Les inondations secouent les quartiers du village d’Aladji Pathé Sow de Keur Massar et de Jaxaay Niacoulrab. Désemparées, les populations crient au secours.
Il est 10 heures à l’arrêt Baye Niass, dans la lointaine banlieue dakaroise. Sur place, un groupe de vieillards sert de guide à votre serviteur. Destination : les zones gagnées par les inondations. Le spectacle est désolant. Une scène qui fait frémir. Ici, la localité ressemble à un marigot où il faut superposer des briques pour entrer dans le quartier. Ici, beaucoup de maisons sont englouties sous les eaux pluviales. On aperçoit les femmes de retour du marché patauger pour regagner leurs domiciles. Sur place, aucun matériel de pompage n’est préposé dans le quartier, malgré les promesses du Gouverneur lors de sa tournée pré-hivernale dans cette zone. Ironie du sort, le site où logent les sapeurs-pompiers a été décampé, pour des raisons ignorées par les habitants du quartier. Pire encore, le lieu est tout simplement envahi par les eaux pluviales.
Délégué de quartier Baye Niass, Adama Sène rumine sa colère : «Ça fait six ans que l’on vit avec ce calvaire des eaux pluviales. Que ça soit en période hivernale ou en saison sèche. Nous avons peur que les maisons s’effondrent. Les moustiques nous fatiguent. La nuit dès que tu ouvres la bouche, ces moustiques risquent d’entrer dans ta bouche. Ça fait près de cinq ans que nous n’avons pas vu le Service d’hygiène venir saupoudrer la zone». Son camarade, Omar Faye, délégué de quartier Madiabel Diop lui emboîte le pas : «Depuis 2012, on vit cette situation dans cette zone. Les sapeurs-pompiers n’ont pas de matériel pour sortir l’eau des quartiers. L’année dernière, c’est l’Agence de développement municipal qui nous a sauvés. Mais cette année, nous sommes sans soutien et nous vivons un véritable calvaire. Car à cause des inondations, certains enfants sont coincés chez eux». Ndèye Diop, habitante de l’Unité 05 des Parcelles-assainies de Jaxaay renchérit : «On vit un calvaire avec ces inondations. On superpose des briques. Parfois, des vieillards tombent. Ces eaux pluviales stagnantes sont les niches de reptiles et de serpents. Nous sommes très fatigués et nous voulons de l’aide».
En cette période hivernale, vaquer à ses occupations, au niveau de certains quartiers du village d’Aladji Pathé Sow à Keur Massar et des Parcelles-assainies (Unité 05) Jaxaay-Niacoulrab relève d’un véritable parcours du combattant. Car ces populations sont obligées de superposer des briques pour se rendre à la boutique ou sortir de leurs quartiers. Ce, à cause des eaux pluviales qui envahissent leurs localités.
Autres manquements dénoncés par ces populations, c’est l’absence de routes et d’écoles élémentaires. «On parle d’égalité de chances de réussite dans l’éducation. Mais, ce n’est pas le cas. Car les écoles manquent. Nous n’avons pas de poste de santé, ni de police, encore moins de poste de Gendarmerie. Car que ça soit le poste de Police de Jaxaay ou de Gendarmerie de Keur Massar, ils sont trop éloignés des zones d’habitation. De plus, il y a un manque d’éclairage public dans cette zone», fait savoir Omar Faye.
Ces populations qui déplorent le mépris des autorités locales, face à leur situation, lancent un cri du cœur au chef de l’Etat, Macky Sall. «Nous avons un député maire. Et quand il nous appelle, on se mobilise nous tous que ça soit imams ou délégués de quartier. Mais en contrepartie, nous ne sommes pas aidés. Mais pourquoi ? Je demande aux autorités est-ce que nous sommes des citoyens sénégalais. Nous sommes oubliés par les autorités. Quand elles viennent ici, ces autorités s’arrêtent au niveau de la route et n’entrent pas. Nous avons récemment entendu que le ministre Omar Guéye était dans la zone. Je crois que la sagesse voudrait qu’il vienne ici s’enquérir de notre souffrance. Nous demandons donc au président de la République de réagir car l’heure est grave pour nous», laissent-ils entendre dans la foulée. «Le Corona ne peut pas nous épargner de nos activités économiques et que les inondations viennent nous tuer. Nous nous sentons abandonnés. Nous n’avons ni route, ni poste de santé, ni sécurité. L’éclairage public fait aussi défaut et il n’y a aucune infrastructure pour former ou aider les jeunes dans cette zone. Le président de la République doit réagir par rapport à cette injustice sociale car je pense personnellement que les gens qui le représentent ici dans ces zones ne lui disent pas la vérité sur les souffrances que l’on vit actuellement. Car si cela continue ainsi, nous serons obligés de barrer la route pour nous faire entendre», laisse observer Malan Sambou un autre jeune du quartier.
Théodore SEMEDO