Le jour est historique, le chiffre, mythique, la symbolique, forte. Le 23 juin 2011 fera date dans l’histoire de la démocratie sénégalaise. Il marque un refus du saut dans l’inconnu et restaure une certaine idée de la République.
Le 23 juin 2011, c’est le peuple seul qui décide de prendre son destin en main. La classe politique, toutes sensibilités confondues, serait coupable du délit d’usurpation s’il lui venait à l’idée que c’est elle qui a suscité, organisé et encadré ce mouvement parti de nulle part. D’ailleurs, toutes les tentatives de les dupliquer ont été jusqu’ici vouées à l’échec. Nul ne pouvait rééditer le coup, si ce n’est le peuple, lui-même, seul dépositaire du brevet d’invention. Et c’est ce qui en fait le charme : ce caractère non copiable, non transposable propre à la spontanéité. Une spontanéité qui a surpris tout le monde. Services de renseignement et de sécurité, décideurs et politiques, tous ont été pris de court par le phénomène.
Ce 23 juin 2011 où tout a failli basculer, des Sénégalaises et Sénégalais ont dit non au recul de la démocratie. Une démocratie acquise au prix de renoncements, de souffrances, de sacrifices et de privations. 1960, 1968, 1988, 1993, 2000 renvoient, chacune en ce qui la concerne spécifiquement, à une bataille pour une cause, à une conquête de quelque chose. Et c’est jalousement que ces «choses» sont conservées quelque part dans la mémoire collective.
Le 23 juin 2011, ce jour où on a frôlé le chaos, marque d’une écriture indélébile une avancée dans les aspirations démocratiques. Pacifiquement, le peuple a manifesté son rejet du ticket présidentiel qui allait instaurer, pour de bon, la succession dynastique au pouvoir. Jadis vitrine de la démocratie en Afrique, que même certains pays européens enviaient, notre pays était à deux doigts de basculer dans les ténèbres, devenant la risée du monde civilisé. Ce, par la faute de politiques qui, enfermés dans leur tour d’ivoire, devancés par leur peuple, atteints de la berlue, se croyaient investis du pouvoir divin de tout régenter, tout tripatouiller, tout décider, y compris la manière dont les «sujets» doivent choisir leurs «rois». C’est donc à tout cela que le peuple a voulu dire non. Rappelant, au passage, qu’il est le seul souverain. Les dirigeants de passage n’étant que des délégataires de service public qui, entre deux élections, sont investis du très relatif et très limité pouvoir de décider en son nom et pour son compte.
S’il symbolise la sanction d’une certaine manière de gouverner, bonne pour les poubelles de l’Histoire, le 23 juin 2011 constitue, également, un avertissement sans frais pour les dirigeants actuels et futurs. Il prévient contre une certaine arrogance et met les barrières contre une manière d’user et d’abuser de ce qui appartient à tous : gouvernance politique et des ressources naturelles, biens publics, etc. En ce sens, l’esprit du 23 juin devrait rappeler aux uns et aux autres que la question du mandat des élus, entre autres, relève, non pas de doctes interprétations de la Constitution, par le juge, mais d’une exégèse de bon sens dont l’autre disait que c’est la chose la mieux partagée. Que vive la flamme du 23 juin !
Ibrahima ANNE