Un « poisson d’avril » qui sème la pagaille. La diffusion sur M6, vendredi dernier, d’un reportage sur des dîners clandestins à Paris a enflammé les réseaux sociaux et entraîné l’ouverture d’une enquête judiciaire.
Dans un extrait, l’un des organisateurs, Pierre-Jean Chalençon, a affirmé avoir croisé « des ministres » à ces agapes, censés être interdites en raison des mesures en vigueur afin de lutter contre le coronavirus. Après le tollé, le collectionneur passionné de Napoléon est revenu sur ses propos, en évoquant « l’humour ».
Mais la polémique s’est poursuivie ces derniers jours, malgré le démenti de plusieurs membres du gouvernement, qui ont dénoncé une simple « rumeur ». En pleine gestion de la crise sanitaire, cette controverse très médiatique continue d’embarrasser l’exécutif.
Emmanuel Macron fustige « la société de la délation »
Ce jeudi, Gabriel Attal a indiqué qu’Emmanuel Macron avait lui-même évoqué le sujet au Conseil des ministres. « Le président de la République a rappelé qu’en cette période, les Français attendent de l’exemplarité de tous ceux qui ont des responsabilités. » Le chef de l’Etat a « rappelé sa confiance et son exigence vis-à-vis des membres du gouvernement », et marqué son « attachement à ne pas rentrer dans une société de la délation et de la calomnie permanente », a rapporté le porte-parole du gouvernement. « Nous n’avons aucune information sur la participation de membres du gouvernement à ce type de soirées », a conclu Gabriel Attal.
Ces derniers jours, plusieurs ministres ont fait part de leur scepticisme sur la possibilité qu’un ou une de leur collègue se soit assise à la table de Pierre-Jean Chalençon. « Cette affaire, je l’ai découverte en même temps que tout le monde. Je n’ai jamais entendu parler de ministres qui seraient allés dans ces restaurants clandestins. Si jamais c’était le cas, c’est évidemment scandaleux et ça devrait être suivi de faits », a ainsi réagi la ministre de l’Ecologie Barbara Pompili, lors d’un entretien à 20 Minutes.
« Cette polémique est révélatrice d’un climat délétère »
Gérald Darmanin s’est interrogé mardi sur une « rumeur [qui] sape les fondements de la démocratie », appelant sur Europe 1 à « vraiment réfléchir à cette idée que c’est le soupçon qui permet de condamner des gens, et non pas la vérité. » Et le ministre de l’Intérieur de condamner « l’affolement » des réseaux sociaux malgré les démentis.
« Cette polémique est révélatrice d’un climat délétère, du doute permanent qui existe dans l’opinion publique, et révèle la défiance, certes pas nouvelle, à l’égard des dirigeants et des politiques », complète un conseiller de l’exécutif. « Certains espèrent une nouvelle affaire, mais clairement, on n’y est pas », soupire-t-on au sein d’un autre ministère. « Tout ça traduit beaucoup d’exaspération, c’est la manifestation d’une grande frustration de la crise actuelle et des mesures de restrictions. On n’ignore pas non plus le côté politique de ceux qui agitent ce sujet sur les réseaux sociaux. Que cette information soit vraie ou non leur importe peu, tant que le soupçon est jeté ».
Des investigations en cours
Reste que le gouvernement n’en a peut-être pas fini avec la « rumeur ». Mardi, la société des journalistes des JT de M6 a assuré dans un communiqué que « d’autres sources » avaient « confirmé en off la présence d’au moins un membre du gouvernement à un de ces dîners », indiquant que la rédaction poursuivait ses investigations. Mercredi soir, sur le plateau de Cyril Hanouna, un homme présenté comme l’un des « serveurs » de « la soirée du 1er avril de Pierre-Jean Chalençon au Palais Vivienne », a assuré, sous couvert d’anonymat, qu’un « homme politique avec des cheveux gris », était bien présent.
De quoi relancer la rumeur sur les réseaux sociaux, et obliger le ministre délégué au commerce extérieur Franck Riester, cible des internautes, à réagir sur Twitter : « Je vois mon nom associé ici et là à la polémique qui entoure la tenue de dîners clandestins. Ces rumeurs sont totalement fausses et choquantes. Je les démens formellement. »
Du côté de Matignon, on se refuse à commenter ces événements. Mais on assure que si la présence d’un ministre était avérée à l’un de ces dîners interdits, il n’aurait plus sa place au sein du gouvernement.
20minutes