ngaha.
Mais comment en est-on arrivé là ? Lors des précédents concours, le Sénégal et l’UCAD s’enorgueillissaient plutôt d’avoir d’excellents résultats. Selon cette source, cela était surtout dû à la présentation de candidats globalement préparés dans les universités françaises, avec un certain accompagnement des institutions. ‘’Vous savez, constate-t-il, la quête de l’argent est un peu en train de déstructurer notre université. Certains de nos enseignants ne font plus de recherches ; ils ne font plus de publications ; ils courent tout le temps derrière les universités privées pour faire leur ‘xar-matt’. Voilà ce qui est en train de nous mener vers la dérive et il urge de renverser la tendance’’. Cela dit, souligne notre interlocuteur, l’Etat n’est pas non plus exempt de reproches, car, il devrait davantage créer des conditions favorables à la recherche.
‘’Nos universitaires sont submergées par le travail, notamment la correction de copies, les étudiants à encadrer… Ils ne peuvent même pas préparer correctement le concours. Ça aussi c’est un fait qu’on ne peut éluder, mais qui ne saurait expliquer cette décadence’’.
Interpellé, le secrétaire général du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur, Malick Fall, relativise et donne son analyse : ‘’Cela n’enlève en rien les compétences et les potentialités des enseignants de l’université sénégalaise. De plus, si l’on prend par exemple, la session Economie, les collègues qui ont été recalés ont fait des publications dans les meilleures revues scientifiques. Et paradoxalement, ce sont sur ces travaux publiés dans les meilleures revues qu’ils ont été jugés et sanctionnés négativement par le Cames. Ça n’enlève rien en leur mérite’’.
‘’Il faut recruter plus d’enseignants’’
Cela dit, Malick Fall plaide pour une amélioration des conditions de recherches au niveau des universités sénégalaises. ‘’Il y a un vrai problème en ce qui concerne l’environnement de recherches. C’est quelque chose à améliorer, les conditions de recherches sont aussi à améliorer, il en est de même des moyens. Par exemple, pour le ratio en termes d’encadrement, c’est très élevé et cela déteint également sur la qualité. Les gens n’ont pas assez de temps pour leurs travaux. Il faut le revoir, notamment en recrutant des enseignants’’. Car, le Sénégal est assez loin du peloton de tête des meilleures universités en Afrique et peut se rapprocher avec les réformes qu’il faut : ‘’Dans le ranking 2021, nous sommes à la 37e place sur plus de 200 universités africaines ; première en Afrique subsaharienne francophone’’, dit-il.
Plus globalement, le SG du Saes en appelle à des réformes qui vont élaguer tout subjectivisme du concours Cames. Sur l’échec des candidats issus de la faculté des sciences économiques de l’UCAD, il constate : ‘’Tous les candidats qui ont été recalés sont membres du SAES et ont des difficultés connues de tous avec le recteur Aly Mbaye, qui était le président de jury. Cela crée des doutes dans la tête de certains. D’autant plus que les travaux pour lesquels ils ont été recalés, ce sont des travaux publiés dans la meilleure revue, en l’occurrence CNRS. A sa place, je n’aurais pas présidé ce jury, compte tenu de ces difficultés avec certains candidats. Je ne dis pas que c’est le cas, mais à sa place, je n’aurais pas présidé la session’’.
Dans la même veine, Monsieur Fall fait remarquer : ‘’Il faut d’abord travailler à enlever toute subjectivité dans ces concours, faire en sorte que les gens soient convaincus que seul leur travail sera évalué ; il faut ensuite améliorer l’environnement, en mettant les collègues dans des conditions de performance. Aussi, il faut recruter plus d’enseignants pour permettre aux gens de faire les enseignements correctement, mais aussi de faire leurs recherches’’.
Le net recul de l’UCAD
Ainsi, le grand enseignement, c’est le net recul de l’UCAD titillée par les universités périphériques, qui semblent moins cotées. Globalement, en effet, l’UGB s’est assez bien comportée, de même que Ziguinchor et Bambey qui sont dans une phase ascendante, au moment où Dakar ne cesse de dégringoler. Paradoxalement, ces contre-performances surviennent à un moment où l’ancêtre des universités sénégalaises était honorée, en s’accaparant la présidence aussi bien de la session Economie que de Droit public avec les nominations de professeur Aly Mbaye (recteur) et professeur Ismaila Madior Fall. Deux professeurs titulaires qui ont contribué au rayonnement de l’Université de Dakar un peu partout en Afrique et dans le monde.
C’est dans ce contexte que Dakar est en train de connaitre ses pires résultats au sein de ce prestigieux concours. Toutefois, nos différents interlocuteurs, outre la montée en puissance des universités de Bambey, Ziguinchor…, se réjouissent de la performance des dames dont certaines ont sauvé l’honneur de Dakar et du Sénégal. Au moment où deux d’entre elles étaient les seules à réussir à la faculté des sciences juridiques et politiques : Lucienne Ndione et Fatimatou Bineta Dia, leur collègue, Mme Ba de Bambey caracolait à la tête de tout le concours. Dans le classement par pays, le Sénégal est aujourd’hui titillé par des pays comme le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Il est loin derrière un pays comme le Cameroun qui fait preuve d’une certaine constance.
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