CONTRIBUTION
Non, Monsieur le Président, c’est l’Afrique qui a une «part de France», et non la «France, une part d’Afrique» !
Dans une interview récente à «Jeune Afrique» vous vous êtes attelé à vouloir démontré, en évoquant l’Histoire, ce que les dirigeants Français ont voulu accepter avoir de commun avec nous dans notre passé. C’est ainsi que vous avez évoqué, d’abord, la «traite des nègres» lorsque vous nous considériez comme des «objets sans âme», étant convaincus que «Dieu ne peut pas mettre une âme pure dans un corps si noir», pour nous transformer en «vulgaires marchandises» à vendre outre Atlantique.
Ensuite, vous avez évoqué le «colonialisme», lorsque vous prétendiez venir en Afrique, nous «civiliser» par la force des baïonnettes ! C’est pour ce «passé douloureux» dans lequel nos peuples furent «humiliés et massacrés» par vos gouvernants au nom de votre «civilisation», qu’en «grand seigneur», vous regrettez aujourd’hui dans votre interview, en présentant vos forfaitures comme votre «part d’Afrique»!
La destruction de nos forces vives par la «Traite», l’instauration du «travail forcé», pour surexploiter nos populations, la spoliation de nos ressources naturelles et de nos richesses culturelles qui ont contribué à votre richesse d’aujourd’hui, ont généré un ressenti si profond au sein de nos générations actuelles, que ne peuvent effacer comme un «bâton magique», les timides pas que vous avez effectués vers la restitution de notre monnaie et de nos objets d’art, que vous avez évoqués dans votre interview.
La condescende dont vous avez fait preuve dans cette interview, peut expliquer pourquoi vous avez passé sous silence, les seuls moments de l’histoire de nos relations durant les deux guerres mondiales de 1914-1918 et de1939 -1945, qui expriment toute la dignité des peuples d’Afrique. Ce sont dans ces moments où la France, occupée et humiliée par l’Allemagne, a eu recours deux reprises à l’Afrique, pour pouvoir se libérer et recouvrer sa dignité internationale. Cette partie la plus glorieuse, pour les peuples d’Afrique, la France, n’a pu, jusqu’ici, jamais le reconnaître !
Pis, en Décembre 1944, elle n’a pas hésité à fusiller à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar des «Tirailleurs Sénégalais», revenus du front au pays, pour avoir osé réclamer les «primes» qui leur étaient légalement dues. C’est ce «passé glorieux» pour nos peuples et «dévalorisant» aux yeux du monde entier, pour la France, que les présidents successifs de France, dont vous monsieur Macron, ne daignent reconnaître, pour jeter les bases du dépassement de ce «passif humanitaire historique» entre la France et l’Afrique, dans lequel, ni la Turquie, ni la Russie, encore moins la Chine, que vous incriminez indûment dans votre interview, n’assume aucune responsabilité. C’est pour tout cela que l’Afrique a «une part de la France» que celle-ci devrait lui reconnaître, plutôt que de continuer à jouer à l’Autriche !
Vous poussez même votre insulte à la mémoire des peuples d’Afrique, jusqu’à tenter de montrer que la «guerre contre le djihadisme» que vous menez au Sahel, c’est pour assurer leur sécurité, en occultant grossièrement les responsabilités de la France, de connivence avec les Etats Unis, dans la création des djihadistes de «l’Etat Islamique» en Syrie, et ses responsabilités dans le déclenchement des attaques de groupes armés et de terroristes islamistes au Sahel, en détruisant l’Etat Libyen, et en soutenant un mouvement indépendantiste armé au Nord Mali, pour des raisons économiques et géostratégiques qui lui sont propres.
D’ailleurs, lorsque ces peuples du Sahel, que vous prétendez défendre contre le terrorisme djihadiste, décident de créer les conditions pour négocier directement la paix avec eux, comme les Américains le font avec les Talibans en Afganistan, vous vous y opposez publiquement et ostentatoirement, en montrant ainsi, que ce qui prime chez vous , ce n’est pas le sort pacifique de ces populations meurtries, mais bien la sauvegarde de vos intérêts économiques et géo-stratégiques au Sahel et en Méditerranée. Avec cette attitude de mépris profond envers nos peuples d’Afrique, vous consolidez et cultivez le ressenti de ceux-ci vis à vis de la France.
Votre conception de la grandeur de la France et de ses intérêts telles que la mettez en pratique, rend la présence de celle-ci, tant au plan économique que militaire, de plus en plus indésirable partout en Afrique ! Les peuples d’Afrique, en revendiquant leur «part historique de France», en appellent à ce peuple pour qu’il reprenne son destin africain en main, en mettant fin à ce grave dénie de l’Histoire de nos relations, et à la culture de domination et d‘exploitation des peuples d’Afrique que partagent largement les forces politiques qui contrôlent son Etat.
Les peuples d’Afrique et de France peuvent bien faire émerger une autre coopération d’égale dignité et de respect réciproque de leur souveraineté, en assumant, chacune avec courage, sa part de responsabilité dans nos rapports passés et présents. Le monde nous regarde, monsieur le président Macron ! Peuple de France, vous êtes interpellés ! Avec tous nos respects !
Bougar DIOUF