Le projet du gouvernement de Macky Sall sur la régulation des réseaux sociaux n’agrée pas certaines organisations de la Société civile et des Droits humains. Dans un communiqué conjoint rendu public, ces défenseurs des droits humains préviennent contre toute ingérence.
La gestion des réseaux sociaux se pose avec acuité dans un contexte où la liberté d’expression est de plus en plus menacée en Afrique, regrettent les Organisations de la société civile et des droits humains. Lesquelles notent que le Sénégal n’est pas en marge concernant ce débat. En effet, rappellent ces défenseurs des droits humains, lors du conseil des ministres du 03 février 2021, le président de la République Macky Sall a instruit le gouvernement de mettre en place un «dispositif de régulation et d’encadrement spécifique aux réseaux sociaux. Et, l’a réitéré le 1er mai dans son discours lors de la cérémonie de remise des cahiers de doléances». Une insistance qui sème le doute dans la tête des Organisations de la société civile et des droits humains qui, se disant attachées à la liberté d’expression, expriment leur préoccupation par rapport à ce projet. Car, pour elles, si ce projet est mis en œuvre, il s’agirait «d’une violation des principes de la liberté d’expression consacrée par la Constitution du Sénégal et les normes internationales auxquelles le Sénégal a souscrit», estiment Article19 Sénégal/Afrique de l’Ouest, Citoyens Numériques, Jonction, l’Organisation des volontaires d’Afrique (Ova), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho) et l’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (Appel). Le Sénégal dispose déjà, précisent ces organisations, d’un arsenal juridique riche relatif à la liberté d’expression. Mais aussi d’autres lois comme celles sur la cybercriminalité, la cryptologie, la protection de la réputation, les transactions électroniques et la protection des données à caractère personnel. Elles signalent, par ailleurs, que l’article 4 de la Déclaration des droits sur l’Internet prévoit que : «Toute personne a droit à ce que les données qu’elle transmet et reçoit sur Internet ne subissent aucune discrimination, restriction ou interférence en ce qui concerne l’expéditeur, le destinataire, le type ou le contenu des données, le dispositif utilisé, les applications ou, en général, les choix légitimes des personnes. Le droit d’accès neutre à Internet dans sa totalité est la condition nécessaire pour que les droits fondamentaux de la personne aient un caractère effectif».
Ainsi, pour ces organisations, malgré cette richesse juridique, l’environnement dans lequel les médias opèrent reste difficile au Sénégal. Sur ce, elles pensent qu’il n’est pas opportun de réguler les réseaux sociaux. Car, certains Etats, en voulant réglementer les réseaux sociaux, se sont souvent concentrés sur le contenu et l’approche législative aboutit facilement à des concepts juridiques vagues qui peuvent se traduire par des «abus ou s’accompagner de sanctions disproportionnées, qui encouragent une censure excessive et ne protègent pas la liberté d’expression». Pis, font remarquer la Raddho et Cie au-delà de cet environnement déjà difficile, la régulation des réseaux sociaux «ne répond pas aux standards régionaux et internationaux portant sur la liberté d’expression». Et l’article 38 intitulé la non-ingérence, de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique dispose que «les Etats ne portent pas atteinte au droit des individus de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations par le biais de tout moyen de communication et des technologies numériques». Ces organisations recommandent au gouvernement du Sénégal de limiter «son ingérence dans la Gouvernance des médias sociaux et réformer les dispositions liberticides du code pénal et de la presse ainsi que la politique actuelle de régulation des médias». Mais aussi de promouvoir des mécanismes inclusifs et participatifs d’autorégulation et l’éducation des citoyens à la communication numérique pour améliorer la modération du contenu, garantir la liberté d’expression et le droit à l’information en ligne, entre autres.
Samba BARRY