Chronique de WATHIE
Pour expliquer les violentes manifestations du mois de mars dernier, le ministre, qui ne « répond pas au coup de pied de l’âne », avait parlé de saison de lutte fermée et de lutteurs fatigués d’être trop longtemps confinés. Macky SALL, qui menace de « reconfiner » les Sénégalais, devrait faire de ces divagations une vérité. Et, en rajouter que ce ne seraient pas uniquement les lutteurs manifestants imaginés par son garde des seaux qui descendraient dans la rue, mais des citoyens déterminés à ne pas mourir de faim.
«Je voudrais dire très clairement que si les mesures ne sont pas respectées et que cette contamination doit évoluer, je prendrais toutes les mesures que nécessitera la situation, y compris s’il faut retourner à un état d’urgence, s’il faut refermer les frontières, s’il faut interdire les déplacements». On se croirait rêver en entendant le leader de l’APR débiter de telles menaces. Ainsi, pour le chef de l’Etat, qui occulte totalement sa responsabilité, ce sont les Sénégalais qui devraient payer les pots que lui et ses partisans ont cassés. Car, si le virus a repris du poil de la bête, ce sont les tenants du pouvoir qui l’ont dopé, à travers diverses manifestations.
Déjà, en décidant de la levée de toutes les restrictions au mois de mars dernier suite à des manifestations, Macky SALL a décrété, en même temps, aux yeux de nombre de Sénégalais, la fin de l’épidémie. « De la même manière que nous ne pouvons pas laisser au virus nos vies et notre santé, nous ne pouvons, non plus, lui laisser la vie et la santé de notre économie », avait-il notamment déclaré. Et comme pour montrer que la page du coronavirus au Sénégal était tournée, leader de l’APR avait annoncé, quelques jours plus tard, qu’il allait démarrer une tournée économique à l’intérieur du pays. Entretemps, un sédatif est passé entre les mains de Gaston MBENGUE qui l’a aussitôt injecté aux jeunes qui, le temps d’une semaine, n’en avaient que pour le combat Lac 2- Eumeu SENE. Ce face-à-face, suivi par l’annonce de la date de la tenue des élections locales, était la manifestation que les « apéristes », qui s’étaient terrés durant les manifestations, attendaient pour tenir un peu partout des meetings politiques devant préparer la descente sur le terrain de Macky SALL lui-même. Avant que ce dernier n’arrive à Podor, par exemple, Malick SALL y avait déjà tenu un meeting au cours duquel il taxait Ousmane SONKO de « tueur de femmes ».
Ainsi, après avoir fait le tour du Sénégal, déplaçant des milliers de militants occasionnels embarqués dans des bus notamment, le leader de l’APR revient s’étonner de la nouvelle montée en puissance du virus. Maintenant qu’il croit avoir suffisamment d’eau en réserve, il recommande la fermeture des robinets. S’il n’y a plus que Macky SALL pour faire respecter les mesures barrières, la maladie risque de faire beaucoup de dégâts. Sa crédibilité et sa légitimité largement entamées, sa parole ne vaut plus un kopeck. Celle des personnels médicaux risque de finir dans le même état de délabrement avancé. Car, si la courbe des contaminations obéit à des instructions, s’élevant ou descendant selon celles-ci, c’est avant tout de la responsabilité des blouses blanches.
Seulement, depuis le début de la pandémie, Macky SALL a confiné les spécialistes dans le rôle de simples soignants en installant les gouverneurs à la tête des Comités régionaux de gestion de l’épidémie en lieu et place des médecins-chefs de région. En outre, depuis le premier cas enregistré au Sénégal, jusqu’à maintenant, un responsable du ministère de la Santé vient répéter : «le ministère de la Santé et de l’Action sociale a reçu les résultats des examens virologiques ci-après… » . Des résultats reçus de l’Institut Pasteur qui a dernièrement acquis un financement de 300 000 euros (près de 200 millions de F CFA) de… l’Agence française de développement (AFD).
Ces nombreuses questions en suspens suscitant de légitimes suspicions ajoutées à la situation économique catastrophique font que beaucoup de Sénégalais n’écoutent même plus Macky SALL quand il s’agit de corona et sont prêts à en découdre pour assurer une subsistance que l’Etat ne leur garantit pas.