Désormais âgé de 30 ans, l’ancien modèle estime n’avoir jamais été correctement rémunéré pour la photographie iconique. Son avocat évoque un cliché de nature «pédopornographique».
Trente années ont passé, mais son éternelle quête du dollar vert n’a jamais quitté le devant des bacs. Spencer Elden, l’ancien modèle représenté, du haut de ses quatre mois, au frontispice de l’album Nevermind , le plus grand succès de Nirvana, a engagé une procédure judiciaire à l’encontre des anciens membres du groupe de rock. Le motif de discorde ? La pochette d’album en question serait «de la pédopornographie commerciale» et son exploitation n’aurait jamais fait l’objet d’un contrat en bonne et due forme, a expliqué l’avocat de Spencer Elden. Celui-ci réclame «au moins 150.000 dollars» par accusés, dont font notamment partie les deux membres survivants du groupe – Dave Grohl et Krist Novoselic – ainsi que le photographe Kirk Weddle.
«Ni Spencer ni ses tuteurs légaux n’ont jamais signé la moindre décharge autorisant l’utilisation des images de Spencer ou de son effigie, et encore moins de matériel pédopornographique», affirme la plainte déposée en Californie. Si, d’après la loi américaine, les photographies non sexualisées d’enfants nus ne tombent pas, en règle générale, sous le coup de la pédopornographie, l’avocat de Spencer Elden avance précisément que le cliché immortalisé en 1991 par Kirk Weddle relève d’une nature explicite en raison de la présence, sur la photo, du sexe nu du bébé.
Consultée par Variety, la plainte dénonce également la volonté – prêtée au photographe – de susciter «une réaction sexuelle viscérale auprès du public» et de mettre en scène Spencer Elden «comme un travailleur du sexe», en raison de la présence du billet. Pour son avocat, l’image s’inscrit, enfin, dans une longue tradition de pochettes d’album provocatrices et de nature sexuelle censées émoustiller et achalander les acheteurs potentiels, à l’instar du Virgin Killer des Scorpions, de l’unique album des Blind Faith ou encore du Balance de Van Halen.
Une amertume du modèle
Propulsé par des tubes tels que Smells Like Teen Spirit ou Come As You Are, Nevermind et sa pochette bleu est considéré comme l’un des albums les plus iconiques du début des années 1990. La pochette, reconnaissable entre mille, est considéré depuis la sortie de l’album comme une critique du capitalisme et du culte de l’argent. Le photographe Kirk Weddle avait aussi organisé une session de prises de vues sous-marines avec l’ensemble du groupe, dont le chanteur et guitariste Kurt Cobain, mort prématurément en 1994. L’idée de séances photos subaquatiques était, elle, à mettre sur le compte du directeur artistique Robert Fisher, qui est aussi mis en accusation. Rémunérés 200 dollars, les parents du bébé n’auraient découvert la popularité de leur bambin que plusieurs mois après, lors de la sortie de l’album avec, pour toute rémunération additionnelle, une copie de Nevermind et un ours en peluche adressé au jeune Spencer Elden.
Pour célébrer le 25e anniversaire du disque, en 2016, le jeune adulte qui se dit fan de Nirvana – tatouage à l’appui -, avait recréé dans une piscine la fameuse image pour laquelle il avait posé à son insu, un quart de siècle plus tôt. Malgré cela, Spencer Elden a gardé un sentiment contrasté de sa petite célébrité. Il y a cinq ans, déjà il esquissait dans un entretien au Time, une forme d’amertume vis-à-vis de la photographie. «Difficile de ne pas s’énerver quand on entend parler des sommes d’argent en jeu…, avait-il alors mentionné. J’ai l’impression qu’on m’a nié une partie de mes droits humains, quand je me rends à un match de baseball et que je me dis: “Mec, tout le monde à ce match de baseball a probablement vu mon micropénis de bébé”». Le manque de reconnaissance des membres encore vivants du groupe lui a aussi fait de la peine.«Je n’ai rencontré personne. Je n’ai pas reçu le moindre appel ou e-mail, a-t-il regretté. C’est assez difficile. Vous avez l’impression d’être célèbre pour rien.»
LeFigaro