Les militaires ont pris le pouvoir en Guinée, le dimanche 5 septembre, mettant fin au règne controversé du président Alpha Condé, capturé par les putschistes. C’est le quatrième coup d’État en Afrique de l’Ouest en un peu plus d’un an.
Il n’a fallu que quelques heures aux putschistes pour faire tomber – apparemment sans une goutte de sang – l’homme qui régnait depuis dix ans sur la Guinée. Après une matinée confuse, durant laquelle les militaires arpentaient les rues de Conakry au son de tirs d’armes automatiques, le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, a annoncé avoir capturé le président Alpha Condé.
“Nous avons décidé, après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous […], de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions; nous aussi décidé de dissoudre le gouvernement et de fermer les frontières terrestres et aériennes”, a déclaré M. Doumbouya, cité par le site Africanews.
Plus tard dans la journée, le nouvel homme fort du pays, parlant au nom du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), “a essayé de justifier son coup de force contre le président Alpha Condé dont le troisième mandat, obtenu en octobre 2020, a plongé la Guinée dans une grave crise sociopolitique et économique”,écrit le site guinéen Le Djely.
“Nous apportons un coup de main au peuple de Guinée pour qu’il puisse prendre son destin en main. Ensemble, nous allons nous concerter pour qu’on puisse aller en avant”, a déclaré M. Doumbouya, avant de promettre d’engager “une concertation nationale pour ouvrir une transition inclusive et apaisée”.
“Clap de fin”
Ce coup d’État constitue le “clap de fin pour un opposant historique devenu président dictateur”,juge Le Pays. L’image du président déchu, âgé de 83 ans, affalé sur un sofa, chemise à moitié boutonnée et entouré de militaires, a fait dimanche le tour des réseaux sociaux.
L’octogénaire “quitte le pouvoir comme il y était arrivé, à la surprise générale, et l’on craint déjà la suite des événements dans ce pays chroniquement en crise”, poursuit le quotidien burkinabé. “Car si c’est un dictateur de moins pour la Guinée, cela pourrait être aussi un problème de plus, si les nouveaux maîtres ne font pas preuve de discernement, et ne remettent pas le pouvoir à un président démocratiquement élu dans un délai raisonnable.”
The Economist estime que le putsch de dimanche est “le triste épilogue d’une présidence qui fut très prometteuse avant de rapidement se détériorer”, dans l’un des pays les plus pauvres du monde, malgré la richesse de ses ressources naturelles.
“L’étoile du président guinéen Alpha Condé, opposant historique aux régimes militaires successifs en Guinée et finalement élu en 2010, s’était ternie ces dernières années”,renchérit Le Temps.“En 2020, il avait fait changer la Constitution pour se présenter une troisième fois. Malgré les manifestations durement réprimées, se soldant par des dizaines de morts, il a été réélu en octobre 2020. Mais le pays n’était pas sorti de la crise politique. Une situation délétère qui a fait le lit des putschistes.”
Scènes de liesse
À en croire les images et les commentaires de la presse locale, la chute d’Alpha Condé a été bien accueillie dans le pays. Guinée Matin décrit des “manifestations de joie à Conakry” et les militaires du CNRD accueillis par des scènes de liesse, “applaudis par les citoyens”, alors que “les parents des prisonniers politiques rêvent de revoir les leurs libérés et le pays reprendre la voie de la démocratie”.
La communauté internationale était nettement moins enthousiaste. Média Guinée rapporte que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a condamné “la tentative de coup d’État”, et “exigé le respect de l’intégrité physique du président Alpha Condé et sa libération immédiate”.
L’Union africaine (UA) a condamné pour sa part “toute prise de pouvoir par la force”, tandis que la France a appelé à “la libération immédiate et sans condition du président Condé”.
Dans son analyse, la BBC observe que ce coup d’État “est une preuve supplémentaire de la dégradation progressive des valeurs démocratiques dans la région. C’est la quatrième tentative de coup d’État en peu plus d’un an”, après les deux coups de force au Mali et la tentative avortée au Niger en août 2020.
CourrierInternational