Entre le bâtiment du siège de la poste et celui qui est à l’opposé, policiers et postiers se sont livrés hier à un face-à-face épique. Les postiers avaient décidé de tenir un sit-in face à un dispositif policier impressionnant qui ne l’entend pas de cette oreille sous le prétexte des interdictions de rassemblement.
Rien n’y fit. Masqués, les postiers sont décidés. Quand vient l’heure de la conférence, le premier lacrymo est subrepticement glissé entre les jambes. C’est la dispersion. Plus véloce qu’un postier, tu meurs ! Des postiers qui ont pris la poudre d’escampette, se retrouvent en deux foulées au garage souterrain pendant que certains s’étaient déjà excusés d’avoir replié à cause de l’état de leur santé. Réponse du postier au policier. Poubelles, pierres sont envoyés aux assaillants en tenu. Les agents des lettres et colis et courriers étaient déterminés à tenir leur sit-in pour se faire entendre. «Nous ne sommes pas des voleurs, nous sommes des travailleurs comme vous», adressent-ils aux policiers. Dans la tension, Ibrahima Sarr, porte-parole des postiers, exfiltré, échappe belle aux grilles de la fourgonnette avec le renfort de courageux. «Nous sommes des Sénégalais, les gens ont la possibilité de dire ce qu’ils veulent. Vous ne devez pas nous faire cela. Nous sommes des Sénégalais comme vous, nous sommes des chefs de famille en souffrance. Halte à la violence, au barbarisme. On va faire notre sit-in par la force», adressent-ils aux limiers. Une seconde bombe lacrymogène : une bonne partie des postiers étaient déjà au sous-sol. Entre temps, une pancarte, fabriquée à la va-vite, écrite au noir, laisse lire : «Policiers postier avenir incertain, certain». C’est selon. «Vous réclamez votre dignité, votre droit, c’est de ne pas être des victimes expiatoires de l’État. Qui, au lieu de régler la dette, est en train de nous massacrer. Nous allons intensifier la lutte», laissent entendre les porte-parole dans l’atmosphère, pimenté et vicié par les veloutes de fumigènes. Il s’en suit un échange de pierres contre des lacrymogènes. L’accalmie s’installe. Les yeux rougis, des voix s’élèvent à nouveau «Fi niokko moon», entend-on. Ce n’est pas la première fois que les postiers se frottent aux limiers. Sous la direction de l’ancien directeur Siré, les duels faisaient souvent tabac dans la bataille pour revendiquer des droits.
Emile DASYLVA