Quand, samedi dernier, le PASTEF a affiché les résultats de sa levée de fonds, les gouvernants sont tombés à la renverse. Plus de 125 millions de Francs FCA, en quelques heures, cela ne pouvait être vrai. C’est forcément à chercher entre le terrorisme et/ou le blanchiment d’argent, ont argué de nombreux pontes du Pouvoir. Seulement, le régime de Macky SALL, très performant quand il s’agit de tracer et d’espionner, ne met en avant ces arguments que pour détourner sa véritable hantise. Les Sénégalais si généreux avec son opposant ne sont sans doute pas contents de sa gouvernance.
Les partis politiques sénégalais pour l’essentiel, ont, depuis toujours, vécu aux crochets de leurs leaders-fondateurs qui ne font pas que les incarner. Comme son patrimoine, ce dernier manage, administre « sa » formation politique à sa guise. En dehors de la Ligue démocratique (ancienne LD/MPT), du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), de ce qu’était And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS), les plus de trois cent partis politiques sénégalais fonctionnent ainsi. Y compris le Parti –Etat socialiste (PS) que son retentissant « congrès sans débat » de 1996 a presque fait voler en éclats et le Parti démocratique sénégalais (PDS) qui est en train d’être taillé à la mesure de Karim WADE. Compte non tenu de Talla SYLLA, le seul qui s’est fait éjecter du parti (Jef Jel) qu’il a fondé. Ainsi, seuls ceux qui se font appeler communistes se réunissaient pour décider des stratégies et orientations à donner à la formation politique. Est-ce la raison pour laquelle ils sont restés pendant longtemps en marge du pouvoir ? En tout cas, pour le reste, c’est le chef, qu’on l’appelle secrétaire-général, président ou coordonnateur, qui décide de tout. Mais, qui met en même temps la main à la poche. Demander à Abdoul MBAYE le nombre de militants qu’il a perdus pour avoir refusé, lors de la dernière présidentielle, de donner « le transport ». Pour le Sénégalais, qui rechigne à acheter une carte de membre, c’est au leader, au candidat qu’est essentiellement dévolu le financement des activités. Et le compte en banque de ce dernier peut déterminer le nombre de ses lieutenants. Moustapha NIASS l’avait si bien compris qu’à la création de l’Alliance des forces du progrès (AFP), en juin 1999, il mit son parent à la trésorerie du parti.
Une véritable innovation
En lançant une campagne de collecte de fonds pour financer ses activités, le PASTEF a créé une nouveauté. Alors que certains militants attendent les bus et les t-shirt, sans oublier les sandwiches avant de se lancer dans la propagande, ceux de PASTEF sont invités à cotiser. Leur générosité a créé des étincelles. En réussissant, en huit heures, à mobiliser près de 126 millions de francs CFA, le parti d’Ousmane SONKO a suscité des réactions manifestant la panique qui s’est emparée du Pouvoir. C’est d’abord le ministre de l’Intérieur qui rappelle que le temps de SENGHOR n’est pas révolu, qu’un parti politique pouvait être dissolu par un simple craquement de doigts. Sa malencontreuse sortie a incité les tenants du pouvoir à davantage s’expliquer, mais dans les colonnes d’un journal. «Au-delà du risque de voir nos partis politiques se transformer en instruments entre les mains de l’Étranger pour déstabiliser le pays, il y a la grande question du terrorisme. Avec une collecte de fonds à l’Étranger, il est impossible de garantir la traçabilité et l’origine de l’argent, même si le donateur a une carte d’identité sénégalaise», écrit le journal qui relayerait un proche du Président. Et la note qu’on dit secrète de poursuivre : «L’Etat prend très au sérieux cette menace. Au Congo Brazzaville, une compagnie pétrolière évincée a financé une rébellion qui a renversé un gouvernement démocratiquement élu, alors que de l’autre côté du fleuve à Kinshasa, l’instabilité permanente résulte du fait que chaque faction politique ou armée est financé par des parrains extérieurs qui les instrumentalisent pour défendre des enjeux miniers. Alors que notre pays va bientôt commencer l’exploitation du pétrole et tous les enjeux qui en découlent, l’Etat ne doit pas laisser PASTEF jouer avec le feu». On se croirait rêver. Et pourtant non, cela a fait la Une d’un journal. Et a été suffisant pour doper les partisans du président. « Comment peut – on croire que des Sénégalais, au pays et dans la diaspora, lourdement sinistrés par la Covid-19, aient pu souscrire « en seulement quelques heures pour 128 millions de frs CFA de contribution au financement d’un Parti Politique du pays, même si c’est PASTEF ! », s’interroge Ibrahima SENE. Mais, le PCA de la Société des Mines de Fer du Sénégal Oriental (MIFERSO) a déjà sa petite idée. Lui qui ne lâche pas Ousmane SONKO d’une semelle, parle de qui il a été et de ce qu’il est devenu tout en prédisant la pire des catastrophes pour SONKO et Cie. « Connaissant ce que la clandestinité veut dire pour l’avoir vécue dans ma chair comme militant d’un Parti l’ayant vécue 20 ans durant après sa dissolution, je lui conseille de reprendre ses esprits, pour éviter une bataille juridique perdue d’avance, et qui va mettre son existence légale longtemps au frigo, et ses militants les plus aguerris, en prison pour de longues années ! », écrit le responsable du PIT qui, comme Antoine Félix DIOME, se croit dans les années 60.
Baromètre de l’impopularité du régime
Pour les tenants du pouvoir, c’est la crainte de voir des forces obscures instrumentaliser les partis politiques pour défendre des enjeux, notamment, financiers qui expliquerait leur levée de boucliers et les menaces qu’ils profèrent. Ce qui est loin d’être le cas. En dehors des financements venus de l’étranger que Macky SALL avait lui-même sollicités, qui s’est demandé qui sont les véritables financiers du projet « Akon-city » ? En vérité, ce qui traumatise le leader de l’APR et ses partisans, qui souhaitent la misère totale à l’opposition, c’est la grande impopularité qui s’est saisie du régime. Comme une sorte de réponse au président SALL qui a accaparé toute la soirée du 31 décembre pour charmer les Sénégalais en leur annonçant notamment la construction de nouveaux hôpitaux. 48 heures après, ces derniers offrent, comme un cadeau de nouvel an, plus de cent millions à son principal opposant. Inutile de dire à Macky SALL que le pactole servira à l’achat de gros bâtons à mettre dans ses roues qui peuvent divaguer mais ne doivent pas passer le cap de 2024.
Mame Birame WATHIE