Le président Macky Sall et son ancien Premier ministre, Aminata Touré, se sont, encore, retrouvés comme pour prouver qu’ils transcendent leur compagnonnage politique, pas toujours linéaire.
Le président Macky Sall et son ancienne envoyée spéciale ont pris langue avant-hier pendant plus de deux tours d’horloge. Pour parler non seulement de la marche du pays, mais aussi arrondir les angles. La tension entre les deux hauts responsables de l’Alliance pour la République (Apr) s’est encore exacerbée quand le premier a dégommé le second de la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese) au profit du chef de file de Rewmi, Idrissa Seck. Un nom qui ne sonne pas bien pour son prédécesseur à la tête de ladite institution. Le président Macky Sall et son ancien Premier ministre n’en sont pas à leur «première séparation». Lorsqu’elle fait ses adieux au Conseil économique, social et environnemental, le 6 novembre 2020, Aminata Touré avait, soigneusement, évité de prononcer le nom de Macky Sall qui l’avait débarquée sans ménagement au profit d’Idrissa Seck.
Quand elle a été débarquée de son poste de Premier ministre, après dix mois de service, Aminata Touré avait pris ses distances pendant une longue période avant de revenir au premier rang avec le titre d’envoyée spéciale du président de la République. Sa dernière défénestration liée, selon certaines indiscrétions, à sa volonté de travailler autour de sa candidature à la présidentielle de 2024, et ses mouvements avaient laissé entrevoir une séparation définitive. Mais, les deux responsables sont visiblement faits pour le «meilleur et le pire».
Ces retrouvailles vont sceller à nouveau les vieilles relations qui unissaient déjà Macky Sall et Aminata Touré sur une trajectoire pas toujours linéaire. «Parfois, c’est le grand amour. Et parfois, il y a de l’eau dans le gaz», soufflait un intime du chef de l’État. La source qui s’est confiée à Jeuneafrique ajoutait que dans leur jeunesse, au cours des années 1980, tous deux découvraient la politique sous le même prisme, celui des mouvements de gauche sénégalais, qui luttaient contre le régime de Léopold Sédar Senghor puis contre celui d’Abdou Diouf. Macky Sall fait ses armes dans les mouvements maoïstes, quand elle rejoint les trotskystes.
A l’approche d’élections locales et territoriales plus qu’improbables qui seront suivies de législatives et d’une présidentielle aux contours encore incertains, le président Macky Sall n’a aucun choix à faire. Il doit rassembler tous ses amis «perdus» en cours de chemin ou en voie de l’être, notamment Aminata Touré qui commençait à prendre son «indépendance». En effet, l’ancien Premier ministre commençait à prendre ses aises en s’attaquant même aux sujets interdits au sein de la majorité présidentielle et dont certains ont fait les frais. C’est le cas du troisième mandat. «Macky Sall a assuré à plusieurs reprises qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Je n’ai fait que le rappeler. Les dispositions adoptées en 2016 sont d’ailleurs claires sur ce point il suffit de relire l’article 27 de la Constitution : nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs», avait-elle dit au cours d’une conférence virtuelle organisée par le NDI. Elle n’avait même plus caché ses ambitions en tant que responsable politique, estimant que «l’ambition n’est pas un délit». «Dans un système concurrentiel, on ne reste pas assis à regarder passer les trains. Un politicien sans ambition, c’est un politicien qui ne vous dit pas la vérité (…) Elle est le signe qu’on souhaite passer à une étape ultérieure pour être encore plus utile au pays», avait-elle ajouté. Dans un entretien qu’elle avait accordé au magazine panafricain, Jeuneafrique, elle ne s’en cachait pas. «En ce qui me concerne, ce n’est pas la fin de l’histoire», avait-elle dit, promettant d’en parler au moment opportun.
Thialice SENGHOR