La gestion de la pandémie de la Covid-19 comporte beaucoup de défaillances. Et la Coalition pour la santé et l’action sociale (COSCAS) ne ménage pas les autorités en charge de la santé. Dans un communiqué, ces spécialistes en santé publique soulèvent une kyrielle de manquements.
La manière dont la pandémie de la Covid-19 est en train d’être gérée au Sénégal suscite de vives réactions des syndicats de la santé, notamment ceux regroupés autour de la Coalition pour la santé et l’Action sociale (COSCAS). Ces derniers ont dressé un tableau sombre de la situation de la maladie au Sénégal, relevant, au passage, beaucoup de manquements dans la prise en charge des malades, les tests, le traçage des cas de Covid-19, etc. «La gestion de la pandémie de la Covid-19 s’est heurtée à des obstacles liés à la gouvernance», démarrent Pr Abdoul Kane, président du Cosas et ses camarades dans un document parvenu à Walf Quotidien. D’après eux, cette gouvernance aurait pu être améliorée si la vision était partagée par les différents acteurs et si les concertations initiées par le Chef de l’Etat avaient abouti à la mise en place de cadres de réflexion fonctionnels aussi bien au niveau national qu’au niveau local.
Pr Abdoul Kane et Cie y ont observé également l’absence d’approche inclusive, avec une centralisation excessive des activités autour du ministère de la Santé, lui-même traversé par des contradictions internes entre le cabinet et les autres composantes. D’après eux, ces tergiversations ont eu pour conséquence la concentration des moyens au sommet, des districts sanitaires démunis, frappés de plein fouet par la baisse de la fréquentation des patients, induisant une baisse drastique de recettes, les rendant incapables d’implémenter des stratégies locales, surtout en milieu communautaire.
Ils se désolent, également, du fait que plusieurs personnes ressources issues des sociétés savantes médicales, des associations de professionnels de santé, publiques ou privées, des universités et des organisations de la société civile n’ont pas été impliquées dans la dynamique de lutte contre la pandémie. Idem, constatent-ils, pour les experts en sciences sociales, les travailleurs sociaux et les diplômés en santé communautaire qui n’ont pas senti, eux-aussi, leur expertise pleinement valorisée. D’ailleurs soulignent-ils, ces spécialistes ont été les premiers à se plaindre de la médicalisation excessive de la lutte contre la pandémie. De leur avis, c’est cette «gestion solitaire» qui explique cette absence de cohérence dans la démarche, ayant conduit, au report de la réouverture des écoles. «Notre organisation s’est prononcée, depuis le début, pour une stratégie intelligente de dépistage actif, en lieu et place du testing exclusivement ou principalement réservé aux patients symptomatiques et aux cas-contacts. Mais aussi à la disponibilité des kits de dépistage occasionnant inévitablement un écart entre les résultats des tests et la prévalence réelle de la Covid-19 dans notre pays. Ces assertions se trouvent maintenant largement confirmées par la démultiplication des décès, surtout ceux survenant à domicile ou au sein de communautés, au moment où le taux de positivité se maintient en plateau autour de 10%. Les tests de dépistage ne reflètent pas la réalité, avec une augmentation du nombre des cas positifs étroitement liée au nombre de tests effectués», fustigent ces professionnels de santé. Qui, au passage, indiquent que la gravité des cas n’est pas appréhendée dans toute sa mesure. Car, de très nombreux décès dans la communauté ne sont pas comptabilisés, comme étant consécutifs à la Covid-19. Pis prescrivent-ils, la place des formes sévères présentant des lésions caractéristiques au scanner, mais dont les tests sont négatifs, n’est pas précisée. Et le taux de létalité est «biaisé par le fait d’hospitaliser des jeunes patients dans de grands hôpitaux».
«La stratégie utilisée par les autorités jusque-là semble avoir atteint ses limites. On assiste à une circulation active du virus dans le pays, contrastant avec la gestion léthargique et routinière des autorités, qui rejettent la responsabilité de la situation actuelle sur les populations, qui seraient réticentes à appliquer les gestes barrières et à se conformer aux directives gouvernementales. Malgré l’introduction de la prise en charge extrahospitalière, la régulation des cas laisse beaucoup à désirer. En effet, le dépistage et l’hospitalisation des patients Covid-19 symptomatiques connaissent beaucoup de retard. Ces lenteurs sont à l’origine de nombreux déplacements de ces malades, ce qui accentue les risques de propagation du virus», déclarent Pr Abdoul Kane et Cie.
Samba BARRY