Pour parer à la longue grève des travailleurs de la Justice qui semble paralyser le fonctionnement du service public de la justice, l’Etat concède une formation accélérée de dix jours à des gardes pénitentiaires pour faire office de greffiers ad hoc dans les juridictions. Ce que déplorent les greffiers qui voient cela comme une «insulte» à leur profession.
Une insulte à la conscience intellectuelle et à la profession de greffiers. C’est ce qu’assimile l’Union des travailleurs de la justice (Untj) au programme du Gouvernement de transformer des gardes pénitentiaires en greffiers. «J’ai entendu pour le déplorer le directeur du Centre de formation judicaire dire que ces agents pénitentiaires formés pour 10 jours sont aptes pour exercer le métier de greffier. Ce qui est une insulte pour les élèves-greffiers en formation à l’école, qui ont subi un concours sélectif avec le niveau de la licence et qui sont en train de faire une formation pour deux ans», a d’emblée dénoncé Me Abdoulaye Mboup, chargé de communication de l’Untj lors d’un sit-in au niveau du Tribunal de grande instance de Pikine-Guédiawaye. «A la limite, c’est un déshonneur, une insulte à l’endroit d’une profession règlementée que l’on exerce à la suite d’un concours et d’une formation de 02 ans au Centre de formation judiciaire», regrette le greffier officiant au Tgi de la banlieue dakaroise.
Montrant encore l’indignation de ses collègues, Me Mboup charge les autorités judiciaires en dénonçant la dévalorisation des institutions. «Nous avons tenu à observer ce sit-in pour dénoncer avec la dernière énergie la formation d’agents pénitenciers au niveau du Centre de formation judicaire pour une durée de 10 jours et affectés en qualité de greffiers Ad hoc. Nous avons entendu parler le Directeur du centre de formation judiciaire se prononcer sur la question. Mais nous pensons qu’il est passé à côté de la plaque. S’il est logique avec lui-même, il doit immédiatement délivrer les diplômes à ces 10 élèves-greffiers qui sont actuellement en formation pour 02 ans après avoir auparavant réussi à un concours d’entrée supervisé par l’Etat du Sénégal. Parce que s’il estime qu’on peut faire une formation pour 10 jours à fortiori des élèves greffiers qui en déjà font déjà 06 mois. Cela montre actuellement que la Justice sénégalaise a un sérieux problème. C’est que les institutions ne fonctionnent plus».
«On a dévalorisé les institutions judiciaires»
Fustigeant encore la banalisation des institutions judiciaires, le chargé de communication de l’Untj ajoute : «On a dévalorisé les institutions judiciaires à tel point qu’on pense pouvoir amener quiconque à exercer un métier réglementé. Nous le dénonçons avec la dernière énergie. Je pense que cette tentative de trouver des solutions avec des raccourcis est à déplorer. Malheureusement en lieu et place de trouver des solutions, le ministre de la Justice se verse dans la menace de radiation. Ce qui est vraiment déplorable. Il s’y ajoute que le ministre a eu à changer les notes déjà affectées aux travailleurs. Ce qui n’est pas de son ressort car c’est une compétence exclusive des différents chefs de service. C’est une immixtion qui ne saurait être expliquée et que la grève ne saurait un motif valable pour expliquer de tels actes». Et de poursuivre pour interpeller leur ministre de tutelle Me Malick Sall à revoir sa copie : «Nous demandons au ministre d’essayer de trouver des solutions idoines à la crise qui a trop duré en tenant un langage de vérité aux grévistes. Et s’il y a des points qu’il peut régler tout de suite, il n’a qu’à inviter les grévistes et discuter avec eux pour pouvoir trouver des solutions. Donc, j’invite le ministre et les acteurs à se retrouver autour d’une table pour discuter».
Théodore SEMEDO