Les autorités marocaines ont annoncé avoir lancé une opération militaire dans la zone-tampon de Guerguerat, près de la Mauritanie, dans un contexte de tensions croissantes autour de l’ancienne colonie espagnole au statut toujours contesté.
Dans un communiqué, le ministère marocain des Affaires étrangères explique que “Le Polisario et ses milices qui se sont introduits dans la zone depuis le 21 octobre ont mené des actes de banditisme, bloqué la circulation et harcelé continuellement les observateurs militaires de la Minurso”, la force d’interposition de l’ONU.
Le but de l’opération est de “mettre un terme à la situation de blocage” et “restaurer la libre circulation civile et commerciale” sur la route qui conduit vers la Mauritanie, selon la même source.
Les indépendantistes sahraouis dénoncent l’existence de la route en question, que le Maroc considère comme essentielle pour ses échanges avec l’Afrique subsaharienne.
Environ 200 routiers sont bloqués depuis trois semaines à ce poste-frontière, à l’extrême sud du territoire désertique que se disputent depuis des décennies le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario soutenus par l’Algérie, malgré les efforts de règlements de l’ONU.
“Ce n’est pas une action offensive mais c’est une action de fermeté par rapport à cette action qui est inacceptable”, a assuré à l’AFP le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en affirmant que la Minurso, présente sur le terrain, avait observé qu’il n’y avait aucun contact avec les civils”.
Le roi Mohamed VI a dit dans un récent discours, début novembre, “que le Maroc ne tolérerait pas que ces provocations continuent: aujourd’hui c’est une manifestation de cette intransigeance”, a-t-il ajouté.
Vendredi, des hommes du génie civil de l’armée marocaine ont été déployés à une dizaine de km du poste-frontière pour “colmater une brèche” dans le mur qui sépare les deux camps dans l’immense territoire désertique, de façon à “rendre impossible l’accès à la zone”, selon un haut responsable des Affaires étrangères.
Nouakchott a annoncé mercredi que l’armée mauritanienne avait renforcé ses positions à la frontière avec le Sahara occidental “pour parer à toute éventualité”.
Réplique du Polisario
Les forces du Front Polisario, mouvement indépendantiste soutenu par l’Algérie, ont annoncé vendredi répliquer à l’armée marocaine qui a déclenché une opération militaire au Sahara occidental dans la zone-tampon de Guerguerat, près de la Mauritanie.
“C’est une agression. Les troupes sahraouies se retrouvent en situation de légitime défense et répliquent aux troupes marocaines”, a déclaré Mohamed Salem Ould Salek, le chef de la diplomatie sahraouie. “La guerre a commencé. Le Maroc a liquidé le cessez-le feu” signé en 1991, a-t-il ajouté.
Est-ce la fin du cessez-le-feu?
Un cessez-le-feu a été signé en septembre 1991 sous l’égide de l’ONU, après 16 ans de guerre. Les négociations menées par l’ONU et impliquant le Maroc, le Polisario, l’Algérie et la Mauritanie sont suspendues depuis plusieurs mois.
Un mur de défense construit par le Maroc, qui sert de ligne de démarcation, sépare les belligérants sahraouis et marocains depuis l’accord de paix de 1991. Ce mur est bordé de chaque côté par une zone tampon de cinq kilomètres de large sous la responsabilité de l’ONU.
Le Polisario avait averti dès lundi “que l’entrée de tout élément militaire, sécuritaire ou civil marocain” à Guerguerat, qui borde une zone tampon contrôlée par les Casques bleus de la Mission des Nations unies au Sahara occidental (Minurso), serait “considérée comme une agression flagrante, à laquelle la partie sahraouie répliquera énergiquement, en légitime défense et en défendant sa souveraineté nationale”.
Le Polisario, qui a proclamé une République sahraouie (RASD) au début des années 1980, milite pour l’indépendance et réclame un référendum d’autodétermination.
Plus au nord, en territoire algérien, se trouvent des camps où vivent des réfugiés entièrement dépendants d’une aide humanitaire en diminution, selon l’ONU qui s’inquiète dans sa dernière résolution de leurs “souffrances persistantes”.
– Attaques de milices –
Depuis environ trois semaines, des milices, comprenant quelque 70 hommes armés “s’attaquent à des camionneurs, interdisent la circulation, procèdent à du racket”, selon la même source.
Jusque là, “le Maroc a fait preuve de retenue” mais “les appels de la Minurso et du secrétaire général de l’ONU (…) sont malheureusement restés vains”, a souligné le haut responsable marocain en affirmant que l’ONU, la Mauritanie et “d’autres pays impliqués dans le dossier” avaient été prévenus de l’opération.
Il y a 108 routiers bloqués côté mauritanien et 78 de l’autre côté de la frontière, avec des véhicules de différentes origines, Maroc, Mauritanie ou France, selon le haut responsable marocain joints par l’AFP.
La semaine dernière, un groupe de routiers marocains avaient lancé un appel au secours aux autorités du Maroc et de la Mauritanie en se disant bloqués par des “milices affiliées à des séparatistes”, au poste-frontière de Gerguerat.
La région de Guerguerat a déjà été au centre de vives tensions entre le Polisario et le Maroc, notamment début 2017. Les indépendantistes sahraouis dénoncent l’existence de cette route que Rabat considère comme essentielle pour ses échanges avec l’Afrique subsaharienne.
Rabat, qui contrôle 80% de l’ancienne colonie, ses gisements de phosphate et ses eaux poissonneuses dans sa partie ouest, le long de l’océan atlantique, veut une “autonomie sous contrôle” du territoire, où de grands chantiers de développement marocains ont été lancé ces dernières années.
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