Souvent réticents au pouvoir en place, les primo-votants restent une arme. Avec la révision exceptionnelle des listes électorales, leurs inscriptions sur les listes va être un combat pour l’opposition en perspective des prochaines joutes électorales. Ils auront juste 45 jours pour obtenir la carte d’identité et ensuite aller s’inscrire sur les listes électorales.
Par décret n°2021-562 du 10 mai 2021, le président de la République a lancé la révision exceptionnelle des listes électorales. Selon le document officiel rendu public avant-hier, ces opérations se dérouleront du samedi 31 juillet 2021 au mardi 14 septembre 2021 sur l’ensemble du territoire national. L’ouverture de la révision exceptionnelle des listes électorales se déroule pendant une période où les Sénégalais sont confrontés à une situation de crise sanitaire. C’est également une période où certains primo-votants sont encore à l’école. En outre, ils devront faire le parcours du combattant pour accomplir leur devoir citoyen. En effet, ceux qui n’ont pas encore atteint l’âge de voter devront d’abord, se rendre au niveau des commissariats de police pour obtenir la carte d’identité. Et cela risque de prendre au bas mot un mois. Une fois la carte d’identité en main, ils devront ensuite aller au niveau des commissions d’inscription pour figurer sur le fichier électoral. Et ils ont juste quarante cinq jours pour le faire. Car depuis la disparition des centres d’enrôlement, il est mentionné au recto de la carte d’identité : cette personne n’est pas inscrite sur le fichier électoral. Pire, ces jeunes ne pourront même pas s’inscrire sur les listes avec leur récépissé de carte d’identité. Car d’après le décret présidentiel, l’inscription sur les listes électorales n’est possible qu’avec la carte d’identité. L’article 3 stipule : «L’inscription des nouveaux électeurs : les requérants doivent avoir 18 ans révolu au moins à la date du dimanche 23 janvier 2022. Cette inscription est faite sur présentation exclusive de la carte d’identité biométrique Cedeao».
Le rapport d’audit du fichier électoral, dont les conclusions ont été rendues en mai dernier, révèle que près de la moitié des jeunes de 18-25 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Pour le journaliste, El Hassane Sall, cette période n’est pas propice pour une inscription massive des primo-votants. «Ils préfèreront aller s’amuser que d’aller suivre un rang pour se faire enrôler au niveau des listes électorales. Or, tout le monde sait que cette catégorie de jeunes vote généralement pour le changement», souligne-t-il. Pour lui, «ce serait à l’avantage du pouvoir si ces jeunes primo-votants ne s’inscrivent pas». L’analyste politique, pour étayer ses propos, jette un regard dans le rétroviseur, soutenant que ce sont ces jeunes qui ont fait tomber les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
La balle dans le camp de l’opposition
Pour El Hassane Sall, tout dépendra de la campagne de sensibilisation que mènera l’opposition. Si elle fait une bonne campagne de sensibilisation et qu’elle parvienne à faire comprendre aux jeunes l’importance de leur inscription, il est certain qu’ils se rueront vers les centres d’inscription, croit-il. Le journaliste confie que le pouvoir connait bien l’importance de ces primo-votants. C’est pourquoi, lors des dernières élections, «il a privé plus d’un million de jeunes de s’inscrire». Poursuivant son propos, l’analyste note que l’opposition n’a pas d’autre solution si elle veut faire la différence lors des prochaines joutes électorales. «Le président Macky Sall a montré qu’il a tous les pouvoirs entre ses mains. Il ne restera que les cartes d’électeurs à travers une inscription massive de ces primo-votants», estime-t-il, assurant qu’il sera «impossible» pour un pouvoir d’arriver à manipuler des résultats avec un «très grand écart de voix». A son avis, la messe aurait été déjà dite pour le régime en place lors de la dernière élection présidentielle si tous ces jeunes laissés sur le carreau avaient pu s’inscrire et voter.
S’inscrivant dans la même dynamique, Aly Ndiaye, spécialiste communication et fin observateur de la scène politique souligne que «c’est le pouvoir qui aura plus à gagner si les primo-votants ne s’inscrivent pas». A son avis, tous les «renversements» de régimes sont le plus souvent précipités par cette catégorie «avide de changements». Ces deux observateurs sont d’avis qu’il est du ressort exclusif de l’opposition de se donner tous les moyens pour faire adhérer les jeunes à cette cause. Sans quoi, elle fait l’affaire du pouvoir qui va se reposer sur son ancien fichier pour remporter les prochaines échéances électorales.
Thialice SENGHOR& Charles G.DIENE