Spécialiste de l’histoire du mandingue, l’historien Djibril Tamsir Niane s’est éteint, hier, à l’âge de 89 ans des suites de la Covid-19. Il laisse orphelines les traditions orales africaines.
L’encrier s’est renversé. II ne se déversera plus sur des pages blanches pour conter les traditions orales, l’histoire de l’empire du Mali ou encore celle du Moyen-Age de l’Afrique. Né le 9 janvier 1932 à Conakry d’une mère guinéenne enseignante en histoire et d’un père sénégalais, officier, Djibril Tamsir Niane est un spécialiste de l’histoire de l’Afrique, diplômé de l’université de Bordeaux en 1959. Le parchemin en poche, il enseigne à l’institut polytechnique en Guinée avant de rejoindre l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), à Dakar. Les Recherches sur l’empire du Mali au Moyen âge (1959), suivi par L’histoire de l’Afrique occidentale (1961) co-écrit avec Jean Suret-Canale furent ses tous premiers livres. Soundjata ou l’épopée mandingue (1960) qui relate la vie et l’époque de l’illustre dynastie qui fonda l’empire du Mali au XIIIe siècle fait également partie des chefs d’œuvre de l’historien. Il a participé à l’écriture de L’histoire générale de l’Afrique sous l’égide de l’Unesco en 1970. Contes d’hier et d’aujourd’hui (1985) fait également partie de la bibliographie de ce panafricain qui a dû souvent payer un lourd tribut du fait de son engagement. Feu Djibril Tamsir Niane a, en effet, été emprisonné sous le régime de Sékou Touré, en 1961, puis contraint à l’exil au Sénégal. Une tache sombre dans sa vie presque dédiée à la littérature. Côté affectif, la disparition de sa fille Katoucha Niane – une des premières mannequins noires internationales retrouvée morte dans la Seine en 2008 – a également marqué au fer rouge l’historien. En 2009, juste quelques mois après ce décès, l’historien Djibril Tamsir Niane, alors invité de la rédaction de l’Agence de presse sénégalaise (Aps) faisait étaler toute son amertume quant à la perte de sa fille. Et à la place des mots, il avait laissé perler toute sa tristesse, les yeux embués de larmes. Malgré tout, l’historien se relève pour le bonheur des férus de l’histoire. Et le statut de professeur honorifique de l’université Howard à Washington et de l’université de Tokyo sonne aujourd’hui comme une ultime reconnaissance pour cet écrivain amoureux des beaux mots et à la plume alerte. «A ma génération d’étudiants africains du département d’histoire de l’université de Dakar, au début des années 1970, il a, en compagnie de Sekene Mody Cissokho, Liliane Kesteloot, entre autres appris à intégrer les traditions orales et l’épopée dans l’écriture de l’histoire de notre continent et de ses sociétés», témoigne le professeur Mbaye Thiam, enseignant en histoire et archivistique à l’université de Dakar. Un témoignage en or qui prouve que Djibril Tamsir Niane n’est plus tandis que l’historien lui est un immortel.
Ndèye Maguette SEYE