Décidément l’AstraZeneca n’a plus la côte chez les usagers. Ce, depuis que des pays ont suspendu son usage après avoir découvert des caillots sanguins chez des personnes vaccinées. Selon Pr Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses et tropicales, «les gens ont plus peur de ce vaccin que de la Covid».
Les autorités en charge de la Santé doivent chercher des arguments solides pour convaincre les populations à accepter de se faire vacciner avec l’AstraZeneca contre la pandémie de la Covid-19. En effet, avec la suspension de ce vaccin par plusieurs pays, par mesure de précaution, en raison de cas de thromboses détectés chez des personnes vaccinées, des Sénégalais fuient ce vaccin comme la peste. Selon Pr Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses et tropicales (Smit), les Sénégalais craignent plus l’AstraZeneca que la Covid, elle-même. «Chaque jour, des gens m’appellent pour me dire que, s’il ne reste que l’AstraZeneca, ils ne vont pas se faire vacciner. Parce qu’ils ont plus peur de ce vaccin que de la Covid-19», déclare Pr Seydi. Ce dernier intervenait, hier, en marge d’un webinaire dont le thème portait sur «la campagne de vaccination au Sénégal : Quelles stratégies d’approche pour l’adhésion des populations». «Je leur demande d’aller se faire vacciner. De toute façon, la vérité jaillira. Bientôt, les gens vont comprendre pourquoi nous avons pris cette position», lance l’infectiologue à l’endroit des populations réticentes.
Pour le spécialiste, la décision de la France de suspendre l’utilisation du vaccin AstraZeneca n’est pas basée sur une étude scientifique. Mais il la comprend. Parce que, selon la dernière enquête, seulement 20 % des Français ont confiance au vaccin. Donc c’est normal, pour lui, que la France suspende la vaccination avec l’AstraZeneca. Pr Seydi affirme que si l’on prend deux doses du vaccin AstraZeneca espacées de trois mois, selon une étude, l’efficacité est de 80 % et le vaccin Sinopharm 70 %. Et les chiffres varient selon le pays et l’échantillon. Mais, tous les deux protègent contre les cas sévères. «Si je prends le cas de notre service des maladies infectieuses, nous avons en permanence 22 patients qui sont sous oxygène. Aujourd’hui, pour gagner la guerre, on ne doit pas se focaliser sur le traitement mais plutôt sur la prévention. Et cela passe par la vaccination. Car, elle est bien tolérée et efficace. Et pourquoi doit-on se faire vacciner ? C’est pour sauver les personnes vulnérables. Parce que le virus peut passer sur un individu pour atteindre quelqu’un qui est vulnérable», poursuit Pr Moussa Seydi. Pour ce dernier, si les populations acceptent de se faire vacciner, elles réduisent les risques de contracter les nouveaux variants de la Covid-19. Mieux, si nous voulons reprendre notre vie normale, il va falloir accepter de se faire piquer. Il soutient que ceux qui refusent de se faire vacciner, avec le temps, s’ils ne le font pas, ils ne pourront plus voyager dans d’autres pays.
Il rappelle que les troubles de la coagulation sont plus répandues dans la population générale que chez les personnes vaccinées. Et il arrive qu’on vaccine quelqu’un à un moment où il devait faire une crise cardiaque ou asthme etc. C’est ce qui justifie parfois ces malaises. Mais, de son avis, s’il n’y a pas un indice sérieux, suspendre la vaccination par précaution comme certains pays l’ont fait, c’est rater 5 millions à 10 millions de doses. Et il y aura des personnes infectées qui vont mourir. Donc, conseille-t-il, la précaution c’est que, si on n’a pas des éléments vérifiables, on continue la vaccination. «Il faut qu’on fasse en sorte que la population ait confiance en la vaccination», conclut Pr Seydi.
«Les soignants que nous sommes doivent être des sources privilégiées d’informations sur les vaccins. Nous jouons un rôle important dans la confiance ou la défiance à l’égard des vaccins des personnes qui nous consultent. Il est illusoire de miser sur une adhésion complète de tout le public. Mieux vaut en tenir compte, chercher à rétablir la confiance en renforçant le socle de connaissance et étudier les blocages et les moyens de les lever. L’absence de confiance dans le vaccin est la raison des refus du vaccin. Ce qui doit nous inspirer pour une meilleure communication», dira pour sa part Dr Boubacar Signaté, médecin urgentiste. Immunologue et vaccinologue, Pr Tandakha Ndiaye pense que le vaccin est important parce qu’il donne une immunité collective. Et la cible, c’est au moins 75 %.
Samba BARRY