Meurtre en série, agressions, vols à l’arrachée, lynchage à mort de malfrats… Le rond-point de Liberté 6 est en passe de devenir une zone criminogène où la circulation à certaines heures relève du suicide. D’où la nécessité de multiplier les patrouilles policières.
Etalage à tout bout de champ, klaxons à fonds, embouteillages monstrueux… C’est le décor qu’offre le rond-point Liberté 6. Ce tournant est le point de rencontre de plusieurs personnes partant vers le centre-ville, la banlieue et autres quartiers enclavés de la capitale sénégalaise. Quand le soir tombe, l’obscurité s’abat, les coudes se rétractent contre les sacoches. Le moindre ronflement de scooter fait frémir, les portables sont mis à l’abri, chaque passant est suspect. L’ambiance d’insécurité se fait sentir
Le rond-point Liberté 6 a été maintes fois la scène d’agressions, de vol qui peuvent tourner au pire. Deux jeunes scootéristes sont lynchés à mort par une foule, sur l’axe du rond-point Liberté 6, il y a moins d’une semaine. Dans ce même lieu, les agressions sont fréquentes, tantôt à bord de scooter tantôt en mode pickpocket. L’ambiance d’insécurité qui règne dans ce tournant contraste avec celui d’autres points de la capitale comme le rond-point Bethio, voisin de la résidence du président de la République.
On se souvient de l’agression mortelle du vendeur de café Ndiaga Ndiaye dit Baye Fall près des locaux du groupe Wal Fadjri ou encore celle du jeune Ibrahima Kane (17 ans) tué lors d’une agression à Liberté 6, dans la nuit du 30 au 31 décembre 2018. Cela pour une banale affaire de portable. On se souvient encore de l’attaque d’une des banques, située dans le périmètre du rond-point. Il y a une semaine, deux jeunes encore à la fleur de l’âge ont perdu leur vie l’un après l’autre. Cela suite à un lynchage dans cette zone. Ce drame est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Les riverains du rond-point, notamment ceux de Derklé, sont sortis pour exprimer leur mécontentement. Des jeunes du quartier et marchands ambulants ont failli en venir aux mains. Le drame allait se produire quand la Police s’est interposée. Mais l’ambiance de vindicte règne toujours. Les jeunes éplorés accusent les ambulants d’avoir ôté la vie à leurs deux compagnons.
Le marché hebdomadaire installe le grand bazar
Cette défiance trouve son cadre dans une zone ou l’insécurité règne en maître à cause de la combinaison de plusieurs facteurs. Les riverains du rond-point subissent de plein fouet les impacts de cette atmosphère d’insécurité. Selon le chef de quartier de Liberté 6 Extension, Sémou Diouf, «il y a une multitude de facteurs qui ont pour conséquence l’insécurité dans la zone». Le marché hebdomadaire qui attire les intrus dans la zone. La zone est si convoitée que des gens viennent s’installer en locataire incognito du chef de quartier.
L’autre source d’inquiétude est la présence des garages de mécaniciens clandestins. Ces garages se sont pour la plupart installés dans des sites privés, inoccupés. Ils sont transformés en dortoir quand il y a des contraintes pour rentrer. Les badauds squattent aussi ces coins perdus. C’est un monde étranger qui se retrouve dans la zone en proie à l’insécurité. Devant sa porte, Sémou Diouf, montre le fil de calandos, bousculés par les travaux du Bus rapide transit (Brt). «on gare n’importe où», se désole M. Diouf. Qui pointe du doigt le problème d’éclairage.
Dans une situation d’insécurité, les gens essayent de s’organiser pour prendre leur sécurité en main, en mettant sur place une milice de quartier. Mais le projet n’a pas abouti. «Certains payent, d’autres pas au moment de passer à la caisse de la sécurité», selon M. Diouf. Pour sa zone, il fallait donner 5 000 francs Cfa mais en vain. L’autre fait est que Liberté 6 est un point de passage forcé en direction du centre-ville et de la banlieue. Le mal est si profond que le chef quartier déclame leur impuissance : «Nous sommes fatigués.»
Besoin de renforcer les patrouilles
Dans ces quartiers, les habitants ont l’impression d’être laissés pour compte par les patrouilles. On ne comprend pas que l’insécurité soit permanente. Pourtant, les casernes et camps sont dans la zone qui a une urbanisation galopante. Ce qui se traduit par la «montée du banditisme», selon le chef de quartier. Qui déplore que le contrôle ne soit pas obligatoire dans les résidences qui accueillent les novices dans les quartiers. C’est parce que la plupart des bailleurs ne sont pas dans les maisons pour savoir qui est qui. Les bâtiments sont laissés sous l’emprise des agences immobilières qui n’ont qu’à faire de la morale de l’occupant des lieux dès l’instant qu’il passe à la caisse. «Il faut se présenter chez le chef de quartier dès son arrivée au deuxième jour. Mais les gens se signalent qu’en cas de décès, maladie ou vol», déplore M. Diouf. Qui pense qu’il faut donner à la police des moyens pour arriver à faire suffisamment de patrouilles et en constance comme dans les quartiers huppés. Elle ne doit pas se limiter à la porte des résidences du centre-ville des Almadies et autres.
Emile DASYLVA