Vingt-quatre heures après que la déflagration est tombée mardi, les extrapolations ne se sont pas éteintes. Comme si la réalité tenait encore du rêve, le quotidien français d’hier mercredi, L’Equipe, semblait encore dans les nues (Adios ?).
Vu du dehors, on se disait que Lionel Messi, faiseur de solution sur le terrain, devait être l’homme à tirer les ficelles dans les coulisses du Fc Barcelone. Que le président Bartomeu avait même besoin de son onction pour décider de la direction du vent, que l’entraineur Koeman ou un autre devait aussi requérir son aval pour déterminer qui serait ou ne serait pas dans le groupe fondamental. On ne parlait pas du «Fc Messi» pour parler du Barça comme on parlait du «Fc Pelé» pour designer Santos dans les années 1960, mais c’était sans doute par respect pour les autres joueurs. La réalité n’en était pas éloignée. Ce gamin de 33 ans, «né» au Barça à l’âge de 13 ans, materné, soigné, couvé à la Masia, ne pouvait pas, pensait-on, mettre un pied devant l’autre en dehors du Camp Nou.
Les poches pleines, l’avenir assuré, le palmarès à la mesure de sa démesure (4 Ligues des champions, 6 Ballons d’or, 6 souliers d’or depuis 2004), on le pensait à l’abri du besoin et sanctifié pour l’éternité. Il avait une équipe à sa dimension, un public qui le savait dieu et une planète de fans à travers le monde qui haletait ou se libérait à la mesure de l’électrocardiogramme du Barça. Chaque saison était, à son entame, attendue comme une démesure à l’aune des exploits de Messi.
Les enfants le chérissaient de par le monde parce qu’il leur envoyait l’image d’un lutin à la croissance freinée qui leur rappelait leur fragilité dans le monde des «Robocop» et les amenait à se figurer dans le monde des «petits camps». Les ados l’adulaient en mesurant sa grâce à le voir réinventer et rendre l’impossible possible sur un terrain de foot, à peupler leurs rêves d’actions et d’actes insensés qui font du foot une activité humaine avec laquelle un diable pouvait faire joujou. Autour du fauteuil-télé également, les spécialistes du ballon rond réapprenaient le football en découvrant qu’on pouvait la jouer à 10 en défense (Messi ne défendait pas) et se retrouver à l’infini dans les phases offensives.
Avec Messi les options tactiques devenaient une illusion à partir du moment où son génie lui permettait d’éliminer la moitié d’une équipe et la désintégrer. On perdait la tête à voir la capacité de Messi de cette formation (disons le Barça) à rendre flasques tous les pressings. On se prenait la tête à la voir La Pulga faire passoire de tous les murs et ridiculiser les gardiens de but. Devant le petit écran, on s’est ainsi amusé à voir ses vices se transformer en vertus.
Finalement Messi, dans ses aboutissements sublimes, a appris au monde à étudier le foot en s’inventant des clés d’analyse et non plus seulement à le regarder dans la simplicité d’un ballon qui roule. Tout le monde est finalement devenu statisticien avec son Barça, ne s’ennuyant plus des temps de possession du ballon mais restant aux aguets pour discerner plutôt quel aboutissement allait connaître une longue séquence de jeu, pour savoir par quelle magie un «match de handball» allait subitement se transformer d’un «jeu de vilains en jeu de malins».
Mais ceci ne pouvait être éternel. Le football est une perpétuelle révolution et des actes révolutionnaires, ainsi que le Bayern en a posé le 21 août dernier, et dégoûter Messi de son jouet, sont des étapes marquantes dans l’évolution de ce jeu. Cela rappelle le Brésil du Mondial 2014, réduit à sa terrible incapacité par une équipe d’Allemagne (7-2) aussi technique, athlétique que stratégique dans l’occupation du terrain et dans l’expression de son art. Si on remonte aux années 50, c’est pour encore tomber sur des Allemands qui, en 1954, avaient complètement tué la Hongrie en finale de Coupe du monde, alors qu’elle était, à l’époque, avec Puskas et compagnie, la création la plus aboutie autour du 4-4-2. Toujours les Allemands et on aurait pu continuer ! Comme pour dire qu’à chaque fois que le football semble avoir trouvé son aboutissement, ce sont ces «teutons» qui mettent en lumière ses incapacités et le ramènent à la simple logique de l’efficacité.
Tidiane KASSE