« Coronavirus ». Depuis le début de l’année 2020, le mot est partout. Sur tous les écrans, sur les plateaux de télévisions, dans les journaux, les discours autour de l’épidémie sont omniprésents. Le virus a pris une grande place dans nos vies, en particulier dans les médias.
Mais est-ce trop ? Selon le baromètre annuel Kantar pour le quotidien La Croix, réalisé du 7 au 11 janvier, 74% des Français jugent que les médias ont trop parlé de la Covid-19. Pourtant, en cette période particulière, leur intérêt pour l’actualité a rebondi de 8 points (à 67%), et les sujets sur le coronavirus ont suscité encore plus d’intérêt que les autres.
« Ce sont aujourd’hui les sujets qui marchent le mieux », soutient Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de France Info, auprès de l’AFP. Une tendance constatée aussi chez RTL.fr. Rien que sur la semaine écoulée, du 21 au 26 janvier, on compte tous les jours au moins un sujet sur le coronavirus dans le top 3 des articles les plus consultés. Partagés entre l’envie de s’informer sur le sujet et le sentiment qu’on les informe trop, les Français seraient-ils devenus schizophrènes ?
Une information « trop anxiogène » ?
Pas vraiment. D’abord, on pourrait arguer que si les Français s’informent en masse sur le coronavirus, c’est parce que le virus est omniprésent, quel que soit le sujet abordé. De l’économie au théâtre en passant par la gastronomie, « on retombe toujours sur le Covid », souligne Adeline François, co-présentatrice de la matinale de BFMTV, auprès de l’AFP.
Selon Arnaud Mercier, politologue spécialiste des médias et professeur de communication à l’Institut français de presse et à l’Université Paris II-Panthéon-Assas, le fait que 74% des Français trouvent qu’on a trop parlé de la Covid ne signifie pas nécessairement qu’ils souhaitent qu’on arrête d’en parler. « On ne peut pas appliquer le schéma habituel de compréhension de ce baromètre cette année », assure-t-il auprès de RTL.fr. « Cette donnée ne traduit pas un sentiment d’artificialité de l’information sur le virus. C’est plutôt la traduction d’un malaise vis-à-vis de la façon dont le sujet a été traité : la critique d’une information trop anxiogène« , poursuit-il. 66% des Français estiment ainsi que les médias ont dramatisé les événements.
Les sondés semblent ainsi plutôt satisfaits de l’information sur les règles sanitaires. Neuf Français sur dix estiment avoir été bien informés sur les gestes barrières et le port du masque, et plus de trois sur quatre concernant les règles du confinement et du déconfinement. En cette période incertaine, où les médias ont parfois doublé les annonces gouvernementales, « ils étaient en attente d’information sur le sujet », souligne Arnaud Mercier.
En revanche, les sondés regrettent de ne pas avoir été suffisamment informés sur « l’origine du virus et de l’épidémie » (57 %), « les débats sur la chloroquine » (54 %), ou encore « les conséquences psychologiques » de la pandémie (53 %). Sur la chloroquine, beaucoup, en particulier à la France insoumise ou au Rassemblement national, estiment aussi avoir été mal informés.
Des « experts » critiqués
« Certains médias ont appliqué le même mode de traitement au coronavirus qu’aux autres sujets. Ils ont fait preuve d’une forme de paresse intellectuelle« , soutient Arnaud Mercier. Le politologue vise en particulier la façon dont les « disputes scientifiques » ont été traitées. « Certains ont simplement fait comme s’il s’agissait d’une polémique, et ont donné la parole à un camp, puis à l’autre, sans considérer le niveau scientifique et la crédibilité de chacun. […] À partir du moment où la personne portait une blouse blanche, ça suffisait« , poursuit-il.
Dans le baromètre Kantar pour La Croix, 73% des sondés considèrent que les médias ont donné trop d’importance à des non spécialistes. De nombreuses critiques ont ainsi émergé autour des « experts » interrogés, notamment les médecins dits « rassuristes ». Des critiques que les professionnels de l’information ont fini par intégrer selon Arnaud Mercier, « mais il y a eu un retard à l’allumage« , regrette-t-il.
Malgré ces écueils, le politologue considère qu’il y a eu dans les médias « une prise de conscience de leur responsabilité ». Et la crise du coronavirus aura peut-être rapproché un peu les Français de leurs médias. Leur crédibilité, qui avait chuté avec la crise des gilets jaunes, est légèrement remontée pour la deuxième année consécutive. En tête, la radio : 52% des Français jugent qu’elle diffuse des nouvelles fidèles à la réalité. Viennent ensuite les journaux (48%), la télévision (42%), et enfin Internet (28%).
RTL